Face à la dégradation de la santé mentale des jeunes, l’approche systémique et stratégique propose une lecture novatrice des difficultés vécues par les enfants et les adolescents. En s’appuyant sur la dynamique des interactions familiales, elle replace le changement du côté des parents, véritables « co-thérapeutes » du processus.
La santé mentale des enfants et des adolescents continue de se dégrader, et ce malgré de nombreuses initiatives comme la Santé mentale, grande cause nationale 2025, la Commission Parentalité ou la Commission des 1000 premiers jours et des dispositifs tels que Mon soutien psy ou Soutien psy étudiant.
Quelles réponses l'approche systémique et stratégique propose-t-elle pour résoudre les difficultés avec les enfants et les adolescents ?
L'approche systémique stratégique
L'approche systémique et stratégique, dont Paul Watzlawick (1921 – 2007) est l'un des fondateurs et principal théoricien, s'intéresse à la dyade « problème – tentatives de solutions » dans l'ici-et-maintenant du patient. Elle postule que la résolution du problème – et donc la fin de la souffrance – s'obtient par l'arrêt des tentatives de solution mises en œuvre par le patient ou les membres de son système relationnel.
Patient désigné et client du changement
Dans une perspective systémique stratégique, intervenir pour résoudre un problème conduit à poser les questions suivantes : qui est client ? quel est le problème ? quelles sont les tentatives de solution ? quel est l'objectif minimal ? quelle est la position du client ?
A la première question, Fisch et ses collègues (1986, p. 80) répondent : « En règle générale, la personne qui [ ] est la plus gênée par un problème est aussi bien entendu celle qui s'engage le plus dans la recherche du changement ». C'est donc cette personne le « client du changement » et c'est avec elle que le systémicien doit travailler.
Or, il est assez fréquent que la personne « la plus gênée » ne soit pas celle qui manifeste le plus de symptômes. Dans une famille, les parents peuvent interpréter les comportements de leur enfant comme l'expression d'un mal-être et considérer qu'il a un problème, du fait de ses symptômes. Il devient alors le « patient désigné ».
Établir cette distinction est importante car les chances de succès se trouvent significativement réduites si le thérapeute ne travaille pas avec le client du changement. Il est donc nécessaire, dès la prise de contact et tout au long du traitement, de se demander : « qui dois-je recevoir en séance ? », « avec qui la thérapie a-t-elle le plus de chance d'être efficace ? ».
Recevoir les enfants en thérapie ?
Cette question, essentielle pour un systémicien, semble ne pas l'être pour certains autres thérapeutes. En effet, souvent, au cours des premières séances, les parents rapportent que leur enfant a déjà été suivi par un psychologue (ou autre thérapeute) et qu'ils n'ont pas, ou peu, été impliqués dans la démarche de soin.
Pour les demandes de rendez-vous pour un enfant, Fisch précise : « si le thérapeute accédait à la demande du [parent] (...) la thérapie commencerait sur l'idée implicite que [l'enfant] serait soigné pendant que ses parents attendraient passivement sa ‟guérison ˮ, exactement comme on peut amener chez un réparateur un poste de télévision défectueux et aller le chercher une fois qu'il est réparé » (1986, p. 80).
Une intervention sous contrainte
Recevoir un enfant qui ne serait pas demandeur de l'intervention initie une situation « d'aide sous contrainte » semblable à un dispositif d'aide sous injonction administrative ou judiciaire. Hardy (2018, p. 7) qualifie l'aide contrainte de « véritable oxymore » et Guy Ausloos présente ainsi le « paradoxe fondamental inhérent à l'aide contrainte : se trouver en situation d'avoir à aider quelqu'un qui ne demande pas d'aide, même si, souvent, il en aurait besoin » (préface de Hardy, 2018). Cette situation produit une injonction paradoxale du type « je veux que tu veuilles changer » dans laquelle aidant et aidé se trouvent piégés.
