À travers une étude de cas, nous examinerons comment la combinaison de la thérapie brève systémique et stratégique avec l'approche psychocorporelle en eutonie peuvent se compléter et aider à résoudre des difficultés conjugales.


Situation initiale et hypothèse clinique de départ
Maria me consulte fin janvier 2023 pour des douleurs sacro coccygiennes chroniques datant de sa deuxième grossesse en 2021. La cause médicale n’a pas été trouvée et malgré un suivi en ostéopathie, les douleurs persistent. Elle souhaite se sentir « mieux dans son corps », « plus apaisée » et « prendre soin d’elle ».
Maria a 36 ans, elle est coach sportive. Elle est très investie dans son travail et organise de nombreux évènements autour de sa passion. C’est une femme dynamique, sportive, qui se rend tous les jours à vélo sur son lieu de travail, situé à une quinzaine de kilomètres de son domicile.
Lors du premier entretien, elle évoque très rapidement des difficultés conjugales depuis la naissance de leur premier garçon né en 2019, qui se sont accentuées au 6ème mois de sa deuxième grossesse, moment où les douleurs précitées ont débuté. Elle se considère actuellement dans une situation conjugale très problématique. Elle me dit « avoir tout tenté pour que son couple aille mieux ». Elle a consulté une psychologue en individuel puis avec son compagnon Louis, mais cela n’a que très peu amélioré la situation. Pour elle : « le problème se situe au niveau de notre communication car nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord sur l’organisation de la semaine et nous avons des attentes différentes quant à l’éducation des enfants ; cela crée des disputes à répétition et en plus nous avons une manière différente de faire avec les enfants ». Deux « très grosses disputes » ont eu lieu au cours des six derniers mois. Maria a quitté le domicile familial avec ses deux enfants pour aller passer la nuit chez ses parents. Lors de la deuxième « grosse altercation », Louis parle de rupture et évoque la vente de leur maison.
Maria ne voit plus de solution aux conflits conjugaux récurrents, elle pense qu’elle ne peut plus rien faire pour solutionner ce problème et que c’est à Louis de changer. Elle éprouve beaucoup de colère à son égard. Elle veut maintenant « prendre soin d’elle et penser à elle ».
Au niveau corporel, Maria a une très grande difficulté à se détendre, elle a les mâchoires très serrées, le thorax toujours très droit. Au moindre relâchement d’épaules elle les relève et redresse la poitrine. Son bassin semble figé. Elle n’a pas conscience de cette hypertonie globale. Les douleurs sacro-coccygiennes apparaissent après un effort (sport, port de charges), avec la fatigue ou lorsqu’elle est restée longtemps dans une mauvaise position assise. Depuis septembre 2022, date de l’arrêt complet de l’allaitement maternel de son deuxième enfant elle a observé une diminution de sa lubrification avant et pendant les rapports sexuels et elle souffre par moment de dyspareunies.
Physiologiquement, le changement du climat hormonal qui s’opère lors de l’arrêt de l’allaitement maternel aurait dû améliorer ce genre de symptômes. D’autre part, la méthode contraceptive n’a pas changé et ces symptômes semblent apparaître dans un contexte de problématique conjugale qui s’est accentuée.
La séance en eutonie lui permet un premier réajustement du tonus musculaire et une hypertonie moins importante. Les mouvements avec les différents appuis osseux en position allongée sur le dos mettent en évidence des sensations désagréables, voire douloureuses, d’étirement dans la partie postérieure droite du bassin et plus particulièrement dans la région sacro-coccygienne.
En fin de séance, Maria ressent une pesanteur à l’intérieur du bassin et une instabilité de l’ensemble du corps. « C’est bizarre mais pas désagréable », me dit-elle. C’est une séance riche d’informations aussi bien par les dires de Maria, que par ses ressentis ; ils semblent nous donner des informations précieuses sur le contrôle permanent qu’elle exerce sur son corps, sur elle et dans sa situation conjugale. Ce contrôle vient accentuer les tensions musculaires déjà présentes. Si tout dans ses paroles paraît montrer qu’elle semble résignée à « laisser faire » et à ne plus rien dire par peur des disputes, ceci contribue à augmenter ses tensions et augmente son envie de contrôle d’elle-même.
J’émets alors l’hypothèse clinique que les symptômes physiques peuvent être en lien avec les difficultés conjugales. Je lui demande de se poser cette question : « Qu’est-ce qui pourrait arriver de pire dans ma situation conjugale si le problème persiste ? » et d’y réfléchir jusqu’à la prochaine séance. « Rien qu’à l’idée ça me tend » me dit-elle. Mon intention est de créer une peur plus grande que la peur des disputes. Maria me fait part de sa peur de créer d’autres disputes, elle m’explique qu’elle ne dit plus rien à son partenaire. Les discussions conjugales sont devenues une source de danger et sont perçues comme telle par la jeune femme. Elle est dans une peur qui augmente à vouloir l’éviter. (Nardone, 2019). Je me permets alors de lui citer Fernando Pessoa « Je porte toutes les blessures des batailles que j’ai évitées ».
Lors de notre deuxième séance, Maria est très tendue, elle me dit que « dans le pire des cas il va y avoir séparation ». Elle en éprouve de la peur. Elle n’ose plus dire ce qu’elle pense à son partenaire, elle tente de garder le contrôle d'elle-même. Cela accentue les disputes car elle finit par perdre le contrôle de ce qu’elle dit et tente démesurément de convaincre Louis qu’elle a raison et que lui a tort. Elle me décrit le type de dispute qui peut se passer : ils ne sont pas du même avis sur un sujet, elle tente de le convaincre, il s’énerve et lui parle mal, elle souhaite parler du sujet pour trouver une solution, il ne veut plus parler de cette situation, elle insiste, il s’énerve davantage et lui parle mal. Maria se ferme à la relation, ne lui parle que pour le « strict nécessaire ». Puis elle éprouve beaucoup de colère à l’égard de Louis, elle pense beaucoup à la dispute en se disant qu’il a tort, que c’est sa faute, trouvant les arguments qui peuvent le démontrer. Elle attend des excuses de sa part. Elle entretient l’idée que Louis lui parle mal parce qu’il ne va pas bien et que ce n’est plus tolérable. Ceci nous permet d’établir le processus qui entre en jeu entre Maria et Louis et non d’en chercher les causes. Nous pouvons alors comprendre la situation selon un modèle de causalité circulaire (Parmentier, 2009).
