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Grégoire VITRY
Grégoire Vitry, docteur-chercheur en psychologie, est cofondateur et directeur de LACT, expert en approche systémique stratégique et en résolution des addictions.

La honte, émotion universelle et douloureuse, traverse nos vies sous de multiples formes (traumatique, sociale, corporelle, existentielle). Elle enferme dans le silence, mais travaillée avec bienveillance, elle peut devenir source de résilience, d’authenticité et de lien avec les autres.

“La honte est comme un manteau invisible que nous portons parfois sans même le savoir, qui nous étouffe en silence et nous empêche de déployer nos ailes.”

Le visage caché de l’âme humaine

Le visage caché de l’âme humaine

La honte. Ce mot à lui seul provoque un léger malaise, comme si le prononcer risquait de faire surgir en nous cette émotion que nous préférons tenir à distance. Pourtant, elle est là, tapie dans les recoins de notre existence, prête à surgir au détour d’un regard, d’un souvenir, d’une parole maladroite. La honte est cette émotion paradoxale qui nous fait disparaître tout en nous exposant cruellement, qui nous isole alors même qu’elle naît de notre rapport aux autres.

Comme l’écrit si justement Boris Cyrulnik (2010) dans son ouvrage “Mourir de dire. La honte”, cette émotion est un “mourir de dire” - une expérience qui paralyse la parole et enferme dans un silence douloureux. “La honte est une souffrance sociale qui provoque une douleur intime”, nous dit-il. Elle est cette blessure invisible qui s’inscrit dans notre chair et notre mémoire, modifiant profondément notre rapport au monde.

La honte n’est pas simplement une émotion passagère, mais une expérience existentielle qui touche à notre identité même. Contrairement à la culpabilité qui concerne ce que nous faisons, la honte concerne ce que nous sommes. Elle nous dit : “Ce n’est pas ton acte qui est mauvais, c’est toi qui es mauvais, indigne, inadéquat.”

Les multiples visages de la honte

La honte se présente sous différents visages, comme un caméléon émotionnel qui s’adapte aux contextes et aux histoires personnelles. Parfois, elle surgit brutalement, comme un raz-de-marée qui nous submerge sans prévenir. D’autres fois, elle s’installe lentement, insidieusement, comme une brume qui finit par obscurcir tout notre paysage intérieur.

La honte traumatique

Marie, 42 ans, a été victime d’abus sexuels dans son enfance. Pendant des années, elle a porté en elle une honte tenace, comme si c’était elle qui avait commis une faute. “Je me sentais sale, souillée, comme si j’avais une tache indélébile que tout le monde pouvait voir”, raconte-t-elle. Cette honte traumatique est particulièrement pernicieuse car elle inverse la responsabilité : la victime se sent coupable de ce qu’elle a subi.

Dans le travail thérapeutique avec Marie, il a fallu d’abord créer un espace où cette honte pouvait être nommée sans jugement. Comme le souligne Cyrulnik (2010), “pour guérir de la honte, il faut pouvoir la dire à quelqu’un qui ne nous juge pas”. C’est ce premier pas qui permet de commencer à défaire le nœud de la honte traumatique.

La honte sociale

Thomas, cadre supérieur, a perdu son emploi suite à une restructuration. Ce qui aurait pu n’être qu’une étape difficile s’est transformé en une profonde honte sociale. “Je n’osais plus sortir, croiser mes anciens collègues. Je me sentais comme un imposteur, comme si toute ma carrière n’avait été qu’une illusion”, confie-t-il. La honte sociale se nourrit des attentes et des normes que nous avons intériorisées, de cette pression à “réussir” selon des critères souvent arbitraires.

Watzlawick et al. (1974) nous rappellent que ces tentatives d’évitement - se cacher, s’isoler - deviennent souvent le problème principal, créant un cercle vicieux qui renforce la honte au lieu de l’apaiser.