Thérapie uniquement avec l'enfant - le paradoxe de l'aide
Ce qui pose problème, ce n'est pas de recevoir un enfant en consultation, mais c'est de le recevoir durablement et régulièrement. Au fil du temps, l'enfant risque d'intérioriser l'idée qu'il n'est pas adéquat par rapport aux attentes de ses parents ou de la société. Qu'il a un problème, voire qu'il « est » le problème.
Cette situation est assez semblable au « paradoxe de l'aide » avec ses deux messages : « je t'aide parce que je t'aime » et « je t'aide parce que tu n'es pas capable d'y arriver seul ».
Ici, le paradoxe devient :
- « Nous t'envoyons chez le psy parce que nous t'aimons et nous inquiétons pour toi. »
- « Nous t'envoyons chez le psy parce que tu ne fonctionnes pas comme tu devrais. »
Quelles que soient les difficultés de l'enfant, cela risque d'aggraver son sentiment d'insécurité, de culpabilité et d'inadéquation.
Recevoir les enfants : les exceptions
Bien que cela soit peu fréquent, il arrive que des enfants expriment explicitement une demande d'aide, notamment dans les situations de harcèlement scolaire. Dans ce cas, le travail peut être envisagé principalement avec l'enfant. Pour autant, l'implication des parents reste impérative. Car, pour que la thérapie soit efficace, il demeure nécessaire que l'enfant soit accompagné de manière congruente par ses parents.
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Faire des parents des « co-thérapeutes »
Pour Portelli et Papantuono (2024, p. 437), « dans une perspective de causalité circulaire où A influence B et B influence A, il est souvent préférable de travailler indirectement sur les situations difficiles des enfants, en impliquant l'entourage (parents, enseignants, soignants, etc.), en tant que co-thérapeutes à qui l'on donne des instruments opérationnels pour aider le système à sortir des cercles vicieux [ ]. »
Recevoir toute la famille ?
Voir les parents seuls présente l'avantage de préserver l'enfant d'une situation où il pourrait entendre : « Papa et Maman sont déçus. Papa et Maman sont en colère... » avec le message implicite reçu : « je ne suis pas l'enfant qu'ils veulent ». Ce qui aggraverait sa culpabilité et abîmerait son estime de lui.
Inversement, recevoir toute la famille « optimise l'analyse de la communication dans la famille (…) [et] crée les conditions pour que cette communication s'actualise, puisque la famille est présente dans sa réalité et non pas symboliquement comme dans d'autres types de thérapie » (Duriez, 2012, p. 31).
En savoir plus sur la thérapie familiale et conjugale.
Réponse de l'approche systémique stratégique à une demande pour un enfant
Lorsqu'un parent demande un rendez-vous pour son enfant, il met en œuvre une action ayant pour objectif la résolution d'un problème qu'il perçoit. Et, ce qu'il perçoit, bien souvent, pourrait se résumer à : « mon enfant à un problème [description des comportements problématiques et/ou des symptômes de son enfant], pourriez-vous le recevoir pour l'aider à le résoudre ? ». Si le thérapeute ne questionne pas « cette perception » et donne un rendez-vous d'emblée pour l'enfant, il valide de fait la vision du parent, ainsi que sa tentative de solution consistant à « vouloir que l'enfant change ». L'attention se porte sur l'enfant et son comportement… et non sur les interactions au sein du système parents-enfant.
Parfois, les parents se montrent insistants pour que le thérapeute reçoive leur adolescent en séance. Et l'ado, sous la pression « bienveillante et convaincante » de ses géniteurs, peut avoir intégré l'idée qu'il a un problème et qu'il a besoin d'aide. Dans ce cas, il peut être pertinent de recevoir parents et adolescent, ensemble. Bien souvent, au bout de quelques rendez-vous, s'il n'était pas « vraiment » client, l'adolescent demande à arrêter la thérapie. Mais cette thérapie peut se poursuivre avec les parents qui commencent à ressentir les effets bénéfiques du travail thérapeutique.