Les douleurs sacro-coccygiennes ont diminué les deux premières semaines puis se sont réinstallées progressivement, d’abord à droite puis à gauche. Je l’invite à visualiser et à imaginer un « lieu sûr » et de s’y rendre, puis elle démarre le travail corporel en position allongée sur le ventre. Ceci l’amène à ressentir un sentiment de bien-être qu’elle associe aux relations sexuelles épanouies. Elle repense aux « mauvais comportements de Louis vis-à-vis d’elle et de ses proches », elle éprouve de la colère. Lorsque j’amène son attention à son corps, elle ressent un nœud à la gorge. En se focalisant sur le nœud elle a un flashback, elle se voit lors de son premier accouchement juste avant la pose de la péridurale. Louis demande la péridurale pour elle en disant « elle la veut ». Maria confirme les dires de son compagnon et souhaite être soulagée de la douleur des contractions qui la traversent. « Oui j’ai dit que je la voulais mais ce n’était pas ce que je voulais au fond » me dit-elle à ce moment de la séance.
Il me vient alors l’idée que Maria s’est trouvée confrontée à ses propres limites lors de ce travail d’accouchement, en étant incapable de les reconnaître avec le recul. Attendant que son compagnon devine ses souhaits au-delà des mots, elle ne s’est pas sentie comprise par lui et a développé un sentiment de colère à son égard.
La séance continue et le nœud à la gorge diminue progressivement, au fur et à mesure qu’elle décrit ce qui se passe pour elle. La solution ressource apparaît d’elle-même : plus elle sent le contact physique avec Louis, plus le nœud à la gorge diminue, plus les sensations corporelles agréables du début de la séance lui reviennent. A la fin de la séance elle se sent moins « tendue » face à sa relation conjugale, a de l’espoir que les choses puissent évoluer. « Je ne pensais pas que je pouvais encore faire quelque chose pour que ça s’améliore et je suis contente » me dit-elle. Je lui fais part de mon hypothèse et lui explique le cadre et la méthode thérapeutique en systémie stratégique. Je lui propose un accompagnement alliant cette technique à celle du psychocorporel. Maria est en accord avec cette proposition et elle souhaite « tenter de résoudre ce problème de couple ». Nous décidons d’adapter alors la durée et la fréquence des séances afin d’évaluer si ces deux difficultés (relationnelle et corporelle) peuvent être en lien.
L’histoire du couple, l’histoire de chacun : la naissance du mythe fondateur
Lorsque la jeune femme parle de son compagnon elle souligne « Je l’ai connu à l’écoute des autres, et plus particulièrement de moi. D’un simple regard il devinait que quelque chose n’allait pas pour moi, il me demandait ce qui se passait et nous pouvions en discuter. » « Il prenait souvent les devants, il organisait les voyages, il était très attentif à mes besoins. Il mettait les gens à l’aise et était accueillant ».
Connaître les débuts de sa relation avec son compagnon, la manière dont le couple s’est construit et leur histoire familiale aide beaucoup à comprendre les fonctionnements de chacun au sein de la relation de couple. Cela nous donne un aperçu de la construction de la maison couple. Maria et Louis se sont rencontrés en région parisienne alors qu’ils logeaient sous le même toit en colocation en 2013. Leur passion commune pour le sport, les voyages et les moments conviviaux entre amis les ont rapidement rapprochés. Ils sont tous les deux coachs sportifs mais ils exercent dans des lieux différents. Un métier qui les passionne et dans lequel ils sont très investis tous les deux. Ils sont tous organisés, rigoureux, souriants et sportifs. Leurs débuts de vie de couple ont été marqués par l’organisation de nombreux voyages : Louis est très attentif aux besoins de Maria, il aime planifier les itinéraires, organise les différentes activités et effectue les réservations nécessaires. Ils apprécient d’accueillir leurs amis et leur famille en leur préparant de généreux repas et de délicieuses boissons. Monsieur est très présent dans cette organisation et les invitations sont souvent faites à son initiative. Leurs nombreux points communs les ont soudés, une relation très complice et proche de la fusion est née entre eux au point de tout faire ensemble excepté le travail. Les personnes de leur entourage disaient d’eux « qu’ils étaient pareils, tels des frère et sœur ». Chacun était en miroir de l’autre et venait renforcer l’estime de soi-même et de l’autre. Louis aimait faire plaisir à Maria en toutes circonstances et il répondait au moindre de ses désirs. Madame a comme vision : « Il faut être d’accord dans un couple, si ce n’est pas le cas, on doit en discuter pour trouver une solution commune et donc se mettre d’accord ». Cette vision est renforcée par les dires de sa mère et par l’exemple qu’elle a reçu du couple parental qui ne se disputait pas devant les enfants et semblait ne pas avoir de conflit. Pour Louis : « On ne parle pas des choses qui fâchent », ce qui explique sa stratégie d’évitement lorsque sa compagne souhaite discuter des sujets sur lesquels ils ne sont pas du même avis.
Nous assistons là à un des mythes du couple : les conflits sont mauvais et ne permettent pas une relation heureuse. Ainsi, ce mythe s’est installé dans leur couple et au fil du temps s’est transformé en mythe de la discorde (Duriez, 2020). Les différences de points de vue concernant l’éducation des enfants ont engendré des conflits de plus en plus présents. La perception que l’autre a de son partenaire s’est modifiée, créant également une différence de réaction de la part de chacun et réciproquement.
La troisième séance nous permet d’entrevoir d’autres solutions que celles mises en place et qui ont conduit le couple à être en guerre. Maria arrive à la consultation avec un sourire légèrement crispé en disant « Je tends le dos mais ça va beaucoup mieux ! » Elle partage une situation exceptionnelle selon elle. Lors d’un désaccord au sujet de leur plus jeune fils Billy, chacun dit ce qu’il pense de la situation ; après avoir écouté son compagnon Maria lui fait remarquer qu’il lui parle mal et souhaite stopper la conversation. Elle s’endort et Louis se lève pour aller consoler leur enfant qui pleure. Le matin la jeune femme prend son petit déjeuner et pendant qu’elle se répète à elle-même « Arrête de ruminer, passe à autre chose, ce n’est pas grave », son compagnon se lève plus tôt que prévu et vient la voir pour s’excuser de lui avoir mal parlé. Elle l’accueille, le remercie et lui fait un câlin. Selon elle, cette situation ne s’est jamais produite auparavant.
