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  • Alvarez Sabrina, est psychologue, diplômée du MASTER Analyse appliquée du comportement et a toujours travaillé auprès d’enfants, adolescents et adultes TSA. En 2020, lorsqu’elle réalise le DU Clinique de la relation et intervention Stratégique, elle va particulièrement s’intéresser à la douleur chronique et à tous ses aspects systémiques. À l’heure actuelle, elle travaille dans un SAMSAH spécialisé TSA. En 2024, elle obtient un DU remédiation cognitive, qui lui permet de développer la Réhabilitation psychosociale auprès des personnes TSA.

La douleur chronique n’est pas un simple problème médical. C’est une problématique complexe, qui mérite d’être analysée de manière globale, interactive, dans un contexte social.

Quels éléments doivent être pris en compte ? L’attention du thérapeute doit se porter sur quelles dimensions ? Quelle stratégie doit-il utiliser ?

systemie de la douleurLa douleur chronique est un sujet dont on parle de plus en plus. Aujourd’hui, les spécialistes s’entendent sur la nécessité d’une approche pluridisciplinaire, et les pratiques ont beaucoup évolué.Cependant, le sujet n’est pas totalement élucidé, il engage encore de nombreuses recherches tant sur l’aspect médical, que psychologique, anthropologique, ou social.

La douleur ne pose pas seulement problème aux patients qui la subissent. Elle représente également une énigme pour les professionnels médicaux et paramédicaux.

Il est important de noter que la douleur est un phénomène dont la subjectivité occupe une place majeure. « La douleur ne se prouve pas, elle s’éprouve » (D. Lebreton, 2009 p325)

Le mot « douleur » suppose une souffrance, un mal être. Le terme « chronique » se définit comme quelque chose qui dure longtemps, qui se développe lentement. Mais alors, comment vivre avec une souffrance qui dure toute une vie ? Quels mécanismes de défense les patients mettent-ils en place pour supporter cette douleur invasive ? Comment cette souffrance physique devient-elle une souffrance psychologique ?

D. Le Breton (2009) affirme que « l’une des prises solides est de s’appuyer sur l’expérience intime des individus en proie à la maladie et à la douleur ». Selon lui, notre matière première doit être l’ensemble des significations qui alimentent le ressenti et la réflexivité de l’individu.

Nous verrons que ces significations dépendent des interactions, et les interactions des significations ….

Cet écrit traite de l’importance du processus interactif dans le vécu de la douleur chronique.

Mon hypothèse consiste à penser qu’intervenir sur le sens que va donner le patient à l’expérience douloureuse, sur sa relation au monde, aux autres, à lui, peut diminuer cette souffrance. Tenir compte du processus interactif circulaire, et créer une expérience correctrice pourrait modifier la relation entre patient et sa douleur.


Le vécu de la douleur : un système subjectif complexe et interactionnel

Anthropologie de la douleur

 « Nous ne nous préoccupons pas des choses telles qu’elles sont véritablement, mais de l’opinion que nous en avons », Epictète.

En utilisant les termes « expérience sensorielle et émotionnelle », cette définition insiste sur le ressenti du sujet, adopte son point de vue et valide sa parole. Tel qu’exprimé plus haut, la douleur est telle, que l’individu la définit.

Le terme « expérience » renvoie à quelque chose d’unique, en lien avec l'univers singulier d'une personne en particulier, qui n’est pas accessible comme tel par autrui. C'est une expérience vécue moment après moment, et par conséquent très variable d'un instant à l'autre, d'un contexte à l'autre. « Elle est ce qu'elle est au moment où elle est ressentie par l'individu » (Bungener, C., Flahault, C., Untas, A., 2006). La douleur reste un ressenti singulier, en lien avec une histoire, une personnalité mais aussi avec un contexte de survenue.

Entre le médecin et le patient, le phénomène de la douleur n’a pas le même niveau de réalité.

Le patient parle en termes d’expérience vécue, alors que le médecin, pense le corps tel que sa formation et son esprit scientifique lui ont appris à l’objectiver. Pour le patient, la douleur est une expérience qui l’obsède dans son corps et qui le transforme par rapport à celui qu’il était avant.

Mais pour aller plus loin dans la compréhension de la douleur, nous pouvons reprendre les études de David Le Breton, anthropologue et sociologue Français. Selon lui, la douleur est la « confrontation d’un événement corporel à un univers de sens et de valeur ».

