Dan Short illustre, à travers trois cas cliniques, comment l’intelligence inconsciente peut déclencher des transformations profondes. En s’appuyant sur les enseignements d’Erickson, il montre comment des interventions simples – lecture, contraste, imagerie – peuvent révéler et mobiliser les ressources internes du patient, sans passer par l’analyse rationnelle.
Introduction
Dans le champ de la thérapie, certaines des interventions les plus puissantes sont aussi les plus discrètes. Elles ne s’appuient pas nécessairement sur une analyse rationnelle ou un raisonnement logique, mais sur une forme d’intelligence plus subtile, plus profonde : l’intelligence inconsciente.
À travers trois cas cliniques vécus, Dan Short souhaite vous montrer comment cette forme d’intelligence peut devenir un levier majeur du changement thérapeutique. Ces histoires illustrent comment, en respectant le langage émotionnel du patient et en activant ses ressources internes, un thérapeute peut faciliter une transformation sans confrontation directe ni persuasion explicite.
Lire les mots du patient : la neutralité comme révélateur
La première patiente que j’ai rencontrée après mon installation à Phoenix m’a demandé si elle pouvait m’envoyer, avant la séance, une liste de ses problèmes. J’ai accepté. Deux jours plus tard, je recevais deux pages de plaintes, énumérant ses douleurs, ses blocages, ses impasses.
Au lieu d’entamer la séance par des questions ou une reformulation, j’ai choisi une voie inspirée de l’enseignement de Milton Erickson : « Utilisez tout ce que le patient vous donne». Je lui ai donc demandé si je pouvais lire à haute voix sa propre liste.
Elle a accepté. J’ai alors lu chaque phrase lentement, d’une voix neutre, sans commentaire, sans émotion. Elle est restée totalement immobile, absorbée par cette énumération. Trente minutes plus tard, je me suis tu. Après un long silence, elle a simplement dit: "C'est tellement différent d’entendre mes problèmes dans votre voix. Je ressens les choses autrement ». Elle a alors pris conscience qu’elle était engagée dans une relation abusive, qu’elle n’avait jamais quitté un homme de sa propre initiative, et qu’elle s’était toujours sentie dépendante affectivement.
Un mois plus tard, elle avait quitté son compagnon, pris un appartement, décoré son espace de vie selon ses goûts pour la première fois de sa vie. Elle avait également quitté un emploi dévalorisant, pris ses distances avec sa mère abusive, et posé des limites. Tout cela, sans injonction ni interprétation : simplement grâce à la résonance de ses propres mots, portés par une autre voix.
Contraster pour mieux choisir : l’exercice des deux listes
Le deuxième cas concerne un étudiant en pleine dépression : repli sur soi, chute des résultats scolaires, perte d’élan vital. Je lui ai demandé de noter « dix bonnes raisons d’être déprimé ». À mesure qu’il écrivait, il a commencé à trembler, puis à pleurer. Il évoquait son frère en crise psychotique, les cris constants de ses parents, le rejet de sa petite amie par sa famille, son isolement émotionnel.
Je lui ai dit que, dans une telle situation, être déprimé était une réaction humaine. Puis je l’ai invité à écrire une seconde liste : « dix bonnes raisons d’être reconnaissant ». Il a noté le fait de vivre seul, sa relation avec sa compagne, le fait que son frère reçoive enfin des soins. Quand il a terminé, il a soufflé : « Je me sens bien, franchement. »
Nous n’avons pas analysé ses émotions. Nous avons simplement présenté deux réalités internes. Et son esprit inconscient a choisi, sans effort, celle qui lui procurait un apaisement.
Imaginer autrement : du contraste mental à l’ouverture émotionnelle
Le troisième cas est celui d’une jeune femme japonaise rencontrée en webinaire. Impeccable, souriante, parfaitement maîtrisée. Elle avait participé à un exercice de contraste mental, où l’on imagine une version actuelle de soi-même confrontée à ses difficultés, puis une version future ayant surmonté ces obstacles.