Découvrez comment résoudre les conflits entre parents et adolescents.
Fisch rappelle, à propos des « problèmes du prétraitement », qu'un « principe de base de la marge de manœuvre [du thérapeute], c'est de savoir prendre son temps » et qu' « il n'est pas nécessaire que tout soit résolu tout de suite » (1986). Le praticien doit faire preuve d'habilité relationnelle et communicationnelle pour rejoindre les parents dans leur vison du problème et dans leurs émotions, et ainsi obtenir leur « coopération » au projet thérapeutique.
Les 5 axiomes de la communication pragmatique de Paul Watzlawick constituent un cadre essentiel pour comprendre ces dynamiques.
Les diagnostics médicaux et neuropsychologiques
Dans mes consultations, il est fréquent également que les enfants aient déjà été « testés » et « diagnostiqués », suite à une demande de l'institution scolaire, par exemple. Or, ces diagnostics centrés sur les symptômes de l'enfant (TDA/H9, HPI10, dyspraxie, etc.) produisent chez les parents un « décodage non volontaire » de son comportement : « ce n'est pas de sa faute, il a un TDA/H... ». Ils induisent une plus grande tolérance, au lieu d'encourager les exigences » pour que l'enfant s'adapte au « monde tel qu'il est » avec ses particularités d'enfant atypique.
Au bout du compte, ces diagnostics aggravent les problèmes en collant une « étiquette » sur l'enfant qui finit par se percevoir lui-même à travers son trouble, voire à s'en servir d'alibi : « ce n'est pas de ma faute, j'ai un TDA/H ! ».
Consultez notre article sur les dangers des étiquettes en santé mentale.
Vitry parle d'une « force structurante [qui] peut rapidement devenir enfermante. Lorsqu'un diagnostic psychiatrique est donné de manière rigide, sans exploration des dimensions relationnelles, historiques et interactionnelles du symptôme, il risque de figer l'identité du patient dans une étiquette. (...) Le diagnostic devient un poids, un destin, plutôt qu'une clef d'ouverture
Pour mieux comprendre comment accompagner les enfants HPI à l'école avec les approches systémiques et accompagner les enfants et adolescents TDAH, cliquez ici.
Les « modèles » de familles
A la fin des années 90, Nardone et ses collègues synthétisent leur travaux de recherches-interventions dans lesquels la famille est pensée comme « un système cybernétique gouverné par des règles (...) » (Nardone & coll., 2018, p. 29). Ils identifient et décrivent 6 modèles de familles et leurs règles d'organisation : « surprotecteur », « démocratique-permissif », « altruiste » (sacrificiel), « aléatoire », « délégataire » et « autoritaire » (autoritariste).
Ces modèles familiaux sont des repères qui permettent au thérapeute systémicien de définir une stratégie d'intervention puisqu'il connaît les règles de fonctionnement des parents qu'il reçoit.
Pour approfondir, consultez notre article sur les problèmes des familles modernes.
« Pro-Filliozat » ou « Pro-Goldman » ?
En France, un débat polémique oppose les promoteurs d'une éducation dite « positive » ou « non-violente » – les « pro-Filliozat » – et les défenseurs d'une éducation plus verticale et autoritaire – les « pro-Goldman ». Les premiers dénoncent le recours à des « violences éducatives » physiques ou psychiques et promeuvent « l'intérêt supérieur de l'enfant » tandis que les seconds s'insurgent contre une « dérive de la parentalité "exclusivement" positive ».
L'intervention systémique stratégique devant se limiter à « stopper les tentatives de solution », elle permet au thérapeute de se maintenir dans une position pragmatique et non-idéologique. Cela représente un véritable avantage compte-tenu des controverses qui divisent praticiens, chercheurs et parents.
En savoir plus sur les dangers d'une parentalité surprotectrice.