Cet univers de sens et de valeurs se construit à travers la culture, la religion, la famille du patient.

Pour exemple, la famille, est un lieu de socialisation qui façonne le rapport au monde et au corps. La famille est de ce fait impliquée, dans la modélisation des réactions à la douleur. Le processus commence dès l’enfance.

Le ressenti algique n’est pas l’enregistrement d’une affection, d’une donnée physiologique, mais une traduction de l’altération de soi, elle est la résonance en soi d’une atteinte réelle ou symbolique. L’affectivité est toujours première dans le ressenti de la douleur, elle en mesure l’intensité et la tonalité.

La douleur n’est ni vraie, ni fausse ; elle traduit le monde dans le langage propre à l’individu qui la ressent. « Ce n’est pas le corps qui a mal, c’est la personne » (Le Breton, D. 2017).

La personne algique souffre. Mais quelle est la différence entre douleur et souffrance ? En psychologie, n’allons-nous pas davantage nous intéresser à la souffrance des patients plutôt qu’à la douleur ?

D’après David Le Breton, douleur chronique et réinvention de soi, « la souffrance est le degré de pénibilité de la douleur, sa résonance intime, sa mesure subjective. Elle est ce que l’individu fait de sa douleur, à travers ses ressources physiques ou morales pour tenir devant l’épreuve, sa force de résistance, les techniques médicales ou personnelles utilisées pour en diminuer l’intensité ou, à l’inverse, sa lassitude, sa résignation. Dans souffrance, il faut entendre sens. »

Si « douleur » est un concept médical, « souffrance » est le concept du sujet qui la ressent (Le

Breton, D. 2017). Douleur et souffrance vont donc de pair.

Nous allons à présent nous intéresser à la souffrance, nous centrer sur l’expérience du patient, sur son rapport au monde. La personne ne souffre pas seulement du dos mais dans son existence toute entière.

 

Aspects émotionnels

Ainsi, la façon dont la personne pense au sujet de cette affection change la façon dont elle s’y adapte.

En effet, les croyances entretiennent les émotions qui entretiennent à leur tour la douleur.

L'émotion joue un rôle crucial dans la façon dont la douleur est vécue : elle est capable de la moduler beaucoup plus qu’on ne l’imagine, des études ont montré que la difficulté de la douleur dépend de l’évaluation émotionnelle.

Par exemple, la colère est une émotion retrouvée chez de nombreuses personnes douloureuses chroniques. Plus elle est présente, plus il y a de douleurs. Elle participe à la dépression du malade, en particulier par la colère contre soi-même (Benezech JP, 2004).

Aussi, la souffrance morale s’exprime parfois par la souffrance du corps. On parle alors de somatisation.

Des études indiquent que la prévalence du syndrome de stress post-traumatique parmi les patients atteints de fibromyalgie est significativement plus élevée que dans la population générale (Cohen et al, 2002). Une méta analyse (Siqveland et al 2017), montre que le trouble de stress post traumatique est globalement plus répandu dans les cohortes cliniques de personnes atteintes de douleurs chroniques et en particulier chez celles souffrant de douleur généralisée. Néanmoins, il existe une grande hétérogénéité de la prévalence entre les études.

De nombreuses études suggèrent qu'une série de facteurs de stress non résolus au cours de la vie augmenterait le risque de douleur persistante.

Dans leur analyse de recherches sur douleur et émotion, Lumley et al, en 2011, ont rappelé que la peur et l'anxiété influencent la douleur, mais que ces deux états émotionnels le font de manière très différente.

La peur est provoquée par une menace présente ou imminente et motive des réponses défensives telles que la fuite.

En revanche, l'anxiété découle de l'anticipation de la menace et se caractérise par une hypervigilance et des réponses défensives passives.

Pourtant, des expériences de peur répétées peuvent provoquer une anxiété d'anticipation, contribuant ainsi à une douleur persistante.

Ils rappellent notamment que les états émotionnels positifs réduisent généralement la douleur.

Les substrats neuronaux qui sous-tendent le renforcement contribuent à la suppression de la douleur, vraisemblablement en réduisant la détresse qui accompagne la douleur - un phénomène appelé « analgésie affective. »

Un nombre croissant d'études d'imagerie éclairent la neurobiologie qui soutient le rôle des facteurs psychologiques et sociaux émotionnels dans la douleur.

De nombreuses recherches montrent notamment que l’alexithymie est élevée dans certaines pathologies avec douleurs chroniques.

