Dans cette conférence, Stéphane Bujold explore la notion de compétence des familles, inspiré par Guy Ausloos. Il défend une posture thérapeutique fondée sur la confiance, l’apprivoisement et la juste présence, en opposition à la pathologisation. Au travers d'anecdotes cliniques et réflexions humaines, il transmet une vision profondément humaniste de l’intervention systémique.
La compétence des familles
Stéphane Bujold, psychologue et directeur clinique de l’Université du Québec, a, le 26 mars 2025 tenu une conférence sur la notion de compétence des familles. Au-delà d’un simple hommage à son mentor Guy Ausloos, Bujold y déploie une vision engagée du soin ancrée dans la bientraitance, l’espoir, la confiance dans les dynamiques familiales et le refus de la pathologisation réductrice.
La rencontre avec Guy Ausloos
Dès les premières minutes, Stéphane Bujold insiste : sa rencontre avec le pédopsychiatre Guy Ausloos a été un véritable tournant. Il ne s’agit pas simplement d’une admiration intellectuelle, mais d’une véritable filiation émotionnelle. Bujold se sent « adopté par le père qu’il aurait voulu ». Ce lien est fondé sur la transmission d’une posture thérapeutique radicalement différente : faire confiance à l’autre, croire en ses ressources, refuser la linéarité causale pour adopter une lecture circulaire et complexe.
Pour Ausloos, beaucoup de pratiques soi-disant systémiques restent en réalité enfermées dans une logique de faute. On décortique les interactions, certes, mais on continue d’attribuer des responsabilités : à la mère anxieuse, au père absent, à l’enfant opposant. L’enseignement d’ Ausloos consiste à dépasser cette impasse.
Penser la compétence plutôt que corriger les défauts
La notion de compétence, telle que présentée par Bujold et héritée d’Ausloos, ne se résume pas à un ensemble de capacités mesurables. Il s’agit d’une croyance forte, d’une posture : croire que chaque famille possède, à sa manière, les ressources pour trouver ses propres solutions. Cette posture repose sur l’idée que les familles ne sont pas vides, démunies, ni incompétentes, mais simplement envahies de peurs, de hontes ou de jugements qui les empêchent de mobiliser leurs forces.
Bujold insiste : ce n’est pas notre savoir en tant que professionnels qui aide les familles. Ce qui les aide, c’est une information pertinente arrivée au bon moment, dans un contexte sûr et respectueux. Le rôle du thérapeute est alors de créer ce climat propice et non d’imposer des solutions.
Il partage plusieurs exemples cliniques marquants, comme celui de cette femme de 68 ans harcelée par son fils toxicomane, qui a trouvé, grâce à un groupe de soutien, cette solution radicale et libératrice : vendre sa maison pour partir seule en camping-car à travers le Canada. Un autre exemple : une jeune femme, ex-escort, ayant surmonté son bégaiement grâce à un usage stratégique et autodidacte du GHB. Ce ne sont pas des solutions que le thérapeute aurait pu inventer. Mais elles sont apparues dans un climat de respect, d’écoute et de confiance.
La dépathologisation comme posture éthique
Guy Ausloos, nous dit Bujold, très mal à l’aise avec la pathologisation. Il refusait de réduire une personne à ses troubles. Il estimait que nous sommes très bien formés pour identifier les symptômes, beaucoup moins pour repérer les forces.
La lecture de Jean Delumeau (La peur en Occident), d’Alice Miller (C’est pour ton bien) et de Foucault (Histoire de la folie) a renforcé chez lui cette conviction : nos pratiques renforcent trop souvent la culpabilité. On justifie la thérapie par le problème et l’absence de problème devient suspecte. Cette logique circulaire est destructrice. Bujold invite à remettre le diagnostic à sa juste place. Il ne s’agit pas de le nier, mais de le considérer comme une photographie d’un moment de crise, non comme une identité figée. Il cite Irvin Yalom : « C’est plus facile de faire un diagnostic en une rencontre qu’en quatre ». Car avec le temps, la personne devient trop humaine pour entrer dans une case.
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Appuyer la compétence
La notion de compétence, telle que présentée par Bujold et héritée d’Ausloos, ne se résume pas à un ensemble de capacités mesurables. Il s’agit d’une croyance forte, d’une posture : croire que chaque famille possède, à sa manière, les ressources pour trouver ses propres solutions. Cette posture repose sur l’idée que les familles ne sont pas vides, démunies, ni incompétentes, mais simplement envahies de peurs, de hontes ou de jugements qui les empêchent de mobiliser leurs forces.
Bujold insiste : ce n’est pas notre savoir en tant que professionnels qui aide les familles. Ce qui les aide, c’est une information pertinente arrivée au bon moment, dans un contexte sûr et respectueux. Le rôle du thérapeute est alors de créer ce climat propice, non d’imposer des solutions.