En lui demandant « D’après toi comment cela a-t-il été possible ? » Elle me précise alors qu’elle essaie de ne plus savoir qui d’elle ou de Louis a raison, elle tente de se raisonner en se disant que ce n’est pas grave, qu’elle peut passer à autre chose et arrêter d’y repenser sans cesse ». Ces renseignements s’avèrent précieux selon moi. Maria n’a pas essayé de convaincre Louis de continuer à parler de leur différend pour aboutir sur un accord, elle lui signale simplement que la façon dont il parle ne lui convient pas et stoppe la conversation. Sa réaction a changé et le cycle habituel peut alors évoluer. Sa perception de Louis évolue, « je retrouve le Louis d’avant qui faisait beaucoup de choses pour moi » dit-elle. « Il fait plus attention à moi, il n’est plus centré que sur lui-même, il se met à ma place ». Elle ajoute « Depuis 6 mois, je suis attentive à sa façon d’être avec moi car des personnes de mon entourage m’ont fait remarquer qu’il me parle mal et qu’il a changé ». Ceci nous permet de mettre en évidence le système pertinent : en soulignant le « mauvais comportement de Louis » à Maria, ses amies ont contribué à entretenir le problème. Elle a focalisé son attention sur les paroles et le comportement de son compagnon qui lui confirment les dires de ces derniers. Elle le perçoit comme « mauvais », et elle explique ses agissements comme « la manifestation d’un mal-être qu’il ne veut pas s’avouer à lui-même et pour lequel elle aimerait qu’il voit quelqu’un », autrement dit que Louis consulte un professionnel de la santé mentale. Cette perception a permis aux tentatives de solution de perdurer et de continuer à entretenir le problème. Elles ont été mises en place pour tenter de se mettre d’accord pour répondre à sa vision des relations conjugales.
Le travail corporel de la deuxième séance semble avoir permis à Maria de faire évoluer sa perception d’elle-même. Ceci est confirmé par ses dires lors de la troisième séance : « J’ai l’impression d’avoir découvert quelque chose de moi ! Ma mémoire a oublié mais c’était là » Sa façon de se tenir a changé, le tonus du haut du corps paraît plus adapté et elle a une meilleure conscience de ses sensations : elle sent ses tensions dorsales et ses mâchoires « crispées ». En allant dans ses zones de tensions, elle a un flashback qui lui permet de se connecter avec la mémoire de son corps et le moment où, selon nos hypothèses, sa perception de son partenaire a changé. Grâce aux exercices, le tonus musculaire se réajuste progressivement et elle l’associe à « je sens une présence corporelle, comme si Louis était à mes côtés ». Elle ressent alors de la légèreté et du bien-être me dit-elle. Je l’associe à une ressource pour elle. Ce phénomène apparaît au détour de la séance en eutonie. Je l’interprète comme un élément nouveau, ou oublié de la perception qu’elle a de son compagnon et qui aide au plus juste tonus musculaire. En m’appuyant sur cette séance je demande à Maria d’être plus attentive à sa propre réaction lors des disputes, dans la mesure de ses capacités, dans le but de concentrer son attention vers elle.
Cette prescription n’a pas pu être réalisée me dit-elle lors de la séance suivante car « je n’ai pas eu de disputes qui m’aient marquées depuis la dernière fois qu’on s’est vues » me dit-elle. Elle se sent plus calme et moins désemparée. Peut-être qu’en étant plus attentive à elle, cela lui a-t-il permis de moins se concentrer sur leurs sujets de désaccord ?
Mes suppositions de fin de séances quant à elles se confirment : Maria évoque alors son grand besoin de pouvoir compter sur Louis comme « un pilier », « qu’il soit plus attentif à elle » et elle constate qu’« il n’y arrive plus ». Aussi « compter sur Louis » veut dire pour elle « qu’il y ait rapprochement physique ». Ce qui est clairement apparu comme ressource lors du travail corporel en eutonie. Elle ne perçoit pas qu’il en ait envie car lorsqu’elle lui demande « Je peux avoir un câlin ou un bisou ? », il répond « Ok, vas-y » sans mettre les bras autour d’elle lorsqu’elle l’enlace.
La séance se poursuit et une exception apparaît, qu’elle ne semble pas percevoir comme telle : certains soirs de semaine il lui propose de se masser mutuellement ou de regarder la télévision dans les bras l’un de l’autre. Je lui demande alors comment elle interprète ce comportement : « Ben il fait un effort et il voit que cela me fait plaisir donc il recommence mais il ne le fait pas parce que lui ça lui fait plaisir ». « Moi j’ai besoin d’un plaisir partagé ». Je lui pose cette question « Je comprends ton besoin de partage, du coup si j’entends bien tu te dis que ces moments ne lui apportent rien à lui et qu’il ne le fait que pour toi ? », « Je ne sais plus » me répond Maria.
Ces déclarations renferment des informations précieuses qui concordent avec la façon d’être de Louis à la construction du couple : il aime être entreprenant et à l’initiative de faire les choses. Quant à Maria, elle semble retrouver son compagnon des débuts, elle aimerait y croire mais pas vraiment. Ainsi nous pouvons remarquer comment le corps est alimenté par la façon de se percevoir et de percevoir les autres et réciproquement. En revenant à ses sensations corporelles et en retrouvant un plus juste tonus musculaire, Maria modifie sa perception d’elle-même, heureuse de (re)découvrir des aspects d’elle-même. Elle est alors plus ouverte à la relation avec son compagnon et sa perception de lui change. Louis ose « approcher physiquement » sa conjointe sans qu’elle le lui demande ou qu’elle n’exige une marque physique d’affection. Ce qui est rendu possible puisque c’est lui qui en est l’initiateur.
A la fin de la quatrième séance, les objectifs ne sont pas encore clairement définis mais ils ont évolué. L’utilisation de méthodes de communication stratégique telles que des inversions de ponctuation et un changement de perception de son compagnon lui permettent de réaliser alors que les différences de point de vue et les disputes peuvent être présentes sans mettre en péril le couple. Leur gestion actuelle est peut-être le reflet d’une relation conjugale à remanier. Son objectif à ce stade de la prise en charge n’est pas très concret et surtout il dépend du comportement de l’autre. Elle souhaite retrouver le Louis des débuts de la relation et ce qui se matérialiserait par plus de contacts physiques et de moments de couple à l’initiative de Louis.