Les patients peuvent inhiber l’expression de leurs émotions. Ils désirent exprimer leurs émotions mais ont peur des conséquences de le faire, on parle d’ambivalence émotionnelle.

Plusieurs études indiquent qu'une telle ambivalence est associée à une plus grande douleur et à une inadaptation. (Lumley et al, 2011). L'incapacité à exprimer la colère de manière adaptative exacerbe la douleur, cependant, nous ne savons pas si exprimer sa colère permet de diminuer la douleur.

Pour résumer, la douleur catastrophique, l'angoisse de la douleur, la peur liée à la douleur, le rejet social, l'insécurité de l'attachement et les émotions négatives élevées sont liés à une douleur plus grande et à un mauvais ajustement. Ces facteurs émotionnels surviennent non seulement en réponse à la douleur, mais aussi déclenchent, entretiennent ou exacerbent la douleur.

L’importance des affects et des émotions comme modulateurs de la plainte douloureuse chronique a été largement démontrée. Les troubles affectifs classiques que sont la dépression et l’anxiété méritent d’être identifiés lorsqu’une plainte douloureuse se chronicise. En pratique, le repérage et le décodage émotionnels contribuent à une meilleure compréhension de la plainte et par là à un renforcement de l’alliance thérapeutique (Allaz, AF, et Cedraschi C. 2014).

 

Systémie de la douleur

Le patient fait partie d’un système. Un système peut être défini comme un ensemble d’objets, les relations entre ces objets et entre leurs attributs. Le patient est en constante interaction avec son environnement, avec lui-même, et avec les autres.

De ce fait, le thérapeute va s’intéresser particulièrement aux interactions en lien avec le problème étudié.

La notion de totalité est importante dans la thérapie. Les liens qui unissent les éléments d’un système sont si étroits qu’une modification de l’un des éléments pourra entraîner une modification de tous les autres, et du système entier.

Ainsi, dans le cas d’une douleur chronique, si l’on travaille sur la relation à soi, ou à la maladie, cela peut entraîner un changement dans la relation du patient aux autres.

De plus, cette notion va de pair avec la circularité de la communication. Le problème du patient est imbriqué dans un processus interactionnel circulaire, et non linéaire. Cependant, le patient engagé dans une interaction, peut avoir recours à ce genre de raisonnement linéaire : « Si j’ai réagi comme cela, c’est parce qu’il a dit ça ». Le souffrant, tout comme son proche, ne perçoit pas que chacun influence à son tour la réaction de l’autre.

Dans le domaine de la douleur chronique qui nous intéresse ici, le patient peut dire « Si je suis stressé, c’est parce que j’ai mal ». Mais la douleur n’est-elle pas en partie liée au stress ?

« Je ne fais que lui dire que j’ai mal, mais il ne m’entend pas ». Cette « surdité » n’est-elle pas liée à un même discours répété inlassablement ? « Je » et « tu » sont codéfinissant.

Le patient souffrant d’une douleur chronique appartient à un processus interactionnel circulaire qu’il est intéressant d’étudier.

 

Impacts de la Douleur Chronique sur la vie relationnelle et tentatives de solutions

Selon M. Vannotti et M. Gennart, la maladie affecte toujours et essentiellement un être social ; en perturbant le fonctionnement biologique, elle atteint l’homme comme sujet de relation, comme partenaire actif de telle ou telle collectivité de vie.

« La maladie altère notre contact avec nos proches, notre aptitude à assumer nos fonctions coutumières dans notre milieu familial et professionnel ; elle induit une modification des rôles, un partage renouvelé des responsabilités, etc. L’irruption de la maladie, en ce sens, est un événement qui a valeur de crise non pour le seul sujet qui la vit, mais aussi pour l’entourage de ceux avec lesquels ce sujet atteint partage son existence. » (M. Vannotti et M. Gennart 2006).

Le problème est donc la souffrance du patient dans le vécu de cette douleur. Nous observons une « causalité circulaire » entre la façon dont un problème persiste et les moyens par lesquels les gens essaient de résoudre leur problème et n’y arrivent pas. (Nardone, G. 1998).

Une personne qui est confrontée à une difficulté va mettre en œuvre des processus de régulation pour tenter de la résoudre, des tentatives de solutions. Cependant, ces tentatives parfois inefficaces seront dysfonctionnelles et se maintiendront malgré leur inefficacité.