La honte corporelle

Sophia, 35 ans, a toujours entretenu un rapport compliqué avec son corps. “Je me sens constamment jugée, évaluée. Comme si mon corps était un échec permanent”, explique-t-elle. Cette honte corporelle est particulièrement prégnante dans notre société de l’image, où les corps sont constamment exposés, comparés, évalués.

Nardone et al. (2005) ont montré comment cette honte peut s’inscrire dans des comportements alimentaires problématiques, créant ce qu’ils appellent des “prisons alimentaires” - ces cycles où la honte nourrit les comportements dysfonctionnels qui, à leur tour, alimentent la honte.

La honte existentielle

Plus diffuse mais non moins douloureuse, la honte existentielle est ce sentiment profond de ne pas être à la hauteur de sa propre existence. Paul, écrivain de 50 ans, l’exprime ainsi : “J’ai toujours eu le sentiment d’être un imposteur, comme si j’allais être démasqué d’un moment à l’autre. Comme si ma vie entière était une imposture.”

Cette forme de honte touche à notre sentiment même d’être au monde. Elle est cette voix intérieure qui nous murmure que nous ne méritons pas notre place, que nous sommes fondamentalement inadéquats.

La danse de la honte : physiologie et psychologie

La honte n’est pas qu’une expérience psychologique, elle s’inscrit dans notre corps avec une force remarquable. Observons ce qui se passe lorsqu’elle nous saisit :

Le visage s’empourpre, le regard se détourne, le corps se recroqueville comme pour disparaître. La respiration se fait plus courte, le cœur s’accélère. Tout notre être semble vouloir s’effacer, se soustraire au regard de l’autre. “La honte est cette émotion qui nous fait disparaître au moment même où nous nous sentons trop visibles”, écrit Cyrulnik (2010).

Sur le plan neurobiologique, la honte active les circuits de la menace et de la défense. Le système nerveux sympathique s’emballe, préparant le corps à une réaction que, paradoxalement, la honte elle-même empêche : ni fuite, ni combat, mais une forme de sidération, de paralysie.

Cette réaction physiologique intense explique pourquoi la honte reste si profondément ancrée dans notre mémoire. Comme le souligne Damasio (1994), les émotions fortes créent des “marqueurs somatiques” qui s’inscrivent durablement dans notre corps et notre psyché.

Les racines de la honte : entre nature et culture

D’où vient cette émotion si puissante ? Est-elle inscrite dans notre patrimoine génétique ou est-elle une construction sociale ?

La réponse se situe probablement à l’intersection de ces deux dimensions. D’un côté, la honte semble avoir une fonction adaptative ancestrale : elle régule les comportements sociaux, encourage le respect des normes du groupe, prévient l’exclusion. De l’autre, elle est profondément façonnée par la culture, l’éducation, les valeurs familiales et sociales.

Comme le note Cyrulnik (2010), “la honte est universelle dans sa fonction, mais culturelle dans ses expressions”. Ce qui provoque la honte varie considérablement d’une culture à l’autre, d’une époque à l’autre, d’une famille à l’autre.

Cette double nature de la honte - biologique et culturelle - explique à la fois sa puissance et sa complexité. Elle est ancrée dans notre corps tout en étant modelée par notre environnement social.

Les pièges de la honte : tentatives de solution qui deviennent le problème

Face à la honte, nous développons spontanément des stratégies pour nous protéger. Malheureusement, ces tentatives de solution deviennent souvent le problème principal, créant ce que Watzlawick et Nardone (2016) appellent des “cercles vicieux” ou des “jeux sans fin”.

Le piège de l’évitement

La première réaction face à la honte est souvent l’évitement : éviter les situations qui pourraient la déclencher, éviter d’en parler, éviter même d’y penser. Mais comme le souligne Fisch et al. (1982), “plus on essaie d’éviter un problème, plus on le renforce”. L’évitement maintient la honte intacte, la préservant comme une relique douloureuse que l’on n’ose pas regarder en face.