Réservez une consultation en cabinet à Paris Montorgueuil ou à distance en visio-conférence
Nous recevons nos patients du lundi au vendredi.
Pour prendre un rdv vous pouvez nous appeler au +33 (0) 1 48 07 40 40
ou au +33 (0) 6 03 24 81 65 ou bien encore le fixer directement en ligne
en cliquant ici :
La naissance de la parentalité : quand la perception de l’autre change
Les sources de désaccord semblent s’être révélées à la naissance de leurs enfants et sont devenues source de conflit. En effet, leur vécu du premier accouchement a été difficile, surtout pour Maria, car il a abouti à une naissance par césarienne en urgence pour « bradycardie fœtale » et leur enfant a été hospitalisé en service spécialisé pendant quelques jours. Maria est restée avec l’idée que son choix de bénéficier d’une péridurale a provoqué les anomalies du rythme cardiaque de son bébé car celles-ci sont survenues très peu de temps après la pose de l’analgésie. Les discussions avec les professionnels de la périnatalité qui l’ont accompagné, n’ont pas suffit à la faire changer de conviction à ce sujet. Ceci nous donne des indications quant à sa perception d’elle-même. C’est une femme exigeante envers elle-même, souvent dans la performance et l’envie de se surpasser. Elle semble avoir été confrontée à ses propres limites lors de cet accouchement, se rendant responsable de n’avoir pu les dépasser.
Le travail corporel réalisé lors de la deuxième séance et le flashback de cet événement permettent de soulever l’hypothèse que c’est peut-être lors de ce moment où sa perception de Louis a changé. Lui qui semblait deviner ses besoins sans qu’elle n’ait rien à lui dire, ni même à les identifier elle-même, n’a pas su pressentir que la douleur de sa compagne l’a incité à demander une analgésie qu’elle aurait aimé éviter. Elle est dans l’incompréhension face à ce changement et sa façon de regarder son partenaire semble évoluer. Elle agit et réagit différemment avec celui-ci, prenant plus d’initiatives, voulant trouver elle-même des solutions face à diverses situations de vie. Elle paraît également perdre confiance en lui sur sa capacité à être aussi parfait qu’il semblait être depuis leur rencontre.
Ceci sera vérifié et exploité lors de la cinquième séance avec cette question à choix alternatif suggérée par Claude De Scorraille lors d’une supervision : « Est-ce que tu as constaté tout d’un coup que l’homme si intelligent, si à l’écoute de tes besoins s’est transformé en un homme hostile qui souhaitait t’affaiblir ? Ou as-tu découvert que cet homme merveilleux avait finalement des limites et des difficultés à faire face à tes propres limites ? ».
Sa stratégie de contrôle semble s’être installée à ce moment-là, accentuée selon moi par tous les mécanismes psychologiques qui surviennent chez une femme lorsqu’elle devient mère. Elle était alors incapable de laisser son partenaire gérer les pleurs de leur premier né et intervenir dans son éducation, ni même de le confier à ses parents. Cela a commencé à poser problème à partir des 6 mois de Billy, créant des argumentaires stériles. « Louis, cet homme si intelligent, n’a pas su trouver les mots pour me convaincre. Il a fallu que mon père me parle pour que je comprenne que j’étais devenue extrême. Avant il réalisait tous mes désirs et depuis ce moment il s’est affirmé. Alors oui c’est bien mais il n’a pas réussi à me persuader. Faut dire que moi aussi je suis butée » dira-t-elle lors du retour de la prescription par téléphone après la sixième séance. Ces phrases seront exploitées pour aider Maria à modifier sa perception de la situation et aussi à comprendre ce qui s’est joué pendant cette période de vie.
Elle a vécu une dépression qui a commencé à être prise en charge par une psychologue neuf mois après cette naissance, devant les inquiétudes de son conjoint qu’elle ne voulait pas écouter. Louis m’en a fait part. Face à mes questions précises Maria a réalisé qu’elle gardait un très mauvais vécu de son accouchement la faisant pleurer à sa simple évocation. Le travail thérapeutique effectué a permis de diminuer ses appréhensions de vivre à nouveau un accouchement traumatisant. Elle a été enceinte peu de temps après. Elle a réalisé avoir de grosses angoisses de séparation avec Billy, liées à son vécu d’accouchement et à la séparation des premiers jours. Ne voyant plus d'amélioration, elle a choisi d’arrêter la thérapie. Ce sera la naissance de son deuxième fils qui lui permettra de diminuer, voire de supprimer ses angoisses « par obligation » me dit-elle. « Je ne pouvais pas répondre à chacun de ses besoins puisque j’en avais deux, donc si je répondais aux pleurs de l’un, forcément l’autre devait attendre ». Ceci semble aller dans le sens de nos hypothèses. Et pendant la grossesse de leur deuxième fils (au moment où les douleurs sacro-coccygiennes ont débuté) leurs points de vue différents ont créé de plus en plus de tensions dans le couple, donnant naissance à des disputes répétitives. En effet, Maria a vivement souhaité accoucher de manière naturelle à domicile pour son second garçon afin de ne pas reproduire ce qu’il s’était passé lors de son premier accouchement.
Pour ce qui est de Louis, l’institution hospitalière représente un gage de sécurité. Aux vues de la naissance compliquée de leur premier fils, il se sentait rassuré que sa compagne et son enfant soient pris en charge de cette manière. Il n’adhérait donc pas du tout à ce projet. Elle a tout de même mis tout en œuvre pour tenter de mener à bien ses aspirations. Elle fait appel à une sage-femme libérale qui accompagnait les accouchements à domicile mais ses antécédents obstétricaux ne lui permettaient pas de bénéficier de ce type de suivi. Elle s’est alors rapprochée d’une association soutenant les familles ayant ce type de demandes. Cette dernière proposait des groupes de discussions hebdomadaires ouverts à tous pour aborder des sujets autour de la parentalité et de la périnatalité. Louis n’a jamais voulu y assister et Maria y a donc participé seule. Cette association a tenu le même discours que la sage-femme que Maria avait consulté en début de grossesse. Elle a donc fait suivre sa grossesse à l’hôpital et a activement participé à rédiger un projet de naissance avec l’équipe médicale.