Il s’agit est un concept clé de l’approche systémique et stratégique, mis en lumière par les chercheurs du Mental Research institute de Palo Alto. Le clinicien de la relation va essayer de comprendre comment une difficulté se maintient, de voir quelles sont les tentatives de solution mises en œuvre, et de stopper les tentatives dysfonctionnelles en mettant en place une stratégie adaptée pour cela.

Face à la douleur chronique, quelles solutions le patient va-t-il tenter pour soulager cette souffrance ?

Le patient vient consulter le thérapeute car ses tentatives pour solutionner son problème s’avèrent inefficaces. « Je n’arrête pas de lui dire, mais il ne me comprend toujours pas » « Je passe mon temps à éviter les efforts physiques, mais la douleur est toujours là ». « J’essaie de contrôler cette douleur, mais je n’y arrive pas ». Pourtant, cette personne en difficulté va répéter ces tentatives, qui participent au maintien du problème.

D’un point de vue plus concret, comment cela se passe-t-il lors d’un symptôme douloureux chronique ?

Lorsque nous sommes en bonne santé et que nous « nous sentons bien », nous pouvons « oublier » notre corps ; nous nous appuyons sur lui pour vivre « au-delà » de lui, pour nous consacrer aux choses et aux êtres de notre monde.

Et puis un jour, quelque chose nous perturbe et nous fait mal. Ce signal douloureux est l’indice que notre corps « nous lâche », s’altère, dysfonctionne. Dès lors, ce signal d’alarme peut activer une angoisse de mort, l’anxiété étant la manifestation objective de cette angoisse.

Nous sommes alors plus attentifs à notre corps, à ce corps que l’on ne reconnaît pas et à cette douleur qui entrave nos possibilités, et qui échappe à notre contrôle.

A ce moment-là, ce corps ne peut plus être oublié et notre monde s’appauvrit, avec des limites qui se rapprochent de notre corps. Celui-ci prend une part plus importante dans notre monde, il nous encombre, et nous ne pouvons plus ne pas nous en préoccuper. La maladie agit donc forcément sur la vie relationnelle du patient, qui voit s’amoindrir son aptitude à s’intéresser à l’autre et à s’engager dans des préoccupations communes.

La personne qui a des douleurs chroniques peut essayer de les comprendre et de les contrôler.

Dans ce cas, son attention va donc se focaliser sur cette douleur. Une des tentatives de solutions sera donc d’écouter davantage son corps, d’être attentif au moindre signe de douleur ou de soulagement. Mais il s’avère que plus la personne sera attentive à cette douleur, plus elle aura de difficulté à s’en détacher, et risquant alors d’être notamment moins attentive au monde extérieur. La douleur deviendra sa préoccupation principale. La personne sera dans son anticipation, et par conséquent dans l’évitement de cette douleur, et des activités qui pourraient la provoquer. Ses activités, ses routines, et sa vie toute entière tourneront autour de cette douleur insupportable, envahissante, qu’il faut éviter ou faire disparaitre. Un fonctionnement de pensée en « tout ou rien », peut parfois engager la personne dans un processus d’évitement de toute activité physique, tout mouvement ; c’est ce que l’on appelle la kinésiophobie. Cependant, nous savons que la réduction ou l’absence de mouvements entrave la réadaptation et prolonge l’invalidité ou la douleur. Cette tentative de solution est donc souvent vouée à l’échec.

La personne qui souffre ressent le besoin d’être écoutée, réconfortée, épaulée et peut donc rechercher ce soutien auprès de ses proches. Dans ce cas, cette personne va décrire ses douleurs ; elle va se plaindre. Cette plainte sera perçue et reçue par les interlocuteurs de différentes manières, et recevra donc différentes réponses. Mais ce qu’il ressort le plus dans les témoignages des patients, est que les réponses des autres sont décevantes. « Mon mari banalise ma douleur », « il me reproche le fait que je me plaigne tout le temps ». « Les gens ne se rendent pas compte à quel point je souffre ».

Ils ne se sentent pas écoutés, et ont l’impression de recevoir des reproches qui les culpabilisent.

N’ayant pas ce réconfort, ils continueront à en parler, espérant un jour l’obtenir. Avec le temps, certaines personnes souffrantes disent arrêter d’en parler autour d’eux, constatant qu’elles ennuient les autres avec leurs maux, et se renferment davantage. « Finalement, à quoi ça sert de se plaindre ? ». Le patient tait sa douleur et se renferme dans sa souffrance. Il ne verbalise plus, et ne la déverse plus consciemment.