Le piège du perfectionnisme

Pour certains, la réponse à la honte est la quête de perfection : “Si je suis parfait, je ne ressentirai plus de honte”. Cette stratégie est particulièrement insidieuse car elle semble logique et adaptative. Pourtant, comme l’explique Nardone (2016) dans “Les pièges psychologiques”, le perfectionnisme crée un idéal inatteignable qui génère inévitablement plus de honte.

Le piège de l’autodépréciation préventive

“Si je me critique avant les autres, je souffrirai moins”. Cette stratégie d’autodépréciation préventive est une tentative de prendre les devants, de contrôler la honte en l’anticipant. Mais elle finit par renforcer la conviction profonde d’être inadéquat, alimentant le cycle de la honte.

Le piège de la compensation

Certains tentent de compenser leur honte par des comportements d’apparence opposée : arrogance, vantardise, prise de risque excessive. Comme le note Watzlawick (1988) dans “Comment réussir à échouer”, ces comportements sont souvent des “solutions” qui perpétuent le problème sous une forme différente.

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L’art d’accompagner la personne honteuse

L’art d’accompagner la personne honteuse

Comment, en tant que professionnels de la relation d’aide, pouvons-nous accompagner ceux qui souffrent de honte ? Voici quelques principes directeurs, inspirés tant par la recherche que par l’expérience clinique.

Créer un espace de non-jugement

La première condition pour travailler avec la honte est de créer un espace où elle peut être exprimée sans crainte de jugement. Comme le souligne Miller et al. (2006), l’utilisation du feedback dans la thérapie permet de créer cet espace sécurisant où le patient peut progressivement dévoiler sa honte.

“Dans mon cabinet, je veille à ce que chaque regard, chaque geste, chaque silence communique cette absence de jugement. C’est comme si je disais silencieusement : ‘Votre honte peut exister ici, elle peut respirer, elle peut se transformer’.”

Reconnaître la sagesse cachée de la honte

Paradoxalement, reconnaître que la honte a pu avoir une fonction protectrice est souvent libérateur. Pour l’enfant abusé, la honte a pu être une manière de préserver un semblant de contrôle dans une situation où il n’en avait aucun. Pour l’adulte rejeté, elle a pu être une tentative de comprendre et donc de maîtriser une situation douloureuse.

Comme l’écrit Cyrulnik (2010), “la honte est parfois la dernière dignité de ceux à qui on a tout pris”. Reconnaître cette dimension peut être une étape importante vers la guérison.

Transformer les tentatives de solution

L’approche stratégique nous enseigne à porter notre attention non pas sur les causes profondes de la honte, mais sur les tentatives de solution qui la maintiennent. Comme l’expliquent Nardone et Watzlawick (2005), il s’agit d’interrompre les cercles vicieux en introduisant des changements dans les patterns de comportement.

Par exemple, avec Thomas qui s’isolait par honte d’avoir perdu son emploi, nous avons travaillé à transformer progressivement cette tentative de solution. Non pas en l’exposant brutalement à des situations sociales anxiogènes, mais en introduisant des “petits pas” stratégiques qui modifiaient subtilement sa relation à cette honte.

Utiliser le pouvoir des métaphores et des récits

Les métaphores et les récits offrent une voie d’accès indirecte à la honte, permettant de l’aborder sans la confronter de front. Comme le suggère Cyrulnik (2003), le récit permet de “métamorphoser la honte en fierté d’avoir surmonté l’épreuve”.

Avec Marie, nous avons utilisé la métaphore du papillon : “La chenille doit accepter de se dissoudre dans sa chrysalide avant de pouvoir déployer ses ailes”. Cette image lui a permis d’envisager sa honte non comme une fin, mais comme une étape dans un processus de transformation.