Lors d’une discussion en fin de grossesse Maria me dit « Je sais que je vais devoir gérer mon travail seule, que Louis ne sera pas présent comme j’en ai besoin pour réaliser ce projet d’accouchement sans péridurale ». Face à la non prise en compte de son opinion, Louis s’est alors enfermé dans une stratégie d’évitement, ne se rendant pas aux consultations de suivi de grossesse et en ne participant pas à l’élaboration du projet de naissance. Malgré un début de travail physiologique, des complications obstétricales ont eu lieu, amenant Maria à devoir accepter une pose de péridurale et à mettre au monde son enfant par césarienne en urgence faute d’une descente suffisante de son deuxième enfant, lui aussi en « souffrance fœtale ». Elle a bien vécu cet accouchement car les complications sont survenues avant qu’elle n’ait bénéficié d’une analgésie.
Pendant cette grossesse, elle me dit avoir été très déçue de Louis, ce qui selon moi a renforcé sa vision de lui en tant qu’« ennemi ». Elle a tenté de le convaincre que ses choix à elle étaient les meilleurs et n’a pas compris son positionnement. Elle a donc pris les décisions seule, lui demandant d’être présent le jour de l’accouchement sans pour autant compter sur son soutien. Elle l’évoquera au cours des séances en disant d’elle-même « Je suis une tête dure, pour me faire rentrer quelque chose dans le crâne ce n’est pas facile ». Cette perception d’elle-même est travaillé lors des séances corporelles et par différents outils systémiques stratégiques pour lui permettre d’obtenir plus de souplesse avec elle-même et donc avec son partenaire.
Louis s’est fermé aux discussions concernant l’éducation des enfants et l’organisation du quotidien face à l’insistance de sa conjointe. Elle tente de le convaincre que sa décision et ses points de vue sont les meilleurs et qu’il faut les suivre. Il a alors développé une manière différente de se comporter avec Maria en s’énervant rapidement face à son insistance à vouloir lui faire entendre raison. Elle veut trouver une solution face à leurs désaccords en discutant et devant son insistance, son partenaire de vie s’énerve encore plus et hausse le ton. Face à cette situation, le couple a consulté une thérapeute à l’initiative de Madame. Une des solutions proposées fut d’organiser des moments de couple propices à la discussion et au loisir à deux. Maria a organisé des sorties en couple au restaurant ou pour aller voir des spectacles. Ces moments représentaient pour elle l’occasion de discuter des désaccords pour trouver un compromis. Louis ne profitait pas de ces moments. Y voyant une excuse pour Maria de rediscuter des sujets de discorde, il n’a pas perçu l’utilité de réaliser cette tâche, n’étant pas convaincu du bénéfice qu’ils pouvaient en tirer et ne comprenant pas comment ces moments pouvaient aider à résoudre leurs difficultés de communication. Maria a donc continué de percevoir son compagnon comme « un homme buté, fermé à la discussion et qui ne croit pas qu’une thérapie peut les aider ».
En s’intéressant à ce qui n’a pas fonctionné, l'hypothèse que le conflit était devenu une guerre et que ces deux partenaires étaient alors dans l’impossibilité de passer des temps de paix ensemble se confirme. De plus, ceci conforte l’idée que la stratégie de contrôle de Maria et celle de l’évitement de Louis n’ont fait que s’accentuer davantage en contact l’une de l’autre, contribuant à rigidifier le système. L’avis des proches de Maria, ses amies notamment : « Il ne te parle pas bien, tu fais tout pour essayer d’arranger la situation mais c’est lui qui ne va bien et ce n’est pas normal qu’il te parle comme ça » ou encore « Louis a changé, il est fermé et froid » a continué à accentuer la situation et à entretenir la vision que son compagnon était devenu un « ennemi ». Ainsi, cette situation montre comment le concept de résonance (Elkaïm, 2010) a enfermé le système.
Lors de la quatrième séance et malgré les changements déjà produits, la peur des disputes reste très présente. Elle rapporte « Je n’ose pas m’exprimer de peur de gâcher le bonheur que nous vivons. Je veux retrouver des forces et je me répète « profite du positif pour reconstruire le couple ». Au cours du travail corporel débutant du nœud à la gorge en lien avec sa peur de s’exprimer, elle formule « je n’ose pas exprimer ce qui me rend unique car c’est sujet à des moqueries » et ceci se confond avec « je n’ose pas dire ce qui ne me plaît pas par peur du conflit ». En fin de travail elle exprime « je dois dire, ça va m’aider », ce qui apparaît être une ressource mais elle ajoute « je suis prisonnière des moqueries des autres et je n’arrive pas à dire, à m’exprimer ». Ceci donne l’impression qu’elle se sent empêchée. D’un point de vue systémie stratégique, je lui pose la question du miracle. Sa réponse « j’aimerais que Louis prenne plus d’initiatives et acceptes les remarques » montre que Madame reste dans l’attente d’un changement de la part de son compagnon qui selon elle permettrait de régler leurs difficultés de couple et contribuerait à réaliser son idéal « être heureuse en couple jusqu’à la fin de sa vie ». C’est pourtant lors de cette séance où elle me parle de ce que Monsieur organise pour créer des moments tendres. Et comme évoqué précédemment, elle est dans l’attente qu’il soit à l’initiative de ces instants de « recherche de contact physique car depuis la naissance de notre premier enfant il manque d’attention à mon égard » me dit-elle. « Avant, d’un simple regard il sentait que je n’allais pas bien, il s’approchait de moi et il amorçait la discussion ».
En réfléchissant tout haut en fin de séance, je l'interroge sur la possibilité de réaliser la technique de la chaire vespérale alternée, en l’introduisant avec diverses méthodes analogiques. Mais la peur prend le dessus sur le reste, elle ne souhaite pas créer à nouveau des disputes. J’ai la sensation d’être dans une impasse. La prescription de faire le fantasme du pire (Vitry, 2019) paraît plus réalisable pour Maria.