Cependant, il est impossible de ne pas communiquer (Watzlawick, 1967, p 46). Le patient par ses mimiques, attitudes, actions, silences, postures, transmet des messages à l’autre sans s’en rendre compte. Par tous ces gestes qui forment l’expression de l’expérience douloureuse, le patient jette d’une certaine façon sa douleur à la tête de ses proches. Ces messages seront captés, interprétés et influencent les comportements de l’autre.

Le malade, de son côté, percevra ces comportements modifiés de son interlocuteur, il les percevra de son propre point de vue, sa propre réalité, en fonction de sa relation au monde, de ses expériences passées, ses représentations. Cette perception influencera ses pensées, émotions et interactions avec l’autre.

Face à cela, le mari ou l’enfant adulte qui entend sa femme ou sa mère se plaindre continuellement et avoir comme seul sujet de conversation sa douleur, ou l’épouse qui reçoit les sauts d’humeur d’un mari souffrant, se sentent impuissants et lasses avec le temps, de ces échanges infructueux et sans issue.

Ainsi, la douleur ne fait pas souffrir uniquement le seul sujet qui la vit ; elle fait aussi souffrir ses proches ; elle les perturbe, leur pèse, les irrite voire les paralyse.

Pour faire relativiser cette souffrance, le proche lui propose d’essayer de penser à autre chose, lui disant qu’elle n’est pas la seule à souffrir. Mais ses tentatives sont souvent vaines, la personne se plaint de plus belle.

Cette douleur fait souffrir les proches, parfois non moins que le patient lui-même.

La douleur redéfinit alors les rapports intrafamiliaux et peut cristalliser certaines habitudes.

L’absence de diagnostic ou de lésions certifiées par le médecin, introduit un doute quant au bien-fondé de la plainte. L’entourage peut alors psychologiser la douleur, pour y trouver une explication. Cependant, une psychologisation excessive peut se révéler néfaste pour le patient.

Il reçoit ces dires comme des arguments au fait qu’il est le seul coupable, et donc capable de faire taire cette douleur. Ne sachant pas la contrôler, il culpabilise alors davantage.

La problématique du patient est imbriquée dans un processus interactionnel complexe.

Lorsque l’on analyse les interactions, on constate qu’elles se répètent et restent les mêmes, formant une causalité circulaire, et respectant l’homéostasie du système (Bertalanfly, 1973).

Il y a donc une chronicité du système.

La manière dont le système familial fait face à la douleur de l’un de ses membres n’est pas neutre par rapport à l’évolution clinique du patient lui-même, mais agit de façon directe sur ses vulnérabilités et ses ressources. La douleur est modulée par les circonstances, par la capacité à faire face et par la mobilisation des ressources intimes.

Lorsque l’on analyse les différentes tentatives de solution répétées, on en ressort un dénominateur commun. Il y a trois logiques différentes :

  • Logique de paradoxe. Le patient a une stratégie de contrôle qui régit ses tentatives de solutions. Cette logique consiste à vouloir contrôler la situation désagréable, ou à l’anticiper alors même qu’elle n’est pas contrôlable (d’où le paradoxe). Ce contrôle inefficace entraîne un découragement et une perte de confiance en soi. Le patient se sent incapable. L’excès de contrôle fait perdre le contrôle.
  • Logique de contradiction. Dans ce cas, le patient va appliquer une stratégie d’évitement (d’être confronté à la situation, éviter d’y penser). Mais plus il évite la situation, plus il en a peur, ce qui ne règle pas son problème.
  • Logique de croyance. Ici, le patient a une croyance forte ; sa stratégie est alors d’essayer de prouver cette croyance. Son attention sélective est centrée sur les éléments qui la valident. Le patient ne perçoit plus les éléments qui pourraient la fragiliser.

Si nous souhaitons effectuer un changement, il est donc important de se concentrer sur les solutions dysfonctionnelles qui sont en train d’être tentées. « Si nous bloquons ou modifions les solutions dysfonctionnelles récurrentes, nous interrompons le cercle vicieux qui entretient la persistance du problème, et nous ouvrons la voie à un changement véritable et nouveau. »

(Nardone, G. 1998)

L’importance de l’alliance Thérapeutique

Les professionnels de santé sont déstabilisés par les patients dont les symptômes ne peuvent être expliqués médicalement.