Cultiver l’auto-compassion

Face à la honte qui nous dit “tu es mauvais”, l’auto-compassion répond “tu es humain, imparfait comme nous tous, et digne d’amour malgré - ou peut-être grâce à - ces imperfections”.

Cette approche ne vise pas à éliminer la honte, mais à changer notre relation avec elle. Comme le dit si bien Cyrulnik (2010), “on ne guérit pas de son passé, on apprend à l’intégrer dans son histoire”.

Études de cas : la honte transformée

Le cas de Marie : de la honte traumatique à la dignité retrouvée

Marie, dont nous avons évoqué l’histoire d’abus, a progressivement transformé sa relation à la honte. Le tournant est venu lorsqu’elle a pu, pour la première fois, raconter son histoire sans se sentir submergée par la honte.

“C’était comme si je me tenais à côté de cette petite fille que j’étais, non plus en la jugeant, mais en la protégeant”, raconte-t-elle. Cette position nouvelle - témoin compatissant plutôt que juge impitoyable - a marqué le début d’une transformation profonde.

En utilisant l’approche stratégique de Nardone et Watzlawick (2005), nous avons travaillé à interrompre les cercles vicieux qui maintenaient sa honte. Par exemple, au lieu de tenter d’effacer les souvenirs douloureux (tentative de solution inefficace), Marie a appris à les accueillir différemment, à les “tenir” sans être submergée.

Aujourd’hui, Marie témoigne : “La honte est toujours là, quelque part, mais elle ne me définit plus. Elle est comme une vieille cicatrice qui me rappelle non pas ma faiblesse, mais ma force.”

Le cas de Thomas : de la honte sociale à la réinvention de soi

Pour Thomas, le cadre au chômage, le travail thérapeutique a consisté à déconstruire les croyances rigides sur la “réussite” et l’“échec” qui alimentaient sa honte.

En utilisant l’approche des “tactiques de changement” décrite par Fisch et al. (1982), nous avons progressivement modifié sa perception de la situation. Par exemple, au lieu de voir cette période comme un “échec honteux”, nous l’avons recadrée comme une “transition nécessaire” dans son parcours professionnel.

Un exercice particulièrement efficace a été ce que Nardone et Portelli (2012) appellent le “dialogue stratégique” : à travers un questionnement socratique, Thomas a pu découvrir par lui-même les contradictions dans sa vision de la réussite professionnelle.

“J’ai réalisé que j’avais intériorisé une définition de la réussite qui n’était même pas la mienne”, confie-t-il. Cette prise de conscience a été le point de départ d’une profonde transformation.

Progressivement, Thomas a commencé à réinventer sa relation au travail et à l’accomplissement. La prescription paradoxale suggérée par Watzlawick (1988) - “Pendant une semaine, je vous demande d’observer attentivement toutes les situations où vous vous sentez jugé professionnellement, sans rien tenter pour modifier ce sentiment” - a eu un effet révélateur. Thomas a découvert que la plupart de ces jugements existaient principalement dans son imagination.

Aujourd’hui, Thomas a créé sa propre entreprise de conseil. “La perte de mon emploi, qui me semblait être la fin du monde, s’est révélée être le début d’une nouvelle vie”, dit-il avec un sourire qui ne porte plus aucune trace de honte.

Le cas de Sophia : réconcilier corps et âme

Le travail avec Sophia autour de sa honte corporelle a nécessité une approche particulière. Comme l’expliquent Nardone et al. (2005) dans leur travail sur les troubles alimentaires, la honte liée au corps s’inscrit souvent dans des cycles complexes où perception, émotion et comportement s’entretiennent mutuellement.

Notre première étape a été de sortir du piège de la “solution” habituelle de Sophia : la comparaison obsessionnelle avec les autres. “Pendant deux semaines, je vous propose une expérience : chaque fois que vous vous surprenez à comparer votre corps à celui d’une autre personne, observez non pas la différence entre les corps, mais la différence entre ce que vous ressentez et ce que vous imaginez que l’autre ressent.”