Je lui ai demandé : « Dans cette image du futur, est-ce que vous chantonnez ? Est-ce que vous sautillez ? Est-ce que vous êtes assise sur un banc, à regarder les cerisiers en fleurs ? » Son visage s’est figé, puis les larmes sont venues. Ces images lui étaient interdites. Elles représentaient une douceur, une légèreté, une inutilité même, que son éducation perfectionniste n’avait jamais permise.
Ce moment d’émotion n’était pas un effondrement, mais une ouverture. L’intelligence inconsciente reconnaissait soudain d’autres possibles. Des possibles porteurs de sens.
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Une hiérarchie des choix inconscients
Ces trois histoires nous permettent de comprendre que le changement thérapeutique ne passe pas toujours par la compréhension rationnelle. Il suit souvent une logique plus fluide, plus organique. Pour l’accompagner, je m’appuie sur une hiérarchie de quatre niveaux :
Le choix est-il concevable ?
Certaines décisions, comme quitter une relation abusive, sont tout simplement impensables. L’imaginaire lui-même les rejette. Avant de pouvoir changer, il faut pouvoir envisager que ce changement existe.
Le choix est-il préférable ?
Une fois concevable, il faut que le choix soit perçu comme meilleur qu’un autre. Le simple fait de faire coexister deux options dans l’espace mental du patient permet souvent à l’inconscient de trancher.
Le choix a-t-il du sens émotionnellement ?
Une décision n’est intégrée que si elle touche quelque chose de profond. Des images symboliques, des sensations corporelles, des résonances culturelles ou spirituelles rendent le changement vivant.
Le choix est-il raisonnable ?
Ce niveau n’est atteint qu’en dernier lieu. Lorsque la personne est stable, sereine, en confiance. Là, l’intelligence inconsciente peut devenir raisonnable, délibérative. Mais ce n’est ni immédiat ni systématique.
Travailler avec l’inconscient sans transe
Beaucoup croient que pour accéder à l’inconscient, il faut induire une transe hypnotique. C’est faux. L’inconscient s’exprime dans les gestes, les métaphores, les histoires, les silences.
Je demande souvent aux patients : « Racontez-moi quelqu’un qui vous a énervé ces deux dernières semaines. » Puis : « Quel conseil lui donneriez-vous ? » Enfin : « Et si vous appliquez ce conseil à vous-même, à quelle part de votre vie cela s’appliquerait-il ? »
L’effet est souvent saisissant. La projection permet d’accéder à des vérités intimes sans confrontation directe. L’histoire racontée devient le miroir du soi.
J’ai vu une patiente toxicomane changer radicalement son comportement après que je lui ai raconté… une histoire sur une autre femme, qui lui ressemblait. Ce n’était ni une injonction, ni une analyse. Juste une histoire. L’inconscient, lui, avait compris.
Le contraste du futur : une technique puissante
Une variante de l’exercice de contraste consiste à imaginer deux futurs : dans l’un, vous agissez mal (colère, violence, évitement), dans l’autre, vous êtes la meilleure version de vous-même.
Je demande alors : « Le lendemain, comment vous sentez-vous, quand vous racontez cela à vos proches ? » Ce simple décalage temporel permet de faire émerger les conséquences émotionnelles. Le patient n’a plus besoin qu’on lui dise ce qu’il doit faire. Son intelligence inconsciente choisit.
Le choix raisonnable : une étape rare, mais possible
Il est rare qu’un patient atteint immédiatement le quatrième niveau : faire un choix raisonnable, conscient, structuré. Cela demande un environnement stable, sécurisé, sans urgence. Parfois, il faut une heure de silence, d’immobilité, pour qu’une évidence émerge. Et lorsque cela se produit, c’est souvent d’une puissance inégalée.
Conclusion : respecter la logique naturelle du changement
Travailler avec l’intelligence inconsciente, ce n’est pas contourner le patient ou lui imposer une vérité cachée. C’est reconnaître que le changement suit une logique propre, parfois imprévisible, souvent émotionnelle, toujours personnelle.
Le rôle du thérapeute, dans cette perspective, est d’ouvrir des espaces d’imagination, d’aider à concevoir l’inconcevable, de favoriser des choix préférables, de toucher au sens. Et parfois, de laisser simplement une image, une métaphore ou une question faire son chemin dans l’esprit du patient.
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