Après cette séance je me pose de nombreuses questions quant à la stratégie à déployer : est-il utile de proposer une séance de couple ? La charge émotionnelle de Maria n’est-elle pas trop importante pour permettre la réalisation des prescriptions proposées et lui proposer de réaliser la tâche de contempler la splendeur du désastre peut-elle être judicieuse ? Guidée par Claude De Scorraille lors d’une supervision individuelle faite à ma demande après cette quatrième séance, je peux alors faire preuve de plus de neutralité et de discernement pour pouvoir amorcer une stratégie et une communication stratégique plus adaptée. En effet, comme le rappelle si bien Robert Neuburger « si vous arrêtez d’être curieux vous perdez la neutralité ». En interrogeant Maria à propos du commencement de leur relation et sur la façon dont chacun interagissait avec l’autre elle peut raviver les souvenirs de cette période et avoir envie de continuer. Claude m’oriente également vers le travail sur sa perception pour l’aider à rencontrer le conflit en me guidant sur des idées de questions à choix alternatif. Ceci permettant d’évaluer sa manière de percevoir son compagnon comme quelqu’un d’hostile à elle. Elle m’invite également à investiguer sur ce qui a permis cet « effritement » de la relation à l’occasion de son projet de naissance, puis mettre en avant les différences de chacun et sa capacité ou non à pouvoir continuer la relation en tenant compte de ces différences. Elle me suggère des métaphores et des analogies parlantes à ce sujet. J’élargis alors ma perception et je découvre de façon plus précise le sens du symptôme (le supposé « mauvais comportement » de Louis) et sa fonction pour le groupe. Riche de tous ces nouveaux éléments, je me sens plus confiante pour continuer à accompagner Maria.
Lors de la cinquième séance, elle évoque une dispute pendant un moment à quatre avec Louis et les enfants au sujet de l’organisation d’une après-midi. Madame a peu été présente au domicile familial les week-ends car occupée avec les préparatifs et le mariage d’une amie. Elle avait beaucoup d’attentes sur ce moment rare passé ensemble. Le mécanisme interactionnel est peu différent à l’exception que Maria lui a envoyé un message en reprenant le travail pour dire à Louis qu’elle l’aime et que ça la rend triste quand ils se disputent, qu’elle espère qu’il est touché aussi. Elle se sent apaisée lorsqu’il lui répond, même si elle ne se souvient plus de la réponse exacte qu’il lui donne, il lui dit qu’il l’aime aussi.
En lui demandant comment elle se sent actuellement, elle me dit être très stressée, c’est un mois très intense professionnellement avec une pression très présente et des difficultés relationnelles avec une collègue en particulier. Elle rentre dans cet état à la maison en reconnaissant « c’est vrai que maintenant qu’on en parle je suis énervée en arrivant et je suis tout le temps stressée en ce moment » et elle ajoute « Je ne m’en rends pas compte. Si on me le dit, je prends du recul, mais Louis ne me le dit pas et ne me le fait pas ressentir ».
Selon elle, elle a beaucoup de mal à reconnaître ses limites et elle a tendance à attendre de son entourage qu’ils lui fassent remarquer pour qu’elle puisse s’apaiser. Elle appuie ses propos en citant des exemples de certains collègues de travail.
Grâce à des reformulations, du recadrage et différents types de questions elle modifie alors sa manière de gérer le stress : elle pratique du sport en concentrant son attention sur sa respiration et sur une action précise (la foulée si elle pratique la course à pied, les coups de pédales si elle fait du vélo). « C’est comme une méditation pour moi, je focalise mon attention sur ma respiration et ça me permet de me vider l’esprit ». Je l’invite à un petit exercice de respiration associé à une consigne en eutonie. Puis, en la questionnant sur ses sensations corporelles après avoir évacué ce stress, elle prend conscience qu’elle sait identifier son stress corporellement « mais oui quand je suis stressée j'ai les mâchoires serrées et il y a pleins d’autres indicateurs en fait ! ». Tout en parlant, elle met en lien le contexte de cette dispute : son vélo étant en réparation, elle n’a pu se rendre à son travail pendant trois semaines comme elle en avait l’habitude. Je constate alors que grâce à ma communication stratégique plus adaptée à la problématique et au travail corporel, Maria peut réaliser par elle-même certains aspects de la situation et ses manières de fonctionner. Je l’invite à comprendre la situation selon une logique circulaire : que plus elle est stressée, plus elle lui donne des ordres et trouve des solutions, moins il l’écoute. Et moins il l'écoute, plus elle insiste et il s’énerve. Elle valide mes propos : « ah oui ça il n’aime pas qu’on lui donne des ordres ». Et je lui demande de me décrire la mère de son compagnon, elle confirme mes hypothèses de départ « c’est une mère et une femme qui contrôle tout et d’ailleurs je me dis que son mari est peut-être parti pour ça parce qu’il n’avait pas sa place ». Elle réalise alors l’interaction qui se joue : Contrôle / Évitement.
Je lui raconte l’histoire suggérée par Claude De Scorraille lors de ma supervision. « Les parents de Milton Erickson représentant un modèle de couple pour son épouse. Voulant connaître leur « formule magique » elle les interroge : « comment ça se passe avec votre femme/mari lorsque vous vous disputez ? » Ils donnent chacun la même réponse sans avoir entendu celle de l’autre « je dis ce que j’ai à dire et je me tais ». Elle leur demande alors « Et après ? », « chacun fait ce que bon lui semble et nous nous en sommes toujours tirés ainsi ». Suite à mon récit qui la laisse sans voix je lui demande alors : « Faut-il nécessairement avoir la même vision du monde pour être en relation ? » « Est ce que tu recherches ton jumeau avec Louis ? » « Non, mais j’aimerais qu’il fasse plus attention à moi ! » « Comment expliques-tu qu’il soit moins attentif à tes besoins ? » « Ben depuis qu’il est papa il se donne à fond dans ce rôle, il n’a pas eu l’exemple d’un papa présent et il s’est toujours promis de l’être pour ses enfants. Après il s’accorde du temps personnel et puis du temps pour le couple » « Ah, une question me traverse : ce n’était pas angoissant et stressant d’attendre que l’autre devine tout pour toi ? » « Ben c’était confortable, je n’avais pas à me poser de question comme ça ! »
« Tu dirais que lors des naissances des enfants tu as constaté que l’homme si intelligent, si à l’écoute de tes besoins s’est transformé en quelqu’un d’hostile qui voulait t’affaiblir ? Ou as-tu découvert que cet homme merveilleux avait ses propres limites et difficultés face à tes propres limites ? » « Ben non il ne me veut pas de mal, oui c’est vrai que vu comme ça … »
Ainsi, ces recadrages permettent de travailler sur la perception qu’elle a de son conjoint pour l’aider à rencontrer ces situations de désaccord. J’ajoute : « selon toi qu’est-ce qui explique que vous restiez ensemble malgré les difficultés ? ».