Cette simple redirection de l’attention a créé une première fissure dans le mur de sa honte. Progressivement, nous avons introduit ce que Cyrulnik (2010) appelle des “tuteurs de résilience” - des expériences positives qui permettent de construire une nouvelle relation à soi.

“J’ai commencé à pratiquer la danse, non pas pour transformer mon corps, mais pour l’habiter différemment”, raconte Sophia. “C’est comme si je redécouvrais que mon corps n’est pas seulement une image à évaluer, mais un lieu à vivre.”

Aujourd’hui, Sophia décrit sa relation à son corps comme “une amitié en construction”. La honte n’a pas complètement disparu, mais elle a perdu son pouvoir paralysant.

Le cas de Paul : apprivoiser l’imposteur intérieur

Pour Paul, l’écrivain tourmenté par le syndrome de l’imposteur, le chemin a été particulièrement sinueux. Sa honte existentielle était profondément enracinée dans une histoire familiale complexe où la réussite était à la fois exigée et suspectée.

En utilisant l’approche narrative inspirée par White et Epston (1990), nous avons travaillé à “externaliser” cette voix de l’imposteur, à la considérer non comme la vérité de son être, mais comme un récit parmi d’autres possibles.

“J’ai commencé à voir cette voix qui me disait ‘tu es un imposteur’ non comme ma vérité profonde, mais comme un personnage de mon histoire - un personnage avec lequel je pouvais dialoguer, que je pouvais même remercier pour sa vigilance tout en choisissant de ne pas le laisser diriger ma vie”, explique Paul.

Un tournant décisif est survenu lorsque Paul a osé partager ses doutes avec d’autres écrivains qu’il admirait. “J’ai découvert que même les auteurs que je vénérais connaissaient ces moments de doute profond. Ce n’était pas le signe que j’étais un imposteur, mais paradoxalement, la preuve que j’étais un véritable écrivain.”

Aujourd’hui, Paul continue d’écrire, avec ses doutes et ses incertitudes, mais sans la paralysie de la honte. “La honte me disait que je n’avais pas le droit d’écrire. Maintenant, je sais que c’est précisément parce que j’écris malgré la honte que mes mots ont une chance de toucher les autres.”

L’art d’être thérapeute face à la honte

Accompagner des personnes qui souffrent de honte exige du thérapeute une conscience aiguë de sa propre relation à cette émotion. Comme le souligne Duncan et al. (2004), l’alliance thérapeutique est le facteur le plus déterminant du succès de la thérapie, et cette alliance est particulièrement mise à l’épreuve lorsqu’il s’agit de travailler avec la honte.

Reconnaître sa propre honte

“On ne peut accompagner l’autre que jusqu’où l’on s’est soi-même aventuré”, écrit Cyrulnik (2010). Pour le thérapeute, cela signifie avoir exploré sa propre relation à la honte, avoir identifié ses zones de vulnérabilité et ses mécanismes de défense.

Cette exploration n’est pas une quête de perfection - un thérapeute “parfaitement guéri” de toute honte serait probablement incapable d’empathie véritable. Il s’agit plutôt d’une familiarité suffisante avec cette émotion pour pouvoir la reconnaître sans la fuir, l’accueillir sans s’y identifier.

Cultiver une présence qui autorise la honte

La qualité de présence du thérapeute est cruciale lorsqu’il s’agit d’accompagner la honte. Cette présence doit communiquer silencieusement : “Ta honte peut exister ici, elle peut être vue sans te définir, elle peut être nommée sans te réduire.”

Cette qualité de présence n’est pas une technique, mais une manière d’être qui se cultive avec le temps et l’expérience. Elle implique ce que Rogers (1957) appelait “l’acceptation inconditionnelle” - cette capacité à accueillir l’autre dans la totalité de son expérience, y compris ses aspects les plus douloureux ou les moins avouables.