Par exemple, une étude (Ahern, Stone et Sharpe, 2009) a montré que les infirmiers travaillant dans les services de neurologie, manifestent des attitudes de rejet et de méfiance à l’égard des patients. On peut se demander si ces attitudes peuvent être un obstacle au bon déroulement du traitement.

Nous savons que l’alliance thérapeutique est primordiale à l’efficacité du suivi du Patient.

Les patients sont en quête de solutions pour soulager cette douleur qui devient parfois omniprésente. La fréquence des consultations avec le médecin augmente et des consultations de spécialistes variés se multiplient, sans réelle coordination ; on parle de « nomadisme médical ».

De son côté, le médecin, face à une douleur rebelle insensible aux antalgiques, se sent impuissant ; cette douleur ne peut être éradiquée.

Suite aux multiples rencontres infructueuses avec le patient, le médecin qui se refuse à admettre que ses savoirs sont encore partiels, va qualifier cette douleur de « psychogène », définie comme une « douleur vécue dans le corps, mais dont la cause essentielle serait dans le psychisme ». Elle est nommée ainsi par défaut car elle ne répond pas aux critères d’identification habituels. Cette douleur existe mais n’est pas authentifiée, ce qui ne peut donc que conforter le professionnel dans son idée que la plainte du patient reste entourée de suspicion.

Le patient peut entendre son médecin généraliste dire « cette douleur est dans votre tête », « changez-vous les idées, pensez à autre chose ».

Non seulement le patient repart sans soulagement de sa douleur, mais en plus chargé d’une culpabilité grandissante, une déception forte, qui peuvent provoquer une rupture avec le corps médical. Le patient se sent incompris et abandonné.

Parfois, l’identification d’une cause biologique ne résout que rarement la question de la douleur, les possibilités thérapeutiques n’étant pas plus nombreuses pour autant.

Un diagnostic permet au patient d’obtenir la reconnaissance de cette douleur, leurs paroles obtiennent du crédit.

Cependant, bien souvent, malgré les consultations fréquentes et variées, le soulagement de cette douleur reste très aléatoire. Dans cette situation, le patient rencontre aussi de nombreuses déceptions et peut lâcher prise par lassitude.

La personne atteinte de douleur chronique ne voit pas l’intérêt de consulter un psychologue, et peut même s’y opposer clairement.

Lorsqu’elle ressent le besoin d’en rencontrer un, ses expériences passées avec des professionnels de santé, l'incitant à être sur la défensive « Je sais que ce n’est pas dans ma tête ! Mes douleurs sont réelles !! », et peut passer la plus grande partie du premier entretien à se justifier. Il est alors bien difficile de recevoir le patient dans de bonnes conditions, et la relation psychologue-patient est d’emblée biaisée.

La douleur chronique est l’un des secteurs de la médecine qui induit le plus de difficultés dans la relation aux patients.

Il est donc primordial, pour un psychologue qui reçoit une personne souffrant de douleurs chroniques, de consacrer la plus grande partie de son travail à la construction de l’alliance thérapeutique.

Le patient attend de ses interlocuteurs qu’ils soient à l’écoute de ses propres ressentis, et aient une curiosité réelle vis-à-vis de cette douleur. Il faut que le patient ait confiance et la certitude que le psychologue pourra entendre ce qu’il a à dire, avec respect et sans dévalorisation à son égard. Replacer la personne et son vécu au centre de la prise en charge est primordial, et si cela est tangible dans l’échange, le patient peut alors se laisser aller à parler, et la thérapie aura d’autant plus de chance d’être efficace.

Marco Vannotti et Michèle Gennart, nous parlent du « postulat de sincérité » : « les patients ont toujours de bonnes raisons de dire ce qu’ils disent », il faut en tenir compte (Vannotti, M. et Gennart, M.2006).

Le Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon a mis en place une expérience qui a démontré que l’empathie diminuait le ressenti de la douleur (C. Fauchon et al. 2019).

En effet, les phrases empathiques employées vers les patients ont diminué leur douleur ressentie d’environ 12%. « Tout médecin ou infirmier sait que son comportement peut influencer le ressenti douloureux des patients. La reconnaissance de la souffrance, l'empathie peut diminuer la douleur » explique Camille Fauchon, dans l’article publié par l’INSERM en juillet 2019.

Anne-Françoise Allaz, dans La douleur en mouvement, explique l’importance d’explorer soigneusement l’histoire de la douleur et de la personne qui en souffre, ce qui permet de discuter avec le patient de la complexité des influences agissant sur l’expérience douloureuse. Ces éléments servent de base à un travail interpersonnel ou psychothérapeutique personnalisé.