Elle est sûre d’elle « Louis c’est le bon ! Il faut juste que je retrouve le chemin qui va nous permettre de renouer, d’avoir des moments forts. De nos jours la séparation c’est très facile, moi je trouve ça beau un couple qui s’aime toute sa vie. J’aime m’offrir à lui et offrir à mes enfants des parents et un couple qui s’aiment ».
Et je lui propose de s’interroger sur l’exemple familial qu’elle a reçu. Grâce à l’ironie, à se questionner sur la réelle possibilité que ses parents ne se soient jamais disputés ou qu’ils se soient toujours compris sur tout. « Sont-ils toujours amoureux aujourd’hui parce qu’ils sont d’accord sur tout ? » Elle me dit avoir du mal avec cette histoire car elle a besoin de comprendre. « Moi je n’arrive pas à passer à autre chose après la dispute, j’ai besoin d’en discuter ». Elle me fait part du mode de fonctionnement de Louis « lui il arrive à passer à autre chose et fait comme si de rien n’était après ça », « j’ai vraiment du mal à me dire que des personnes puissent être comme ça, elles se disent les choses et puis elles continuent ce qu’elles ont à faire ! J’ai l’impression qu’il me cache quelque chose ». Cette phrase me permet de réévaluer sa façon de percevoir son conjoint : « Alors si je comprends bien tu ne lui fais plus confiance ? », elle me répond : « Si, si ! Mais du coup je voudrais être comme lui » Toujours inspirée de la supervision individuelle je lui cite alors ces paroles de la chanson de Juliette Gréco « un petit oiseau, un petit poisson s’aimaient d’amour tendre » en lui expliquant et en mimant, la nécessité pour chacun de prendre leur oxygène de manière différente. Qu’ils ne peuvent emmener l’autre avec eux et qu’ils ne pourront jamais comprendre cette différence. Et je porte son attention sur sa façon à elle de prendre son oxygène en observant ce qui a fonctionné une fois que la dispute a eu lieu. « Quand je choisis de ne pas lui parler, je peux prendre du recul. Je suis heureuse de lui avoir envoyé un message et je me suis sentie apaisée en recevant son message de retour et nous n’avons pas parlé de l’incident ». Et je lui demande également « qu’est ce qui a fait selon toi que ce malentendu ne se transforme pas en conflit ? » « Je ne cherche pas à résoudre les choses, je lui dis juste qu’il n’a pas à me parler comme ça et je n’attends plus d'excuses de sa part » me répond-t-elle.
Pour clarifier l’objectif je lui demande « qu’est ce qui concrètement te ferai sentir que ton couple va mieux ? » Après quelques ajustements nous convenons de ces objectifs : se faire un câlin ou un bisou langoureux tous les jours, ou passer un moment ensemble de 15 à 20 minutes à discuter, à être en contact physique l’un avec l’autre. Elle me précise que son idéal serait de faire l’amour tous les jours tout en ayant conscience que ce n’est pas réalisable de part leur vie chargée et la fatigue du quotidien. Pour elle cela représente l’objectif d’avoir des moments de qualité avec Louis. Ainsi, elle a une manière différente de voir la situation. Son attention se porte plus sur le couple et son bien-être et non sur la nécessité d’éliminer toute forme de disputes ou de désaccord dans le couple.
Je lui explique la technique du comment aggraver et lui demande s’il est possible pour elle de la réaliser. Elle est en accord avec cette tâche. Je profite également d’évaluer son degré de satisfaction de la thérapie à ce stade. Elle me dit observer une amélioration de 30% depuis le début. Elle la constate « car même s’il existe encore des conflits, je les vis de manière beaucoup moins douloureuse, je ne pleure plus après les disputes et je n’essaye plus de régler la situation ». Physiquement les symptômes sont toujours présents démontrant : soit que l’hypothèse de départ n’est pas confirmée, soit que les problèmes conjugaux ne sont pas résolus.
Maria arrive détendue à la sixième séance, elle s’installe confortablement dans le canapé. Elle a réalisé la prescription du « comment aggraver ». Elle me cite alors les différents points en me précisant qu’ils revenaient sans cesse. Elle a donc arrêté de les lister après une semaine, elle y pensait de temps en temps. Elle me les énumère de tête :
- « Essayer de convaincre Louis sur un sujet où nous sommes en désaccord en argumentant pour lui prouver que ma solution est la meilleure.
- Reparler de ce qui nous met en désaccord.
- Intervenir sur sa manière de se comporter avec les enfants.
- Ne pas consacrer assez de temps à ma famille : je suis sûre que cela pourrait le faire me quitter ».
« Le fait de me le dire tous les matins, et de les lister cela m’a permis d’en prendre conscience et, s’en m’en rendre compte, de moins le faire » constate-t-elle. Elle ajoute de manière enjouée : « En fait, il faut que moi je change car c’est cela qui apporte du positif dans notre vie ! Je prends les devants, je me libère de mes préjugés et de ma façon de voir les choses. Je suis dans une recherche de bien-être personnel et dans mon couple. J’ai trouvé une solution : faire l’amour plus souvent, la sexualité apaise les tensions. J’ai visionné un reportage sur le plaisir féminin et je me suis vraiment débarrassée de clichés que j’avais. Je me rends compte que je n’ai jamais été entreprenante et qu’il faut que je le sois plus. Je me mettais des freins comme je suis une femme avec cette idée que de ce fait ce n’est pas à moi d’aller vers l’autre ». Je lui rappelle les objectifs fixés lors de la précédente séance. « Cela apaise énormément parce qu’après toi tu te sens bien, l’autre est bien aussi et donc le couple se porte bien. J’ai la sensation que cela permet de diminuer les tensions et de diminuer les conflits. » ajoute t-elle. En début de thérapie face à l’évocation de son problème je lui avais posé la question : « Si vous arrivez à vous mettre d’accord par rapport à l’éducation des enfants ou à trouver une solution commune, est-ce que le couple va mieux ? Par exemple avoir l’envie de se donner des gestes tendres, de passer du temps de qualité en couple ». Elle avait répondu « Oui, cela apaise et n’entrave pas le bien-être du couple comme ça ». Ainsi, il y a changement de cap dans sa façon d’aborder le problème depuis que la thérapie a débuté.
Malgré leurs divergences d'opinion, le couple semble aller mieux. Son compagnon accueille cette situation en faisant des « petites remarques telles que : encore ce soir, ce n’est pas habituel ! Il paraît surpris et parfois freine un peu les choses », me répond-t-elle quand je lui pose la question. « Je pense qu’il a besoin d’un temps pour s’adapter mais en tout cas il y a du plus de ce côté-là ».
