Formation à l'approche systémique stratégique : l’analyse du fonctionnement du problème
par Agnès Calendray
coach systémicienne, clinicienne de la relation www.luminose-rhconseil.fr
« La vie n’est qu’une suite ininterrompue de difficultés ; un problème est la même difficulté qui revient encore et encore »
J. Weakland.
Le Système de Perception-Réaction ou SPR, qu’est-ce que c’est ?
Notre cerveau sélectionne ce que nous allons percevoir et retenir, nous n’avons donc pas accès à l’ensemble des infos qui nous parviennent. Ce qui signifie donc que, si nous ne créons pas la réalité, nous ne sélectionnons que certains éléments qui vont constituer les bases de notre réalité. Nos mécanismes de perception nous permettent de donner du sens au monde de l’expérience et de dresser une « carte du territoire » sur laquelle nous interagissons avec les autres, nous-mêmes et le monde. Mais « la carte n’est pas le territoire » (Alfred Korzybski) : La carte correspond à la représentation que l’on se fait du monde et le territoire est le monde tel qu’il est réellement. Il y a ainsi une infinité de cartes et un seul territoire. Giorgio Nardone utilise l’expression « autotromperie » pour souligner ce mécanisme par lequel nous nous trompons nous-mêmes en considérant notre construction de la réalité comme étant la réalité (Nardone, Balbi, 2012). En tant que thérapeutes, nous sommes ainsi « trompés » par la construction de notre réalité (Nardone, Watzlawick, 1993) et pouvons, si nous n’y prenons pas garde, donner un sens aux informations communiquées par le patient qui ne correspondent pas à sa réalité. Ainsi, toute stratégie d’intervention aussi pertinente soit-elle n’aura pas d’impact sur la personne si elle va à l’encontre de sa vision du monde ou que sa position vis-à-vis du problème n’est pas prise en compte. Nous devons d'abord tenter de comprendre la logique du patient et partir de celle-ci pour qu’elle change. Le thérapeute va alors se concentrer sur les processus réflexif et interactionnel qui sous-tendent le comportement de son patient en analysant les actions concrètes du patient, influencées par ses émotions et sa conception de la réalité, et qui influencent ses réactions interpersonnelles et sociales (Nardone & Watzlawick, 2005). Comme évoqué lors du module « SPR et Tentatives de Solutions » (LACT 2021, C. de Scorraille & G. Vitry), c’est le SPR du patient (= comment il perçoit la réalité et il y réagit) qui 10 permet de saisir rapidement le fonctionnement interactionnel du problème et de calibrer l’intervention.
A quoi sert le questionnement stratégique ?
Au travers du questionnement stratégique, on identifiera :
- L’émotion/la sensation dominante en lien avec la perception : la façon dont le patient ressent les choses influence son action,
- Le(s) type(s) d’interactions concerné(s) : les interactions avec lui-même, avec les autres ou avec le monde,
- Comment ses Tentatives de Solution Redondantes (TSR) sont alimentées. Ce questionnement va permettre d’évaluer le niveau de rigidité de la perception du patient et de débusquer les croyances qui peuvent compromettre la pérennité du changement, (notamment si elles ne sont pas suffisamment assouplies).
Le système de perception/réaction et les modalités d’intervention
Lorsqu’une personne a un problème, elle exprime un blocage, un sentiment d’empêchement voire une condamnation. Elle nous dit qu’elle se sent limitée, que ses ressources sont insuffisantes pour vivre sa vie de manière fonctionnelle. La personne peut alors se considérer :
- Soit coincée par des habitudes, des modèles de résolution qui ont perdu leur efficacité et peut être prête à envisager de nouvelles modalités de régulation. Dans ce cas, un recadrage est parfois suffisant pour regagner de la souplesse,
- Soit bloquée dans sa situation car la dimension émotionnelle l’entrave et l’empêche de réagir de façon adaptée aux évènements. Les expériences émotionnelles correctrices permettent alors d’aider la personne à réguler cette émotion,
- Soit condamnée : sa perception est extrêmement rigide et elle en arrive à mettre en œuvre des comportements qui vont la conforter dans ses croyances au travers de « prophéties auto-réalisatrices » (R. King Merton & W.I. Thomas). La perception ne repose alors plus sur un retour d’expérience mais sur une certitude et ne peut pas être remise en question.
