Cet article explore les apports de Julien Betbèze sur l’autonomie relationnelle et l’estime de soi, en lien avec la thérapie brève systémique et stratégique, la thérapie narrative et l’hypnose. Il montre comment restaurer le lien entre intention, action et relation et permet de sortir des effets du traumatisme et de construire une nouvelle histoire fondée sur des valeurs partagées.
Un enjeu fondamental en thérapie systémique
La question de l’estime de soi est au cœur de nombreux accompagnements thérapeutiques, et elle devient centrale dans les situations post-traumatiques ou de souffrance chronique. Dans sa conférence donnée en octobre 2023, Julien Betbèze, psychiatre et formateur en hypnose et thérapie brève systémique et stratégique, propose un éclairage profondément novateur sur la manière dont l’autonomie relationnelle fonde l’estime de soi, et comment la thérapie systémique — en particulier dans sa dimension narrative — permet d’en restaurer les fondements. Voici les principaux axes de sa réflexion.
De la dissociation à l’inaccessibilité du lien
Dans les situations traumatiques, la personne perd l’accès à une expérience vivante de la relation. Julien Betbèze décrit un « monde de la survie » dans lequel toute tentative de lien est perçue comme potentiellement maltraitante. Ce monde est structuré par une dissociation majeure : les actions ne sont plus liées aux intentions, mais deviennent des réactions automatiques, souvent défensives, voire destructrices. Cette dissociation est le fruit d’un désaccord profond entre la relation à soi et la relation à l’autre. Sans effet relationnel, l’action devient vide de sens, et l’estime de soi s’effondre.
L’histoire dominante, une prison perceptive
Le thérapeute rencontre alors une personne enfermée dans une « histoire dominante » — récit intériorisé et répété, fondé sur la maltraitance, l’abandon, et la peur de la relation. Dans cette histoire, toute tentative d’autonomie est vécue comme une menace pour le lien et toute tentative de relation comme un renoncement à soi. L’individu se retrouve pris dans une contradiction insoluble : être autonome mais seul (angoisses de mort), ou être en lien mais aliéné (maltraitance).
Vers une histoire alternative et l’expérience de valeur
Pour sortir de ce paradoxe, il ne suffit pas de proposer un « lieu sécure », un exercice chèr a l'hypnose. Il faut créer un lien sécure, une véritable relation thérapeutique dans laquelle la singularité du sujet peut être perçue comme enrichissant la relation. Ce lien devient la base d’une nouvelle histoire : l’histoire alternative, fondée sur l’autonomie relationnelle. C’est dans cette expérience de résonance que naît l’estime de soi : « j’ai de la valeur pour l’autre, même dans ma différence ».
Les trois dimensions de l’exception
L’émergence d’une « exception » constitue alors un tournant thérapeutique. Il ne s’agit pas seulement d’un événement positif, mais d’un moment où l’intention, l’action et la relation sont alignées :
- Intention : une initiative personnelle motivée par une volonté de sens.
- Action : un geste concret engagé dans le monde.
- Effet relationnel : une reconnaissance par l’autre de cette intention.
Ce triangle constitue le socle de l’autonomie relationnelle. Dans l’exemple d’un patient qui appelle une amie au lieu de se réfugier dans un comportement auto-destructeur, il ne suffit pas de constater l’appel ; il faut explorer l’intention qui l’a motivée et le lien affectif qu’il a permis de réactiver.
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Narratif, stratégique et solutionniste, une grammaire commune
Julien Betbèze tisse des ponts entre les différentes modalités des thérapies brèves :
- Thérapie systémique et stratégique : en bloquant les tentatives de solution inefficaces, elle révèle l’intention cachée derrière l’action.
- Thérapie orientée solutions : la question miracle, posée avec une visée relationnelle, met à jour l’intentionnalité du sujet dans un futur sans problème.
- Thérapie narrative : par l’externalisation et la recherche d’exceptions, elle déploie une histoire alternative dans laquelle les intentions prennent sens.
Ces approches convergent dans ce que Julien Betbèze nomme l’hypnose conversationnelle : un processus relationnel de réassociation, dans lequel la parole restaure le lien entre intention, action et relation.
Accordage corporel et hypnose
L’hypnose, dans cette perspective, n’est pas un simple outil technique, mais une expérience d’accordage corporel. Le corps devient le lieu d’une relation vivante. Tant que l’accordage n’est pas en place, l’intention relationnelle reste invisible. L’induction hypnotique vise alors moins une transe qu’un partage affectif, condition première de toute reconnexion.
Les valeurs comme formes relationnelles
Autre point central : les valeurs ne sont pas des abstractions idéales, mais des formes incarnées de relation vivante. Une valeur comme le respect ne prend sens que lorsqu’elle est expérimentée dans une relation : « Je me sens respecté dans ma singularité et cela donne du sens à notre lien ». Les valeurs deviennent alors des repères partagés, à la fois singuliers (mon expérience), sociaux (dans ma culture) et universels (humains). Elles sont à la fois individuelles et relationnelles, et c’est dans leur reconnaissance mutuelle que naît l’estime de soi.
Construire l’exception : processus thérapeutique
Une exception n’est pas automatiquement porteuse de changement. Si elle est interprétée à partir de l’histoire dominante (« j’ai appelé mon amie pour ne pas sombrer »), elle reste une action de survie. Le travail du thérapeute est de construire l’exception, en aidant le sujet à la relier à une intention partagée, à une valeur. C’est par ce travail de construction narrative que l’exception devient fondatrice d’une nouvelle histoire.
L’importance du partage affectif
L’aboutissement de ce processus est toujours le partage affectif. Une action ne devient pleinement humaine que lorsqu’elle est reconnue dans sa dimension relationnelle. Ce partage donne naissance à une expérience fondatrice : « ce que je fais touche l’autre et ce que l’autre ressent me transforme ». Ce moment est le lieu de la réassociation, de la transformation thérapeutique et de la reconstruction de l’estime de soi.
Réassocier pour agir
Julien Betbèze nous invite à considérer la thérapie, non comme un simple traitement du symptôme, mais comme une expérience relationnelle réparatrice. En rétablissant les liens entre intentions, actions et effets relationnels, le sujet retrouve sa capacité d’initiative, sa puissance d’agir, et surtout, il fait l’expérience d’avoir de la valeur dans les yeux de l’autre.
Ainsi, l’autonomie n’est pas un retrait du lien, mais une manière d’être soi dans une relation vivante. Cette autonomie relationnelle devient la matrice d’une estime de soi restaurée, fondée sur des relations incarnées, partagées et enrichissantes. Une voie puissante pour sortir du monde de la survie et entrer dans celui du sens.
Où se former à l’approche systémique et stratégique?
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- Formation systémique généraliste
- DU clinique de la relation avec l‘université de Paris 8
- Mastere clinique avec spécialisation en psychopathologie avec le CTS du Pr Nardone
