Et si la meilleure manière d’apprivoiser l’anxiété consistait à regarder ses peurs en face, volontairement ? Loin d’aggraver la panique, cette approche paradoxale, validée par les thérapies systémiques et cognitives, permettrait de transformer l’évitement en force. Explication d’une méthode contre-intuitive… et libératrice.


POINTS CLÉS
- L’anxiété s’intensifie souvent à cause de comportements d’évitement répétés.
- Imaginer volontairement ses pires peurs apprend au cerveau que l’anxiété est inconfortable, mais non dangereuse.
- Un accompagnement professionnel est recommandé pour utiliser ces interventions paradoxales de manière structurée et sécurisée.
La peur est naturelle. Tout le monde la ressent — avant de faire un discours, de passer un entretien d’embauche ou de rencontrer quelqu’un pour la première fois. La peur agit comme une alarme, nous avertissant des dangers potentiels et nous protégeant. Mais lorsque la peur devient incontrôlable, elle cesse de nous protéger et devient nuisible.
Ironiquement, la panique ne survient généralement pas lorsque nous affrontons directement quelque chose d’effrayant. La panique résulte plutôt d’un évitement répété de ce qui nous fait peur (elle peut aussi découler du fait de s’obliger de façon obsessionnelle à affronter ou contrôler des situations). L’évitement est rassurant au début, mais finit par se retourner contre nous en intensifiant l’anxiété. Comprendre cela est central à la fois pour la thérapie systémique stratégique et pour la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Ces approches thérapeutiques s’accordent à dire que chercher à éviter ou contrôler l’anxiété tend à l’aggraver. Dans notre pratique clinique, une méthode particulièrement efficace pour affronter l’anxiété s’appelle l’intervention des « pires peurs ». Bien que paradoxale, elle peut transformer la peur en courage.
Le piège de l’évitement
Les personnes souffrant de troubles anxieux ou de panique veulent naturellement éviter ce qui les effraie — les foules, conduire seules, parler en public, ou même certaines sensations physiques comme des vertiges ou un cœur qui s’emballe. En apparence, l’évitement semble logique : si vous n’êtes jamais confronté à votre peur, vous n’éprouverez pas d’anxiété. Mais cela a un coût caché. Chaque évitement envoie un message erroné à votre cerveau. Au lieu de vous apprendre : C’est sans danger, votre esprit comprend : J’ai échappé de justesse à un danger. À chaque fuite, l’anxiété se renforce, créant un cercle vicieux :
Peur → Évitement → Soulagement temporaire → Peur accrue et panique
Très vite, même des préoccupations mineures déclenchent des crises de panique — des épisodes intenses de peur qui semblent surgir sans avertissement, à la simple anticipation d’une situation redoutée.
Réécrire le scénario : affronter sa peur
La solution à l’anxiété ne réside pas dans le réconfort ou l’évitement. Elle réside dans l’affrontement délibéré de ce scénario redouté, mais dans un cadre sûr. Les techniques paradoxales en psychothérapie sont connues depuis un certain temps pour leur efficacité. Elles consistent généralement à prescrire ou à reproduire volontairement les symptômes plutôt qu’à chercher à les éliminer directement (Gibson, 2021).
Par exemple, dans la méthode dite de la Paradoxical Timetable Cure (PTC) décrite par Besharat et Naghipoor (2019), les patients reproduisent intentionnellement leurs symptômes anxieux à des moments précis de la journée. Cette reproduction volontaire — appelée « ordonnancement-artificialisation » — rompt l’association entre symptômes anxieux et détresse émotionnelle. Au fil des séances, les patients découvrent que les symptômes redoutés sont contrôlables et non intrinsèquement dangereux, transformant leur signification et réduisant l’anxiété. Cette méthode renforce finalement l’ego du patient, améliore sa capacité à gérer les conflits émotionnels et restaure sa résilience psychologique.
Dans notre clinique, les clients reçoivent souvent cette consigne spécifique :
« Pour les deux prochaines semaines, je souhaite que vous passiez 30 minutes chaque matin à imaginer votre scénario le plus effrayant. Trouvez un endroit calme et sûr, réglez un minuteur, et imaginez avec vivacité les pires résultats possibles. Soyez attentif aux sensations désagréables — cœur qui s’accélère, mains moites, souffle court. N’essayez pas de vous détendre ou de vous distraire. Ressentez pleinement ces sensations. Une fois la demi-heure écoulée, poursuivez votre journée normalement. »
Au départ, les gens doutent souvent de cette méthode, craignant qu’elle aggrave leur anxiété. Mais étonnamment, c’est généralement l’effet inverse qui se produit. Pourquoi affronter volontairement l’anxiété diminue-t-il son emprise sur nous ?