Le rôle du thérapeute est essentiel lorsqu’il s’agit d’encourager le développement de stratégies personnelles chez le patient pour faire face à la douleur et à ses répercussions.

Le rôle de l’implication du patient, et de la valorisation des efforts ne doit pas être sous-estimé. Le traitement permet d’offrir le soutien motivant d’une alliance thérapeutique dans laquelle peut entrevoir l’espoir.

Luc Isebaert et Marie Christine Cabié, dans Alliance Thérapeutique et Thérapies Brèves, expliquent comment faire en sorte que le patient s’implique dans la thérapie. La liberté de choisir est l’un des éléments mentionnés.

En effet, le thérapeute se donne pour tâche non pas de changer le patient, de résoudre ses problèmes, mais de l’aider à créer un contexte dans lequel il pourra choisir de changer ce qu’il souhaite et garder ce qu’il ne veut pas changer. Il l’aide à trouver en lui les ressources et les compétences pour réussir à abandonner les habitudes dont il souhaite se libérer.

Le thérapeute est l’expert pour la méthode et pour le processus thérapeutique.

Le patient est l’expert pour ses objectifs, ses choix, ses ressources.

L’un des principes de la thérapie systémique brève est d’aller lentement. Prendre le temps d’explorer les motivations du patient, ses valeurs, favorise la construction de l’alliance thérapeutique et la création d’un contexte dans lequel le patient pourra définir un objectif SMART (Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et Temporel).

Car rappelons que l’objectif est déterminé par le patient.

Pour créer une alliance thérapeutique, il est important d’évaluer la position du patient.

Quelle position le patient a-t-il à l’égard de son problème et de la thérapie ?

Une fois déterminée la position du patient, le thérapeute aura des repères sur lesquels s’appuyer pour imaginer comment exprimer, ou cadrer, ses suggestions afin de porter au maximum la coopération du patient, et éviter les résistances.

Le succès du traitement dépend de l’habileté du thérapeute à amener le patient à coopérer.

La collaboration du patient peut être réduite si le thérapeute, dès le début, se place dans une position de supériorité et de pouvoir. D’autant plus avec les patients douloureux chroniques qui ont pu avoir de mauvaises expériences avec d’autres professionnels. Par contre, une position d’infériorité du thérapeute ne gênera pas le patient qui a envie de coopérer.

Dix stratégies, citées dans l’ouvrage de Luc Isebaert et Marie-Christine Cabié, peuvent être utiles pour le thérapeute :

  1. Adopter un regard positif
  2. Situer le symptôme dans un cadre plus large
  3. Mettre en avant les aspects positifs d’une habitude symptomatique
  4. Diminuer les sentiments de culpabilité
  5. Susciter l’espoir
  6. Stimuler le patient pour qu’il prenne ses propres décisions et qu’il assume ses propres responsabilités
  7. Préférer une causalité circulaire à une causalité linéaire
  8. Utiliser une perspective allocentrique plutôt qu’égocentrique
  9. Les nouvelles visions ne remplacent pas les anciennes, elles les complètent
  10. Développer si possible plusieurs points de vue alternatifs


Métaphore et douleur chronique

Parce que la douleur est une expérience intime, en lien avec la souffrance et difficilement communicable, le patient doit passer par des « ruses de langage » pour essayer de communiquer à l’autre son expérience éprouvante et difficile. Ces ruses de langage ne sont autres que des métaphores, autrement dit des images construites sur un principe d’analogie. Ainsi, le patient peut dire « ça brûle », « ma douleur est un coup de poignard », …. pour susciter l’aide d’autrui (A. Bioy, 2012).

Le thérapeute, lui aussi, utilise des métaphores. La métaphore, du latin « metaphora » (le transport), est une figure de style fondée sur l’analogie. Elle est conçue pour permettre de comprendre quelque chose et d’en faire l’expérience en termes de quelque chose d’autre, c’est-à-dire en transportant un savoir d’un contexte à un autre. C’est grâce à ce décalage contextuel que la métaphore est en mesure de produire quelque chose de nouveau, qui dépasse le simple sens des mots.

Erickson perçoit la métaphore dans son sens premier (metapherein : transporter, porter au-delà), et la définit comme « un moyen qui permet d’apporter de nouvelles significations à la conscience ».