Ce que l’on gagne, affirme-t-il, à amplifier les compétences plutôt qu’à tenter de corriger les défauts est immense. C’est un changement de paradigme. Cela implique de déplacer le regard : du manque vers le possible, de l’individu vers la relation, du contrôle vers l’alliance. Il invite à se méfier des diagnostics comme vérités figées, car ils n’enseignent rien sur la résilience. Ce qu’ils masquent, c’est la capacité évolutive de l’humain, sa créativité face à l’adversité.
L’apprivoisement
Un autre pilier de la posture Ausloosienne est la notion d’apprivoisement. Reprenant l’image du Petit Prince, Bujold décrit le lien thérapeutique non comme un contrat fonctionnel, mais comme une lente construction mutuelle. Il faut du temps, de la bienveillance et surtout une absence de jugement. Les familles arrivent masquées par la honte, la peur, la colère, ou l’agressivité défensive. L’apprivoisement est cette posture douce, non menaçante, qui permet au lien de se construire. Il ne s’agit pas de faire parler, mais de se rendre fréquentable, sûr, humain.
La juste présence
Bujold insiste sur l’importance de ce qu’il appelle la « juste présence ». Beaucoup de professionnels affirment qu’il faut être objectif, ne pas s’impliquer. Il conteste : comment aider un enfant blessé sans s’attacher ? Comment comprendre une famille sans accepter d’en faire partie, du moins momentanément ? La deuxième cybernétique systémique nous le rappelle : le thérapeute est dans le système. Et c’est tant mieux. Car c’est ce lien, ce déplacement partagé, qui rend possible la transformation.
<H2>L’évaluation par fonctions relationnelles
Une des contributions les plus importantes de Guy Ausloos est la mise en place de l’évaluation par fonctions familiales. Ici, on ne blâme pas les individus, mais on observe les fonctions qui dysfonctionnent dans le système comme le contrôle, l’autonomie, le soin, la communication. C’est tout le système relationnel qui est en difficulté et non un individu en particulier. Cela permet de sortir du jugement, de la stigmatisation et de l’autodiagnostic qui pollue aujourd’hui dans nos sociétés. Travailler sur la relation, c’est permettre une co-responsabilité constructive.
L’hôtel thérapeutique, dignité et justice sociale
La vision d’Ausloos ne s'arrête pas au cabinet. Il rêvait d’un monde où même les plus précaires pourraient recevoir des soins dignes. Partant du constat que les plus riches ont accès aux soins, aux voyages, au ressourcement, alors que les plus pauvres héritent du système psychiatrique ou carcéral, Ausloos a imaginé un lieu de soin digne, chaleureux, et respectueux de la personne. Les Quatre Vents à Saint-Donat en est l’incarnation. Un centre résidentiel pour jeunes, conçu comme un hôtel thérapeutique. Accueil chaleureux, bord de lac, espace familial. L’idée : offrir un environnement contenant, beau, respectueux. Ne pas ajouter de souffrance institutionnelle à la souffrance psychique. Un soin bientraitant commence par la manière dont on traite les professionnels. Car un éducateur bien traité traite mieux les jeunes. Tout est chaîne.
Un héritage vivant
Bujold conclut en racontant une scène de supervision avec Guy. Il lui dit : « Aujourd’hui, je n’ai pas bien travaillé. » Guy répond : « Moi, j’ai jamais dit ça. C’est toi qui le dis. » Ce geste de non-jugement, d’accueil, devient emblématique de la relation qu’il souhaite transmettre à ses étudiants, à ses collègues, à tous ceux qui accompagnent les familles. Il appelle chacun à cultiver cette compétence d’être humain : savoir reconnaître ses erreurs sans crainte, savoir croire en l’autre au moment où lui-même n’y croit plus et faire émerger, avec humilité, ce qui ne peut être prescrit mais peut surgir si le climat est bon. Il fallait, dit-il, se sentir en sécurité avec un mentor pour pouvoir dire cela. Ce qu’il souhaite, c’est que chacun de nous rencontre un jour une personne qui, par sa présence, fasse ressortir le meilleur de nous-même. À travers la transmission de Guy Ausloos, ce rêve devient contagieux.
Une posture humaniste et systémique
Cette conférence résonne comme une invitation à revisiter nos pratiques. Il ne s’agit pas d’ajouter une technique à notre boîte à outils, mais de revisiter notre regard, notre éthique et notre humanité professionnelle. Les étudiants comme les praticiens confirmés trouveront dans cette vision un appui éthique, une source d’espoir, mais aussi une exigence : celle d’un regard bien traitant et confiant, au service de la compétence émergente des familles. Ce regard, plus qu’un outil, est une manière d'être au monde.
Où se former à l’approche systémique et stratégique?
LACT propose plusieurs parcours de formation web certifiantes en direct avec 50 formateurs internationaux
- Formation systémique généraliste
- DU clinique de la relation avec l‘université de Paris 8
- Mastere clinique avec spécialisation en psychopathologie avec le CTS du Pr Nardone