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Effet cognitif : comment votre esprit s’adapte à la peur
D’un point de vue cognitif, l’anxiété persiste à cause de schémas de pensée déformés — également appelés pensées catastrophiques. Par exemple, sentir son cœur battre plus vite peut déclencher des pensées telles que : Je fais une crise cardiaque ! Ressentir des vertiges peut provoquer une panique avec l’idée : Je perds le contrôle ou je vais m’évanouir ! En affrontant volontairement vos scénarios redoutés, votre cerveau finit par comprendre une chose essentielle : rien de véritablement désastreux ne se produit. L’anxiété reste désagréable, mais elle ne mène pas à la catastrophe.
Cette exposition répétée permet à votre esprit de corriger ses pensées déformées, transformant une anxiété intense en un inconfort gérable. En outre, les personnes anxieuses prêtent souvent une attention excessive à leurs sensations corporelles, ce qui alimente davantage leurs peurs. Affronter volontairement ces sensations réduit leur intensité au fil du temps, apprenant à votre cerveau que les sensations inconfortables ne sont pas forcément dangereuses. Vous passez de Je ne peux pas supporter ça ! à C’est désagréable, mais je suis en sécurité.
Recadrage émotionnel : le courage au lieu de la peur
Affronter la peur entraîne aussi un basculement émotionnel — un changement, dirait-on, dans la perception même du problème. Affronter ses peurs volontairement redonne un sentiment de contrôle. Plutôt que de vous sentir victime de l’anxiété, vous devenez quelqu’un qui relève activement le défi de l’inconfort. L’écrivain Fernando Pessoa notait à juste titre : « Aujourd’hui, je porte en moi les blessures de toutes les batailles que je n’ai pas livrées. » Lorsque vous affrontez l’anxiété au lieu de l’éviter, vous évitez d’accumuler ces blessures. Vous développez au contraire une résilience et une confiance en vous. La peur ne disparaît pas totalement (elle ne le pourrait jamais), mais elle ne détermine plus vos choix ni vos actions.
Étapes pratiques : comment essayer la technique des « pires peurs »
Si l’anxiété ou les attaques de panique affectent votre vie, vous pouvez envisager cette méthode — idéalement avec un accompagnement professionnel. Voici un plan simplifié pour commencer :
Établissez un horaire quotidien : Choisissez un moment fixe chaque matin, environ 30 minutes par jour, pendant au moins deux semaines.
Imaginez clairement : Visualisez mentalement vos pires peurs avec vivacité, sans chercher à diminuer votre inconfort.
Restez constant : Continuez la pratique, même si elle vous semble difficile. Chaque session aide votre esprit à s’adapter.
Réfléchissez ensuite : Après chaque exercice, observez vos réactions. L’anxiété diminue lorsqu’on la confronte volontairement plutôt que de l’éviter.
Si votre anxiété ou vos crises de panique sont intenses, il est recommandé d’effectuer cet exercice avec l’aide d’un thérapeute qualifié. Un professionnel peut offrir un cadre sécurisé et structuré, et optimiser l’efficacité de la méthode.
Affronter la peur comme chemin de croissance
En fin de compte, cette approche ne se contente pas de réduire les symptômes d’anxiété — elle modifie fondamentalement votre relation à la peur. Affronter l’anxiété n’est jamais facile, mais cela enseigne une vérité essentielle : la peur ne doit pas limiter votre vie. La peur n’est pas nécessairement la preuve d’un danger ; c’est une réaction émotionnelle temporaire et gérable. La thérapie systémique stratégique ne promet ni solutions instantanées ni réconforts faciles. Elle offre quelque chose de bien plus précieux : l’opportunité de transformer véritablement votre rapport à l’anxiété. En affrontant votre peur, vous transformez l’évitement en force, et la panique en courage.
Références
Beck, A. T., & Clark, D. A. (1997). Behaviour Research and Therapy.
Besharat, M. A., & Naghipoor, M. (2019). Paradox therapy for the treatment of social anxiety disorder: A case study. Journal of Systems and Integrative Neuroscience, 6, 1–5. [https://doi.org/10.15761/JSIN.1000213]
Clark, D. M. (1986). Behaviour Research and Therapy
Cet article a été publié dans Psychology Today https://www.psychologytoday.com/us/blog/escaping-our-mental-traps/202504/how-can-facing-your-worst-fears-ease-anxiety-and-panic
Où se former à l’approche systémique et stratégique?
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