Nous parlons dans le cas que nous abordons d'une direction opérationnelle d'entreprise, très importante puisqu'elle compte quelque 4000 personnes. Au sein de cette direction opérationnelle, le président et le directeur général doivent faire évoluer en profondeur les règles de fonctionnement de toute l'activité high-tech ; il s'agit d'un changement de très grande envergure. 

Le président et le directeur général ont des profils très différents : le président est un expert du domaine mais pas du métier et il est nouveau dans l'entreprise. Le directeur général a quant à lui une bonne connaissance de l'entreprise ; c'est un expert en conduite de projet mais il n'a pas d'expérience du domaine ni du métier. Il est de fait un peu considéré comme un intrusL'idée du binôme mis en place dans le cadre de l'objectif défini ci-dessus répond à une logique de complémentarité.

Par ailleurs, les relations entre le DG et le comité de direction sont très tendues. Le DG perçoit son comité de direction comme peu collaboratif ; la plupart de ses membres ont d'ailleurs demandé leur mobilité ou y pensent. Ils voient dans leur DG un homme autoritaire, peu expert et qui ne s'engage pas. Il refuse de plus, disent-ils, d'être aidé.

Une méfiance s'est donc installée de part et d'autre.

Un jour, l'assistante du DG se plaint de harcèlement. Très vite, le DG est "catalogué" de pervers narcissique. La DRH est alertée car il devient indispendable de faire cesser cette situation car une mobilité, outre qu'elle est impossible, ne règlerait rien.

Le président soutient alors l'idée d'une action de coaching du DG et la DRH lance une enquête interne sur la violence au travail.

C'est à ce moment que notre Cabinet est saisi

Notre analyse de la situation

Lorsque nous rencontrons le DG "objet" du coaching, nous faisons face à un homme qui est convaincu de ne pas avoir le profil requis. Moteur en situation collective, c'est un dirigeant tendu. Il évite les débats dès qu'il se trouve dans une situation de demande et ne veut pas parler de ses propres difficultés.

Dans le même temps, il essaie de se rassurer, se focalise sur des détails. Il essaie de positiver autant que faire se peut ; il est dans le contrôle.

Le comité de direction reste sur son quant à soi et continue à voir dans ce directeur général un pervers narcissique, quelqu'un qui n'est pas à la hauteur, un imposteur. "On ne sait dire s'il est mister Jekyll ou mister Hyde". Sa perte d'autorité qui neutralise naturellement la coopération fragilise évidemment le président lui-même.

Le piège dans lequel est le directeur général est le suivant : il se dit qu'il est à la hauteur, qu'il doit donc obtenir ce qu'il demande mais n'y arrive pas et va de désillusion en désillusion ; "il est tantôt perçu comme un prédateur, tantôt comme un chien dans un jeu de quilles, un animal traqué".

Le président est fragilisé par l'événement et craint déjà d'avoir "perdu" le projet de transformation ; il fait de ces événements un événement collectif et cherche à tout prix une sortie pour les membres de la direction.

Le départ de l'assistante est traumatique pour tout le monde. Le DG va devoir très vite se sortir de cette situation. Le président se montre alors plus souple et offre son aide mais il se rend compte que le DG ne suit pas ses conseils. Celui-ci va à l'occasion beaucoup solliciter son entourage pour avoir un feed back et il est bien sûr perçu plus encore comme quelqu'un d'inquiet, ce qui fait monter encore davantage la résistance au changement.

La DRH cherche quant à elle à établir la vérité en recueillant la parole de tous les témoins de l'événement, avec le projet de procéder à une restitution collective qui va permettre de comprendre ce qu'il s'est passé. Cette action est menée par la coach interne.

Cette enquête fait remonter des avis différents sur le DG ; on converge rapidement vers l'émergence d'un bouc émissaire. S'il fallait trouver une image, je dirais que nous sommes face à un cheval qui s'emballe et qu'il s'avère nécessaire d'ouvrir l'arène pour que le cheval dévie de sa trajectoire, soit gêné dans son galop et freine....... pour une maîtrise retrouvée.

Notre Cabinet est de nouveau sollicité.

Qu'avons-nous fait ?

La phase de diagnostic opératoire nous amène à recommander la constitution d'un système pertinent composé du président, du DG, de la DRH et de la coach interne.

Puis, nous mettons en place un coaching du DG que nous percevons comme ultra demandeur. Il se sent en effet très mal (nous apprenons qu'il avait été président de CHSCT) mais en capacité de négocier le lien avec tous les membres du système pertinent.

Dans le diagnostic, nous avions précisé l'enjeu : rétablir l'autorité du DG, absolue nécessité car nous sommes dans une entreprise où on ne "vire" pas et, de toute façon, si ce cadre s'en va, le changement ne peut avoir lieu. L'enjeu est donc de taille et incontournable.

Pour ce faire, nous devons mettre en place un cadre qui permette le maintien d'un lien avec les interlocuteurs pouvant agir sur la situation. Nous avions déconseillé une action collective dans un premier temps mais le process était déjà engagé et nous nous sommes retrouvés dans une réunion d'étape où la restitution était encore plus proche de produire plus de désordre que de rétablir la situation.

Assez naturellement, l'idée d'un séminaire a été retenue. Ce séminaire a réuni tout le monde, en qualité de participant, pour qu'il n'y ait pas d'évaluateur ou d'observateur. Nous avons travaillé en binôme avec la coach interne.

La demande de la DRH était de coacher le DG affaibli par une accusation de harcèlement. Nous avons transformé cette demande en "comment obliger le comité de direction à s'investir dans le changement ?"

Nous avons négocié sur le temps. On nous disait : "combien vous faut-il de temps pour que le DG arrive à dépasser ses difficultés ?" Nous avons dans les faits pris le temps de mobiliser tout les acteurs du système pertinent.

La restitution a mis en en lumière :

Au cours du séminaire, la restitution a reflété les points de vue individuels de tous. Et nous sommes parvenus à la clôture de la vérité sur le passé.

Nous avons appliqué des techniques de problem solving, nous sommes focalisés sur les problèmes actuels orientés avenir ; nous avons assoupli les tentatives de solutions et sommes passés de leur logique orientée passé à une logique orientée futur.

Ce séminaire a généré une émotion intense. Le DG a assisté - il s'y était préparé au cours de 6 séances avec Lact - à une audition des accusations multiples proférées à l'encontre du bouc émissaire qu'il était devenu.

Mais, lors des poses, les participants sont venus progressivement vers lui jusqu'à former un essaim et le président a alors remarqué qu'il avait retrouvé sa position de chef, de capitaine du bateau.