Les émotions sont centrales dans l’intervention systémique : elles influencent perception, réaction et transformation. Peur, joie, colère, tristesse, ainsi que les émotions secondaires, sont des leviers thérapeutiques puissants. L’approche systémique stratégique mise sur l’expérience émotionnelle correctrice pour initier le changement et restaurer une dynamique relationnelle plus saine.
Introduction
L'intervention systémique, qu'elle soit en santé mentale, en éducation ou dans le monde du travail, place les émotions au cœur de son action. Comme l’a souligné Boris Cyrulnik, l’émotion agit comme un trait d’union entre l’âme et le corps, entre soi et les autres, mais aussi entre les différentes dimensions de notre être. Cette approche invite à dépasser les explications simplistes et causalistes pour comprendre la complexité des émotions dans nos interactions humaines.
Ce texte s’appuie sur la transcription d’une conférence donnée par Claude de Scorraille et Grégoire Vitry en juillet 2024, où Claude, Gérard, et d’autres intervenants ont partagé leurs réflexions sur ce sujet fondamental. Nous allons explorer comment les émotions influencent la perception, la réaction, et comment elles sont intégrées dans l’intervention systémique stratégique.
Comprendre les émotions : un panorama théorique
Depuis plus d’un siècle et demi, les émotions ont fait l’objet de nombreuses théories, plus de 90 selon Gérard. Ces théories tentent d’expliquer comment les émotions naissent, se manifestent, et influencent nos comportements.
La théorie James-Lange indique que les émotions sont le résultat de réactions physiologiques à un stimulus. Par exemple, on ne pleure pas parce qu’on est triste, mais on est triste parce qu’on pleure.
La théorie Cannon-Bard avance que l’émotion et la réponse physiologique se produisent simultanément, sans que l’une cause l’autre.
La théorie cognitive de Schachter-Singer met l’accent sur l’interprétation cognitive de la situation : l’émotion dépend de la manière dont on évalue un événement.
Les apports contemporains
Joseph LeDoux, spécialiste de l’anxiété, insiste sur l’importance de l’expérience concrète pour dépasser une peur handicapante. Il montre que l’exposition progressive et maîtrisée est indispensable pour modifier les circuits émotionnels.
L’émotion dans l’approche systémique stratégique
L’approche systémique ne considère pas les émotions comme des phénomènes isolés, mais comme des éléments intégrés dans un réseau d’interactions.
Comme le rappelle Paul Watzlawick, la perception d’une situation est toujours accompagnée d’une connotation émotionnelle. Les émotions ne sont pas seulement des réactions spontanées ; elles sont aussi des structures préparées de réponses, influencées par nos pensées et expériences.
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Les émotions primaires selon Giorgio Nardone
Dans l’approche systémique stratégique, quatre émotions sont considérées comme primaires et universelles :
- La peur
- La joie
- La colère
- La tristesse
Ces émotions sont des réponses innées, essentielles à la survie et aux interactions sociales.
Exemples concrets d’émotions primaires
La peur est un mécanisme vital. Imaginez marcher dans une forêt sombre et entendre un bruit étrange. Votre cœur s’accélère, vos muscles se tendent : la peur prépare votre corps à réagir face à un danger potentiel. Cette émotion est primordiale pour la survie, mais lorsqu’elle devient excessive, elle peut entraîner des troubles anxieux.
La joie contribue au lien social. Elle se manifeste dans des moments de connexion, comme lorsqu’un bébé sourit à sa mère. Cette émotion renforce les liens sociaux et suscite des comportements protecteurs et bienveillants. Sur les réseaux sociaux, l’effet “cuting” illustre cette réaction émotionnelle universelle face à ce qui est perçu comme adorable.
La colère et la tristesse : fonctions et gestion. La colère peut signaler une injustice ou une frustration, tandis que la tristesse invite à la réflexion et au recueillement. En intervention, il est crucial de ne pas chercher à supprimer ces émotions, mais à comprendre ce que la personne fait avec elles.
L’émotion au cœur du changement thérapeutique
L’expérience émotionnelle correctrice est au cœur du changement thérapeutique. Le changement ne se produit pas uniquement par la compréhension ou la modification des comportements, mais par une expérience émotionnelle nouvelle et transformative. Cette expérience permet de réconcilier ce que la personne perçoit et la manière dont elle agit.
Voyons l’application concernant la phobie sociale. Un patient souffrant de phobie sociale peut apprendre à réinterpréter ses sensations de peur. Par une approche progressive, il expérimente des situations sociales sans interaction directe, ce qui permet de transformer une expérience négative en opportunité de croissance.
La régulation émotionnelle permet de passer du dysfonctionnel au fonctionnel. C’est la capacité à gérer ses émotions de façon adaptée. Lorsqu’elle est dysfonctionnelle, elle peut aggraver des troubles comme l’anxiété ou la dépression.
En thérapie, il est essentiel de normaliser la peur, la présenter comme un signal utile, comparable à un panneau lumineux avertissant d’un danger. Cela aide la personne à accepter ses émotions sans jugement.
Des techniques comme la distraction, la désensibilisation progressive ou l’utilisation de métaphores facilitent la régulation émotionnelle. Elles permettent au patient de modifier sa relation à l’émotion et d’adopter des réponses plus adaptées.
Conclusion
Les émotions sont au centre de l’intervention systémique stratégique. Elles ne sont pas de simples réactions, mais des processus complexes qui relient le corps, l’esprit, le social et le psychologique. Comprendre et travailler avec les émotions permet d’accompagner le changement de manière profonde et durable.
Cette approche intégrative invite à dépasser les visions simplistes pour embrasser la richesse et la complexité de notre expérience émotionnelle, clé de voûte de toute transformation humaine.
Où se former à l’approche systémique et stratégique?
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