Étude de cas : nos enfants se disputent !
La demande de rendez-vous
Dans cette famille avec deux enfants, Charles (12 ans) et Léon (9 ans), c’est le père, Nicolas, qui me contacte par téléphone. Il aimerait obtenir un rendez-vous pour toute la famille car, avec sa compagne, ils ne savent plus comment gérer les problèmes avec les enfants : les disputes incessantes, les moqueries de l’aîné envers son frère, les crises de colère du petit, leur manque d’autonomie et de responsabilité… et l’ambiance délétère que cela engendre à la maison.
En réponse à cette demande peu fréquente, je questionne pour savoir si les enfants sont demandeurs de me rencontrer. Comme ces derniers ne semblent pas manifester une motivation débordante vis-à-vis de cette perspective, je propose que les parents viennent seuls, au moins dans un premier temps, et nous déciderons ensemble du cadre pour les séances suivantes. J’ajoute que dans 80 % des cas, il n’est pas nécessaire de recevoir les enfants pour parvenir à la résolution des problèmes.
Des parents « démocratiques-permissifs »
A partir de la description des problèmes qu’ils rencontrent et des tentatives de solution qu’ils mettent en œuvre, apparaît une vision de la famille où :
- Il n’y a pas (ou peu) de hiérarchie entre parents et enfants.
- L’harmonie entre les membres de la famille est l’objectif à atteindre.
- L’usage de la raison et l’argumentation logique sont les principes organisateurs des relations.
L’identification de ces éléments a permis de définir une stratégie d’intervention qui a consisté à « injecter de la complémentarité » en aidant les parents à se placer en « position haute » vis-à-vis de leurs enfants et ainsi (r)établir une hiérarchie familiale fonctionnelle.
Des métaphores et des recadrages
Au cours de cette thérapie, un certain nombre de métaphores ont été utilisées pour provoquer un changement dans la perception des parents et bloquer leur tentatives de solution :
- La pelote de laine emmêlée
Cette métaphore a pour objectif de stopper la tentative de solution « intervenir pour séparer les enfants ». Elle s’énonce ainsi : « Un conflit entre deux personnes, c’est comme une pelote de laine emmêlée ou chacun des protagonistes tient un bout du fil. Si l’on essaie d’intervenir « de l’extérieur », on ne peut produire que deux effets : soit emmêler le fil davantage, soit couper le fil (pour séparer les protagonistes). » En séance, cette métaphore a été accompagnée d’un dessin avec une paire de ciseaux pour amplifier son effet dissuasif.
- Des sanctions en démocratie
Pour aider ces parents, Nardone (2018, p. 63) rappelle : « En démocratie, une fois les lois adoptées, leur non-respect prévoit des sanctions et des peines. (…) Une mesure n’amenant aucune sanction concrète est un conseil, un avertissement. Ce n’est en aucun cas une règle ou une norme, parce que la transgresser n’entraîne aucune conséquence fâcheuse. » Ainsi, en adoptant la vision du monde des parents, cette métaphore a pour effet de présenter la sanction comme un fondement de la démocratie ; comme un acte vertueux et non comme une brimade violente ou méchante.
- Être autoritaire ou faire autorité ?
