Lors du webinaire de mars 2021 de LACT, Julien Betbèze, inspiré par Pierre Janet, montre que la dissociation est une réponse au traumatisme et que sa résolution passe par une relation thérapeutique sécurisante. La reconnexion aux valeurs personnelles permet aux patients de transformer leurs expériences douloureuses en ressources positives et de retrouver une cohérence émotionnelle et psychologique.
Dans cet article, nous abordons les concepts de dissociation et de désassociation dans le cadre thérapeutique, en particulier en lien avec les peurs et les traumatismes, à la lumière de l’intervention de Julien Betbèze et des travaux du psychiatre Pierre Janet, pionnier de la psychologie française.
Introduction à la dissociation et à la désassociation
Julien Betbèze introduit la dissociation, un concept souvent associé aux traumatismes. Dans une situation traumatique, une personne dissociée est détachée de son expérience directe : elle ne ressent plus son environnement ni même son propre corps de manière ordinaire. Ce phénomène empêche la personne de réagir de façon adaptée et de se reconnecter aux relations sociales et affectives qui pourraient l’aider. Michael Yapko, également cité par Julien Betbèze, évoque l’usage de la dissociation dans un contexte thérapeutique positif, par exemple en aidant un patient à s’éloigner mentalement d’une douleur physique lors d’un soin. Cette forme de dissociation est délibérée et vise à atténuer une expérience désagréable, contrairement à la dissociation traumatique où la personne est « piégée » dans son expérience douloureuse.
Les origines de la dissociation dans les travaux de Pierre Janet
Pierre Janet, à la fin du XIXe siècle, a été parmi les premiers à conceptualiser la dissociation. Il l’a étudiée dans ses recherches sur l’hystérie, une condition alors peu comprise et souvent stigmatisée. Janet considérait la dissociation comme une réponse à des traumatismes passés, en particulier chez des personnes ayant manqué de soutien affectif et de ressources pour intégrer leurs expériences. Un cas emblématique est celui de « Marie », une patiente souffrant de crises hystériques, que Janet traite en utilisant l’hypnose pour faire ressurgir les souvenirs traumatiques enfouis. En créant un environnement sécurisant, Janet l’aide à revivre ces souvenirs, mais en y ajoutant des éléments de réconfort et de soutien — comme l’apparition d’une figure maternelle apaisante.
La relation entre action, relation et sécurité
Julien Betbèze souligne que, pour faire face à la peur et à la dissociation, il est crucial de comprendre le lien entre l’action et la relation. Pour que l’action ait un impact thérapeutique, elle doit être soutenue par une relation sécurisante. Selon Pierre Janet, lorsqu’une personne est dissociée, elle est incapable de se connecter à ses propres ressources ou de mobiliser ses capacités d’adaptation face à la peur. Il lui manque une relation de sécurité, un « tiers sécure », qui lui permettrait de se reconnecter à son environnement et de transformer la peur en une expérience qu’elle peut gérer activement.
Julien Betbèze ajoute que, dans un contexte moderne, on tend à privilégier l’action comme solution, sans toujours tenir compte de la relation qui la soutient. Il estime cependant que c’est la relation qui doit précéder l’action, car sans un contexte relationnel sécurisant, les actions ne parviennent pas à intégrer les expériences affectives, enfermant la personne dans des « tentatives de solution » infructueuses.
Le rôle des valeurs et de l’intentionnalité en thérapie
L’approche narrative, évoquée par Julien Betbèze, met en avant l’importance des valeurs personnelles pour aider le patient à se reconnecter à des ressources positives. Contrairement à des actions simplement posées, ce sont les intentions, en tant qu’expressions de valeurs profondes, qui permettent d’atteindre un véritable apaisement. Par exemple, lorsqu’un patient ressent de la honte, le thérapeute peut l’aider à explorer les valeurs qui sous-tendent ce sentiment, comme la protection de l’innocence ou la sécurité des autres. Ce processus amène le patient à se réapproprier des aspects positifs de son histoire personnelle, souvent refoulés dans le cadre de la dissociation.
Cas clinique : la honte et la reconstruction des valeurs
Dans l’exemple de « Julie », une jeune femme traumatisée par des abus et des expériences de rejet, le thérapeute l’aide à identifier ses valeurs et son sens de la protection des enfants comme partie de sa réaction de honte. Ce processus lui permet de retrouver un sens de valeur personnelle en reconnectant des actions passées de protection à une vision positive d’elle-même, remplaçant ainsi une perception de honte par un sentiment de dignité et d’intégrité.
Conclusion : la désassociation comme retour à soi
La désassociation, c’est-à-dire la capacité de se détacher positivement pour retrouver ses ressources internes, devient alors possible lorsqu’une personne parvient à établir des relations sécurisantes et à valoriser ses expériences. Grâce à une relation de confiance et à un cadre thérapeutique sécurisant, les actions du patient commencent à s’aligner avec ses valeurs et à rejoindre un sentiment d’intégrité. Ce processus libère le patient de ses tentatives de solution dysfonctionnelles et l’aide à réintégrer ses expériences, réduisant ainsi la peur et la honte pathologiques.
En somme, Julien Betbèze et les travaux de Pierre Janet montrent que dans le travail thérapeutique, ce n’est pas tant l’action que la qualité de la relation et la reconnexion aux valeurs qui permettent de transformer les émotions liées à la dissociation en des expériences intégrées, gérables et porteuses de sens.
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