Naviguer entre compassion et défi

L’accompagnement de la honte exige un équilibre délicat entre compassion et défi. Une compassion sans défi risque de maintenir la personne dans sa position de victime de la honte. Un défi sans compassion risque de réactiver la blessure originelle.

Comme le suggèrent Nardone et Portelli (2012), il s’agit parfois de “perturber stratégiquement” les patterns qui maintiennent la honte, tout en offrant un soutien suffisant pour que cette perturbation soit une opportunité de croissance et non un traumatisme supplémentaire.

Utiliser le pouvoir de la relation thérapeutique

La relation thérapeutique elle-même peut devenir un puissant antidote à la honte. Comme l’explique Cyrulnik (2010), “la honte naît dans la relation et ne peut se guérir que dans la relation”.

Lorsqu’une personne honteuse fait l’expérience d’être vue dans sa vulnérabilité sans être rejetée, lorsqu’elle découvre que sa honte peut être partagée sans contaminer l’autre, une transformation profonde devient possible.

Au-delà de la thérapie : la honte dans la vie quotidienne

Si la thérapie offre un cadre privilégié pour travailler avec la honte, la vie quotidienne présente également de nombreuses opportunités de transformation.

Dans les relations familiales

Les familles peuvent être à la fois source de honte et lieu de guérison. Comme le soulignent Nardone et al. (2018) dans “Conflits de famille”, les dynamiques familiales peuvent perpétuer ou transformer les patterns de honte.

Pour les parents, il s’agit d’être attentifs à ne pas transmettre leurs propres hontes à leurs enfants, tout en les aidant à développer une relation saine avec cette émotion inévitable. Cela passe par la modélisation - montrer comment on peut reconnaître et traverser sa propre honte - et par la validation des émotions de l’enfant sans jugement.

Dans le milieu professionnel

Le monde du travail est souvent un terrain fertile pour la honte, avec ses évaluations constantes, ses comparaisons implicites, sa valorisation de la performance. Pourtant, il peut aussi devenir un lieu de transformation.

Les organisations qui cultivent ce que Edmondson appelle la “sécurité psychologique” - cette conviction partagée qu’on peut prendre des risques interpersonnels sans être puni ou humilié - créent un environnement où la honte perd de son pouvoir paralysant.

Dans la vie sociale et communautaire

Nos communautés peuvent soit renforcer la honte par l’exclusion et la stigmatisation, soit offrir des espaces de reconnaissance et d’appartenance qui transforment la honte en connexion.

Les groupes de parole, les cercles de partage, les communautés artistiques ou spirituelles peuvent devenir ce que Cyrulnik (2003) appelle des “niches affectives” - ces lieux où la vulnérabilité partagée devient source de lien plutôt que d’isolement.

La honte transformée : vers une vulnérabilité assumée

Au terme de ce voyage au cœur de la honte, une question demeure : que devient la honte lorsqu’elle est traversée, accueillie, transformée ?

Elle ne disparaît pas complètement - la honte fait partie de notre humanité, de notre capacité à nous percevoir à travers le regard des autres. Mais elle change profondément de nature et de fonction.

La honte transformée n’est plus cette force paralysante qui nous coupe de nous-mêmes et des autres. Elle devient une forme de vulnérabilité assumée, une conscience de nos limites qui, paradoxalement, nous rend plus humains et plus connectés.

Comme l’écrit magnifiquement Cyrulnik (2010) : “Quand on a traversé la honte, on découvre que ce qu’on croyait être notre faiblesse la plus intime peut devenir notre force la plus rayonnante.”

Cette transformation de la honte en vulnérabilité assumée n’est pas un état final, mais un processus continu, un apprentissage de chaque jour. Elle nous invite à cette forme particulière de courage qu’est l’authenticité - non pas l’absence de peur ou de honte, mais la capacité à avancer avec elles, à les intégrer dans le récit plus vaste de notre humanité partagée.