L’objectif de ce recadrage est d’aider les parents trop permissifs à se placer en position haute en modifiant leur perception du concept d’autorité. Il s’agit de leur dire ceci : « Le mot autorité a plusieurs sens. Si l’un d’eux indique bien le « pouvoir de décider ou de commander, d'imposer ses volontés à autrui » – parfois par l’usage de la force ou de la violence, un autre sens désigne une personne dont les qualités et les compétences sont reconnues et font référence : quelqu’un qui fait autorité. Il ne s’agit donc pas d’être autoritaire ou « autoritariste », mais bien de faire autorité. D’être une référence pour vos enfants. Quelqu’un qu’ils reconnaissent pour son expérience et ses compétences. »
Les tâches prescrites
- Trouvez vous-mêmes une solution à votre problème
Face au constat d’échec de la stratégie consistant à séparer les enfants lorsqu’ils se disputent, je propose aux parents d’adopter l’attitude suivante : « La prochaine fois que vos enfants se disputeront, dîtes-leur : ‟Allez dans une chambre, tous les deux, et vous n’en sortez que lorsque vous avez trouvé une solution à votre problème !ˮ. Vous ajouterez : ‟Et vous venez nous chercher uniquement si l’un de vous deux saigne abondamment.ˮ »
Pour rassurer les parents, inquiets d’un éventuel « accident » suite à cette décision, j’utilise l’exemple des lionceaux qui jouent à se battre… sans qu’il n’y ait jamais de blessure grave et sans que la lionne n’intervienne.
J’ajoute que cette attitude présente l’avantage de changer la dynamique relationnelle entre parents et enfants. Jusque là, en intervenant, les parents endossait la responsabilité de la résolution du conflit. Dorénavant, cette responsabilité est « rendue » aux enfants, avec le message implicite : « Nous vous faisons confiance. Vous n’avez pas besoin de nous pour trouver une solution à votre problème ».
- L’isolement réflexif, une « sanction très pédagogique »
Au cours de la 4e séance, il est essentiellement question des difficultés avec Léon, dont les crises de colère et l’attitude oppositionnelle mettent les parents en échec. Le questionnement sur leurs réactions face aux transgressions et aux débordements de Léon fait apparaître des tentatives de solution très « raisonnables ». Bien qu’ils soient souvent excédés, ils s’évertuent à rester dans une attitude pédagogique et bienveillante. Ils cherchent à convaincre Léon du bien-fondé de leurs décisions. Cela génère d’interminables discussions et négociations, dont certaines se terminent par la colère d’un des parents.
Je leur suggère : « Quand on est dans une émotion qui nous submerge, on est dans l’incapacité de réfléchir. Donc, la prochaine fois que Léon entre « en ébullition », dites-lui qu’il doit aller dans sa chambre ; que vous irez le chercher lorsqu’il aura retrouvé son calme et qu’il aura suffisamment réfléchi à la règle qu’il vient d’enfreindre. S’il a le droit d’être en colère, il n’a pas le droit d’empoisonner toute la maison avec sa mauvaise humeur. Jusque-là, c’est toujours grâce à votre patience infinie que Léon parvient à se calmer. Ici, il s’agit de créer les conditions pour que Léon découvre, par lui-même, une façon de s’apaiser (lire un livre, caresser un doudou, frapper dans son oreiller, etc.). Il doit en faire l’expérience, pour qu’à la fin s’installe cette conviction : « je peux traverser un moment de crise... et je peux en sortir puisque je connais le chemin du retour au calme. »
- Les lettres de colère
Lors de la 7e séance, Daniela évoque ses doutes par rapport à la stratégie de l’isolement réflexif. Elle est fatiguée par les réactions de Léon (cris, insultes, etc.) lorsqu’elle lui ordonne d’aller dans sa chambre. Je lui réponds : « Réprimer la colère de Léon vous demande beaucoup d’énergie, en effet. De plus, c’est comme si vous mettiez un couvercle sur une cocotte-minute qui monte en pression… et qui finit par exploser. Afin de permettre à la pression de s’évacuer régulièrement, il faut mettre une soupape sur le couvercle. Pour cela, en plus de l’isolement réflexif, vous allez proposer à Léon d’écrire des lettres de colère : il pourra écrire dès qu’il en ressent le besoin, tout comme vous pourrez lui indiquer de le faire lorsqu’il commence à s’échauffer. Quand il vous les apportera, vous les recevrez sans les commenter, en disant que vous les lirez plus tard et que vous tâcherez d’en tenir compte. Cette manœuvre a pour objectif de donner un espace d’expression à la colère afin que Léon ne reçoive pas le message implicite : « tu ne dois pas être en colère » qui accentuerait à coup sûr son sentiment de frustration, et donc sa colère. »
Je précise aux parents que les lettre de colère n’appellent pas forcément une réponse de leur part. Sinon, ils risqueraient de retomber dans leurs anciennes tentatives de solution en voulant expliquer, argumenter, essayer de convaincre ou de se justifier.