Puissant outil du changement de la réalité du patient, elle est employée pour soigner (métaphore thérapeutique) dans des spécialités variées comme l’hypnose, l’art-thérapie, l’éducation thérapeutique et plus généralement les thérapies narratives.

Par exemple, en hypnose, le patient se créé mentalement et se projette dans un univers nouveau, et en même temps cet univers est ressenti comme une réalité effective, un ensemble de perceptions réellement ressenties.

L’hypnose n’est donc pas qu’une distraction, un détournement de l’attention, elle est également un acte de création dans la réalité. Ceci dit, la distraction est déjà un premier pas vers l’hypnose dans le sens où elle induit une perception déjà différente de la réalité, moins focalisée sur la douleur (Bioy.A, 2012).

Employer la métaphore en thérapie relève de l’idée de permettre au patient de ré-explorer sa propre histoire, à la recherche d’un nouvel éclairage pouvant déboucher sur un changement cognitif, émotionnel ou comportemental. La métaphore possède l’avantage de créer des idées nouvelles ou de les susciter chez une personne, tout en jouant sur une forme langagière qui créé un sentiment de familiarité.

Selon Milton Erickson, la première chose à faire est de ne pas essayer de contraindre l’être humain à modifier sa manière de penser, mais il est préférable de créer des situations dans lesquelles l’individu modifiera lui-même volontairement sa façon de penser (Erickson, M.

1985).

La métaphore permet un recadrage, c'est-à-dire, changer et modifier la perception que le patient a de sa propre situation.

Pour les patients douloureux chroniques, par exemple, un recadrage peut impacter sur les processus de pensées d’attention sélective axée sur l’expérience douloureuse, ou sur la tendance au catastrophisme. Le patient pense que rien ne peut venir à bout de cette sensation douloureuse, il n’a plus d’espoir. Après avoir modifié la perception que le patient a de sa situation, le thérapeute pourra par petites étapes, l’encourager à reprendre confiance en ses capacités et à se remobiliser très progressivement malgré la douleur.

Pour donner un autre exemple, un grand nombre de patients associent la situation vécue à une « guerre contre la douleur ». « J’ai gagné une bataille » « Je ne me laisserai pas vaincre par cette maladie » …

Le choix des mots utilisés par les patients est très important, et les propos peuvent être repris dans des métaphores pour l’amener à avoir une perception alternative de la situation.

Parce que l’imaginaire est aussi affaire de représentations, le soignant est enclin à reprendre ces images et à les utiliser pour aider le patient en fonction de ses propres créations : « ce qui brûle là, à quoi pourriez-vous le comparer ? Une braise trop proche de la peau, très bien. Va-t-il être plus simple d’éloigner la braise ou de l’éteindre ? Et comment fait-on pour éloigner une braise, décrivez-moi cela… » L’intérêt de cela est qu’en employant les images du patient, le thérapeute est dans son monde, utilise les représentations au plus proche de ses propres constructions internes, mais cette fois rendues sur le champ de l’imaginaire. Ceci améliore la qualité de la relation au patient et facilite le travail de collaboration.

Dans la seconde partie, nous verrons en pratique, comment, avec toute la complexité autour de la douleur chronique, l’intervention systémique et stratégique peut amener le patient au changement ?


Conclusion

Comme nous avons pu le voir tout au long de cet article, « L’évolution de la maladie est sensible à ce qui se passe entre le patient et le contexte intersubjectif dans lequel il s’inscrit »

(Vannotti & Célis-Gennart, 1998, 1999).

L’expérience que l’individu vit avec la maladie, et la douleur, est une expérience propre, subjective, qui mérite d’être écoutée et prise en compte pour un suivi médical et psychologique efficace.

De nombreuses études ont montré l’importance de la perception qu’a le patient de sa maladie.

Cette perception influe sur le vécu douloureux, et évolue de manière dynamique à travers les différentes interactions et expériences.

Les interactions qu’a le patient avec le thérapeute, ainsi que les nouvelles expériences incitées par celui-ci, peuvent provoquer un petit changement. Une modification qui pourrait paraître insignifiante mais qui peut influer par ricochet les interactions, perceptions, émotions … qui à leurs tours peuvent influer sur les interactions, perceptions, émotions liées à la douleur.

Considérer la douleur, comme partie d’un être social, façonné et unique, est aujourd’hui évident. La multitude d’éléments impliqués dans le vécu douloureux amène le thérapeute à avancer pas à pas, petit objectif par petit objectif, en se gardant de promettre au patient un soulagement total.


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