Car au fond, comme nous le rappelle Cyrulnik (2010), “ce qui nous rend humains, ce n’est pas notre perfection, mais notre capacité à reconnaître et à transcender nos imperfections.” Et dans ce processus, la honte transformée peut devenir, étonnamment, l’une de nos guides les plus précieux.

Conclusion : la honte comme invitation

La honte, cette émotion que nous fuyons si instinctivement, peut-elle finalement être une invitation ? Une invitation à plus d’authenticité, à plus de compassion envers nous-mêmes et les autres, à une humanité plus pleinement assumée ?

C’est peut-être là le paradoxe ultime de la honte : cette émotion qui nous dit “cache-toi, disparais” peut, lorsqu’elle est accueillie avec conscience, nous conduire à une présence plus authentique au monde et à nous-mêmes.

Comme l’écrit Cyrulnik (2010) dans une formule saisissante : “La honte nous dit que nous sommes séparés des autres. La honte transformée nous révèle que c’est précisément dans cette vulnérabilité que nous sommes le plus profondément reliés.”

Ainsi, le voyage au cœur de la honte n’est pas seulement un chemin de guérison individuelle, mais aussi une voie vers une humanité plus consciente de sa fragilité partagée, plus capable d’accueillir ses ombres sans s’y perdre, plus apte à transformer ses blessures en sources de connexion.

Car au fond, comme nous le rappelle ce vieux proverbe soufi : “La blessure est l’endroit par où la lumière entre en vous.”

Références

  • Cyrulnik, B. (2010). Mourir de dire. La honte. Odile Jacob.
  • Cyrulnik, B. (2003). Comment un professionnel peut-il devenir un tuteur de résilience. In B. Cyrulnik, & C. Seron (Eds.), La résilience ou comment renaître de sa souffrance (pp. 23–43). Paris : Fabert.
  • Damasio, A.R., (1994), L’Erreur de Descartes. Paris : Odile Jacob.
  • Duncan, B. L., Miller, S. D., & Sparks, J. A. (2004). The heroic client: A revolutionary way to improve effectiveness (rev. ed.). San Francisco: Jossey-Bass.
  • Fisch, R., Weakland, J. H., & Segal, L. (1982). The tactics of change: Doing therapy briefly. San Francisco : Jossey-Bass.
  • Miller, S. D., Duncan, B. L., Brown, J., Sorrell, R., & Chalk, M. B. (2006). Using outcome to inform and improve treatment outcomes. Journal of Brief Therapy, 5, 5–22.
  • Nardone, G. (2016). Les pièges psychologiques. Bruxelles : Satas.
  • Nardone, G., Giannotti, E., & Rocchi, R. (2018). Conflits de famille. Paris : Enrick B.
  • Nardone, G., & Portelli, C. (2012). La Connaissance par le changement. L’évolution de la thérapie brève stratégique. Le Germe.
  • Nardone, G., Verbitz, T., & Milanese, R. (2005). Prison of food: Research and treatment of eating disorders. London: Karnac.
  • Nardone, G., & Watzlawick, P. (2005). Brief strategic therapy: Philosophy, techniques, and research. New York: Jason Aronson.
  • Rogers, C. R. (1957). The necessary and sufficient conditions of therapeutic personality change. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 21, 95–103.
  • Watzlawick, P. (1988). Comment réussir à échouer: trouver l’ultrasolution. Paris : Seuil.
  • Watzlawick, P., Weakland, J. H., & Fisch, R. (1974) Change: principles of problem formation and problem resolution. New York : Norton.
  • Watzlawick, P., & Nardone, G. (2016). Une logique des troubles mentaux. Le diagnostic opératoire systémique et stratégique. Le Seuil.
  • White, M., & Epston, D. (1990). Narrative means to therapeutic ends. New York: Norton.

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