Conclusion
Lors du premier rendez-vous, j’ai appris que les deux enfants avaient déjà été suivis par une psychologue : l’aîné parce qu’il est introverti et le plus jeune pour ses crises de colère et ses mises en danger… Il semble que ces interventions n’aient pas produit les changements escomptés puisque les parents cherchent à nouveau de l’aide.
Cette information confirme que c’est bien en travaillant avec les parents – les clients du changement! – que les problèmes peuvent trouver une solution durable.
Pour aller plus loin dans votre compréhension de l'approche systémique stratégique en milieu scolaire et découvrir qu'est-ce que l'école Palo Alto, nous proposons également des formations en approche systémique. Vous pouvez aussi consulter nos ressources sur le harcèlement à l'école et l'accompagnement systémique.
Références
- Duriez, N. (2012). Approche systémique. In Schauder, S. (dir.) L'étude de cas en psychologie clinique. 4 approches théoriques. Paris, Dunod.
- Fisch, R., Weakland, J.H., Segal, L., (1986). Tactiques du changement. Thérapie et temps court. Paris, Seuil.
- Hardy, G. (2018). S'il te plaît ne m'aide pas ! L'aide sous injonction administrative ou judiciaire. Toulouse, Erès.
- Nardone, G., Giannotti, E. Rocchi, R. (2018). Conflits de familles. Comment sortir des impasses relationnelles entre parents et enfants. Paris, Enrick B.
- Portelli, C., Papantuono, M. (2024). Enfants et adolescents avec difficultés. In Vitry, G. (dir), Le grand livre du diagnostic systémique et de l'intervention stratégique. Paris, Dunod, p. 434-457.
- Vitry, G., de Scorraille, C., Paoli, B., Brosseau, O. (2019). Stratégies de changement. 16 prescriptions thérapeutiques. Toulouse, Erès.
- Wittezaele, J.-J., García, T. (2006). A la recherche de l'école de Palo Alto. Paris, Seuil.
Où se former à l’approche systémique et stratégique?
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- Formation systémique généraliste
- DU clinique de la relation avec l‘université de Paris 8
- Mastere clinique avec spécialisation en psychopathologie avec le CTS du Pr Nardone
1. Oxymore: Rhétorique. Figure de style qui réunit deux mots en apparence contradictoires. (Exemple : un silence éloquent.). Source: https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/oxymore/57123
2. Avec les apports de la théorie générale des systèmes et de la cybernétique, ce concept est l’aboutissement d’une évolution épistémologique majeure puisqu’il contredit l’un des « principes de la science ‟ classique ˮ [qui] consistait à considérer que, si nous voulons arriver à comprendre la complexité de notre univers, il nous faut d’abord en comprendre les éléments constitutifs » (Wittezaele & García-Rivera, 2006, p. 80).
« Si le système [ ] tend vers une norme de fonctionnement stable, il est clair qu’on ne pourra comprendre le sens du comportement d’un de ses éléments que si nous le replaçons dans le contexte de l’ensemble dont il fait partie [ ]. Si l’on se place [ ] de façon à pouvoir observer l’ensemble du système, le système de causalité linéaire ne tient plus [ ].
La ligne droite cause (passé) → effet (futur) est devenue un cycle d’influences mutuelles [ ]. (ibid, p. 81-82)
En conséquence, le thérapeute systémicien garde à l’esprit que « l’effet rétroagit sur la cause » dans des « boucles d’interactions » et que tous les membres du système sont « coresponsables » de son fonctionnement.