Au-delà de bloquer les TSR, il s’agit de rejoindre la personne dans sa perception rigide et d’y introduire du doute. En d’autres termes, il s’agit « d’attaquer la croyance de manière stratégique » en stimulant la réflexion du patient au travers du questionnement stratégique. La croyance ainsi assouplie rend possible une meilleure régulation entre l’individu et son environnement.
Illustration : le trouble du perfectionnisme
Si l’on s’intéresse aux personnes souffrant d’un trouble du perfectionnisme, on pourrait dire qu’il s’agit souvent de profils qui ont un fort degré d’exigence vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis de leur environnement. Ils peuvent vouloir contrôler leur apparence, leur voix, leur travail, ...afin de ne pas risquer de déplaire ou d’être mal jugé. Ils veulent être sûrs, ils veulent maîtriser, anticiper de façon à ce que personne ne dise du mal d’eux, que tout se passe bien et sans accroc, que tout le monde les apprécie, qu’ils n’auront pas peur, pas mal, qu’ils ne regrettent rien, ... Ils cherchent alors à contrôler leurs comportements et réactions de façon à satisfaire les attentes supposées des autres, se censurer pour ne pas déplaire, correspondre à une certaine norme.... Ils deviennent alors gauches, raides, crispés, maladroits ou bien hystériques... et exposent ainsi le malaise qu’ils voudraient à tout prix dissimuler, créant les réactions qu’ils redoutent. On retrouve ce type de contrôle de soi douloureux dans les phobies sociales chez les perfectionnistes obsessionnels et dans les situations de burnout, .... Dans le contexte professionnel, la quête de la perfection et du dépassement de soi peut les condamner à sans cesse « remettre les compteurs à zéro », comme évoqué dans le livre « Quand le travail fait mal » (de Scorraille, Brosseau, Vitry, 2017). Chacune étant vécue comme un exploit, les personnes atteintes de ce trouble ne peuvent capitaliser sur leurs réussites passées pour développer leur confiance (envers elles-mêmes et envers les autres), conserver de la souplesse dans leurs interactions et acquérir de la sérénité dans leur quotidien. Elles sont enfermées dans un SPR où la perfection est le gage de la reconnaissance de leur valeur et pour atteindre « l’ordre parfait », elles sont prêtes à tout. Dans le monde professionnel, cela se traduit notamment par un engagement et une implication sans limites qui mènent souvent à des phases d’épuisement professionnel. Seule une approche indirecte qui, en s’appuyant sur la peur (émotion sous-jacente principale dans 78% des cas recensés) et en introduisant le doute permet d’ébranler leur système de croyances et de faire évoluer leur vision du monde.
LACT propose plusieurs parcours de formation web certifiante en direct avec 50 formateurs internationaux.
Formation systémique généraliste
DU en Clinique de la Relation et intervention stratégique avec l'Université Paris 8
Mastère Clinique avec spécialisation en psychopathologie avec le CTS du Pr Nardone
Formation Coach Systémique
Formation Systémique en management de la relation
Formation Hypnose Ericksonienne en ligne
Lire aussi
- Formation à l’approche systémique et stratégique : les fondamentaux
- Formation à la thérapie brève : l’identification des logiques sous-jacentes
- Formation à l'intervention systémique : les techniques de changement
- Formation certifiante systémique : identifier les résistances au changement
- Les tentatives de solutions
- Le lien comme outil de changement par Isabelle GROMETTO
- GÉNÉRALITÉS - Faire face à la résistance au changement
- Faire face à la résistance au changement - LE CAS DE DIRECTEURS D'ÉCOLE par Claudette PORTELLI
- Étude de cas - Faire face à la résistance au changement
- Dimensions du changement - par Claude de Scorraille, psychologue