L’art de la flexibilité, de la résilience et de l’adaptabilité

POINTS CLÉS

• L’homéostasie est le processus dynamique par lequel le corps maintient une stabilité interne malgré un environnement changeant.
• L’homéostasie psychologique influence la régulation de l’humeur, la résilience au stress et les performances cognitives.
• La flexibilité nous permet de nous adapter aux défis sans perdre notre essence unique.

« La mesure de l’intelligence, c’est la capacité à changer. » Albert Einstein

La flexibilité est essentielle à la vie et aux systèmes vivants. Ce n’est pas qu’un simple mot à la mode ; c’est une force tranquille qui nous permet de plier sans rompre (Portelli et Papantuono, 2023). Les penseurs taoïstes de l’Antiquité désignaient l’eau comme modèle suprême : elle se fige en glace, se vaporise en vapeur, s’écoule doucement ou avec force, épousant toujours son environnement. Qu’elle donne la vie ou cause la destruction, l’eau reste adaptable, tout en conservant son identité. Dans nos vies, la leçon est claire : la réussite véritable et les accomplissements ultimes viennent de notre capacité à nous ajuster aux nouveaux défis tout en conservant ce qui fait notre singularité. Comme un métal qui devient cassant lorsqu’il est trop durci, un esprit rigide finit par se briser sous la pression. Pourtant, même en sachant cela, notre corps et notre cerveau recherchent instinctivement les schémas familiers, ce qui peut nous entraîner dans des eaux troubles.

Pourquoi résistons-nous au changement ?

Tous les systèmes vivants jonglent avec deux impulsions opposées : maintenir la stabilité et s’adapter au changement. Biologiquement, des boucles de rétroaction dans nos cellules œuvrent à maintenir l’équilibre ; psychologiquement, nous désirons la nouveauté mais reculons devant l’incertitude. Pensez à une relation dans laquelle vous souhaitez un lien plus profond mais redoutez les changements que cela pourrait entraîner, ou à une stratégie qui a déjà fait ses preuves mais semble aujourd’hui dépassée car le contexte a changé. Les théoriciens des systèmes et les biologistes ont longuement étudié l’homéostasie, cette tendance d’un système à maintenir l’équilibre et le statu quo (Davies, 2022). Lorsque nous utilisons et réutilisons des solutions qui ne fonctionnent plus, ce schéma figé ou « tentative de solution échouée » devient lui-même un problème (Watzlawick, Weakland & Fisch, 1974). Le changement stratégique consiste à perturber ces boucles inefficaces pour nous orienter vers des ajustements plus efficaces et planifiés (Gibson, 2021 ; Nardone & Watzlawick, 1990). Cette tension entre adaptation et stabilité reflète le yin et le yang taoïstes — des forces opposées qui se mêlent et se transforment l’une en l’autre pour maintenir le mouvement de la vie. Le concept d’enantiodromie d’Héraclite va plus loin : selon lui, un état stable, mû par sa propre dynamique, finit par basculer en son contraire, provoquant un nouvel équilibre par la transformation (Gibson, 2021 ; Portelli et Papantuono, 2023).

De la sélection naturelle à l’auto-conception

Darwin nous a appris que l’évolution favorise les traits qui améliorent la survie, mais les humains ont franchi une étape supplémentaire : nous pouvons consciemment façonner nos comportements — et, ce faisant, notre expérience vécue. Pour atteindre nos objectifs et exploiter pleinement nos talents, il ne suffit pas d’avoir de la chance dans la loterie génétique ; nous avons besoin d’une pratique attentive et d’un affinement constant de nos capacités. Un don naturel négligé se flétrit ; cultivé avec soin, même un talent modeste peut produire des résultats impressionnants. L’astuce est d’éviter les raccourcis mentaux ou les pièges qui nous ont autrefois servi mais nous maintiennent aujourd’hui coincés. Plutôt que de jeter des méthodes éprouvées, nous devrions les adapter, les affiner, anticiper les obstacles et prévoir des plans B, C et D (Nardone & Bartoli, 2019). Combien d’entreprises et de carrières ont échoué en s’accrochant trop aux succès du passé ! Le remède ? Une dose de ce que l’on pourrait appeler un « hasard planifié ». En pratique, cela signifie préserver ses forces fondamentales tout en introduisant volontairement de la nouveauté dans les zones moins critiques. Lorsque vous établissez un plan, esquissez plusieurs voies possibles, évaluez les résultats probables (bons et mauvais), choisissez la meilleure option, mais préparez aussi des alternatives et restez à l’écoute des signes indiquant qu’un changement de cap est nécessaire. Si les choses dévient, modifiez seulement quelques éléments plutôt que de tout abandonner.

De la flexibilité à la résilience

L’adaptabilité construit une résilience durable. Bonanno et Burton (2013) décrivent la flexibilité régulatrice comme une séquence : lire correctement la situation, mobiliser une variété d’outils d’adaptation, puis ajuster sa réponse en fonction des retours. Pour eux, la véritable force ne réside pas dans la maîtrise d’une technique unique, mais dans la capacité à changer de stratégie selon les circonstances (Bonanno & Burton, 2013). Des études récentes le confirment. Durant la pandémie, une plus grande flexibilité psychologique était associée à une diminution de l’anxiété et de la dépression (Šimunić, Selič & Živko, 2022). Sur une année universitaire, les étudiants les plus adaptables ont signalé 40 % de symptômes dépressifs en moins que leurs pairs moins flexibles (Lee & Park, 2022). Autrement dit, cultiver la flexibilité améliore à la fois notre gestion des crises et notre bien-être global.

Le cerveau neuroplastique

Nos cerveaux illustrent la flexibilité par la neuroplasticité — leur capacité à se reconfigurer en réponse à l’expérience. Des environnements stimulants, l’exercice physique et l’entraînement mental favorisent cette plasticité adaptative, augmentent notre réserve cognitive et retardent le déclin lié à l’âge (Mora, 2013 ; Erickson et al., 2012). Par exemple, les adultes plus âgés qui pratiquent régulièrement des exercices d’aérobic voient souvent leur hippocampe grossir et leur mémoire s’améliorer. À l’inverse, une plasticité inadaptée peut ancrer des schémas nuisibles — comme ces victimes d’AVC qui évitent d’utiliser un membre affecté, jusqu’à ce que leur cerveau « oublie » comment faire. Des techniques comme la thérapie par contrainte ou la rééducation en réalité virtuelle aident à réactiver ces circuits (Courtney, Mora & Erickson, 2018). Et des outils de pointe — comme la stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS) couplée à des tâches ciblées — promettent une reprogrammation encore plus rapide (Schmidt & Cohen, 2021). Rester adaptable implique d’être un apprenant perpétuel. En acquérant de nouvelles compétences, nous faisons évoluer nos schémas mentaux et comportementaux — et donc notre capacité à résoudre des problèmes, évitant ainsi la stagnation créative. Tout aussi essentielle est l’humilité : savoir dire « je ne sais pas » permet d’adopter un esprit de débutant, ce qui accroît notre flexibilité cognitive tout en nous apprenant à gérer la frustration — un double bénéfice. Comme le disait Gregory Bateson (1973), « apprendre à apprendre » est l’une de nos plus hautes facultés.

Le langage et ses effets

Le langage façonne notre manière de voir le monde. Il influence le sens que nous donnons aux événements et les récits que nous construisons à leur sujet. La communication est au cœur de la qualité de nos relations — celles qui nous aident à nous adapter — mais elle a aussi des effets comportementaux directs, sur nous comme sur autrui, facilitant ainsi des réactions plus efficaces. Des mots trop concrets et pauvres peuvent limiter notre pensée ; un jargon pompeux peut gonfler notre ego ; les métaphores poétiques peuvent stimuler la créativité mais risquent de nous éloigner du réel ; et un langage purement logique peut inhiber les élans imaginatifs (Nardone & Bartoli, 2019). Chaque style présente des avantages et des inconvénients. Maîtriser le langage, c’est l’utiliser comme un outil, non comme un piège. Nous pourrions essayer de mêler un discours simple à des images riches, et des arguments logiques à une rhétorique expressive (Nardone & Bartoli, 2019). Comme le disait Gorgias : « La parole est un maître puissant, capable d’accomplir les plus divins exploits avec le plus petit et le plus invisible des corps. Elle peut apaiser la peur, soulager la douleur, provoquer la joie et accroître la pitié » (400 av. J.-C.).

L’excellence comme chemin continu

Accueillir le changement sans perdre son noyau profond est une pratique à renouveler chaque jour. Aristote nous rappelle que « l’excellence est une disposition », et ainsi la véritable maîtrise n’est jamais terminée, mais toujours en devenir. Même l’invitation de Montaigne à « cultiver l’imperfection » devrait nous inciter à voir nos limites non comme des échecs, mais comme les échafaudages mêmes de notre développement. En accueillant l’incertitude, nous avançons dans la vie avec la résilience silencieuse de l’eau — fermes dans notre identité, mais capables de nous adapter à l’infini.

 EN BREF

•  Pensez comme l’eau : Soyez souple sans perdre votre essence.
•  Interrompez les vieux schémas : Repérez les cycles figés et rompez-les tôt.
•  Planifiez le hasard : Mariez intentionnellement stabilité et nouveauté.
•  N’arrêtez jamais d’apprendre : Cherchez à acquérir sans cesse de nouvelles compétences.
•  Restez humble : Reconnaître ses limites stimule la croissance.
•  Maîtrisez le langage : Variez les styles pour élargir votre pensée.
•  Adoptez l’esprit du débutant : Chaque jour est un nouveau départ vers l’excellence.

Cet article a été publié dans Psychology Today https://www.psychologytoday.com/us/blog/escaping-our-mental-traps/202505/the-art-of-flexibility-resilience-and-adaptability

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