Sans même que je n’intervienne, Maria continue de parler : « Il y a eu aussi du plus dans une dispute ». Elle ne se souvient plus de la raison de la dispute, ce qui permet de constater une réelle évolution de la situation. Elle a dit ce qu’elle pensait de la situation et Louis a fait de même. Elle a alors stoppé la conversation et s’est isolée quelques minutes à l’extérieur. A son retour, elle lui a fait un câlin en lui glissant à l’oreille : « Je ne suis pas fâchée et je t’aime ». Monsieur lui répond la même chose. Ils n’ont pas conclu d’accord sur le sujet de désaccord. Elle ne ressent pas de pression et elle ne s’est pas « fait de mal ». « J’explique mon ressenti et cela me fait évoluer. En plus, cela fait également progresser mon couple » ajoute-t-elle.
Le 180° aurait-il eu lieu ? Je lui demande alors : « La situation conjugale est-elle suffisamment confortable pour toi, ou il y a-t-il besoin de consolider des choses ? ». Elle me répond que oui elle voudrait améliorer la situation car sur certains sujets elle se sent contrainte. Lorsqu’elle choisit de passer du temps avec ses amis, il l’accuse de ne pas vouloir passer du temps avec ses enfants. Il lui exprime également son besoin de passer plus de temps en famille. Elle sait qu’ils vont partir en vacances prochainement et elle souhaite profiter de ces instants amicaux avant de pouvoir se consacrer entièrement à sa famille. Elle estime passer suffisamment de temps en famille et elle aimerait en avoir plus en couple. Lui ne veut pas qu’elle y aille et elle en a envie en lui disant « J’ai besoin de toi à la maison ». Pour elle le problème ce n’est pas qu’il ne soit pas d’accord et qu’il lui dise non sur certaines de ses sorties. Ce n’est pas non plus le fait qu’il remette en question son implication en tant que mère. Le problème c’est la sensation d’être obligée de faire selon ses choix à lui et non ce qu’elle aimerait faire. Mais elle prend quand même sa décision et si c’est réellement important pour elle, elle suit son envie. Face à cela, il lui montre son mécontentement en étant plus distant pendant quelques heures le lendemain. En la questionnant, elle réalise qu’elle reste libre de prendre ses décisions et qu’une fois la sortie effectuée, Louis n’est pas énervé. Elle souhaiterait pouvoir reparler pour trouver un compromis avant de prendre sa décision et qu’il se remette en question mais elle a peur de sa réaction à lui car elle sait que cela le met en colère. Je lui conseille de continuer avec le « comment aggraver » à chaque fois qu’elle souhaite trouver une solution commune quand ils sont complètement en désaccord sur un sujet.
Au cours de la séance sa colère à l’égard de Louis se dissipe. Sa perception de lui a énormément évolué, elle peut dire « J’accepte qu’on soit différent, qu’il ait des modes de fonctionnement autres que les miens ». Elle est simplement dans l’incompréhension de sa logique. Je lui rappelle alors la chanson du poisson et de l’oiseau. Cela la fait sourire. Par contre, la peur est toujours présente face à la réaction que Louis pourrait avoir si elle souhaite parler d’un sujet en particulier. « Tu dirais que c’est une peur telle une petite fille fragile qui a peur de la réaction du grand méchant loup si jamais elle bouge le petit doigt ou la peur d’en arriver à une dispute ? » Elle choisit la deuxième possibilité. Elle continue : « Depuis longtemps j’ai peur d’être sans lui. Tu sais j’ai très peur d’être seule dans ma vie amoureuse et cela depuis toute petite. Je me suis toujours dit que cela serait la pire des choses qui puisse m’arriver » me confie t-elle. « Je me dis que le perdre serait me confronter à cette sensation de solitude et je n’en ai pas envie. Je suis sûre d’aimer Louis ça c’est une certitude et il n’y a pas à revenir dessus. Mais quand il s’énerve j’ai toujours peur qu’il me redise des choses comme : on va se séparer, on va vendre la maison. Des choses très concrètes qui font qu’on ne sera plus ensemble ». La peur de la rupture apparaît clairement ici. Nous sommes en fin de séance, je lui propose de compléter la prescription du « comment aggraver » avec celle du « fantasme du pire ». « Est-ce que c’est possible pour toi ? ». Elle a envie de faire cet exercice. J’ai dans l’idée de saturer cette peur.
Je lui conseille également de continuer à explorer son bien-être et à prendre des initiatives dans la sexualité comme cela à l’air de lui avoir fait beaucoup de bien à elle et à son couple. Et de lire « Les cinq langages de l’amour » de Gary Chapman pour apprendre à mieux se connaître.
Au sujet des symptômes physiques : les douleurs sacro-coccygiennes sont toujours présentes en fonction de l’activité sportive qu’elle pratique. Notre hypothèse de départ n’est pas vérifiée pour le moment. Est-ce une vulnérabilité physiologique personnelle ? Le reflet d’une écoute corporelle encore insuffisante surtout dans l’effort ? Une conscience de ses propres limites qui reste à travailler ?
Elle n’a plus de dyspareunies car ils utilisent du lubrifiant du commerce et que sa lubrification naturelle s’est améliorée. Ainsi, la progression de la situation conjugale a peut-être permis cette évolution favorable par un changement de position quant à sa façon d’aborder la sexualité et le plaisir ; et à sa manière de percevoir son compagnon et son couple. Cette séance nous permet de constater qu’un 180° a pu avoir lieu et que la gestion et le vécu des disputes ne sont plus les mêmes. Ceci reste à conforter.
Conclusion
Le travail corporel en eutonie associé à d’autres méthodes psychocorporelles a permis à Maria de vivre ses sensations et de prendre conscience de ses perceptions ; d’apprendre à se découvrir ou à se redécouvrir. Ces révélations semblent lui donner de l’espoir pour résoudre un problème conjugal persistant auquel elle s’était résignée. Appréhender son corps selon la pédagogie de l’eutonie l’invite à développer une plus grande créativité et une meilleure écoute d’elle-même et de ses besoins. En prenant conscience d’éléments ressources qui l’apaisent tel que le contact corporel avec Louis, sa perception de la situation paraît évoluer, ainsi que la perception qu’elle se fait de son conjoint.
De plus, cet aspect est également bénéfique pour établir et affiner de plus en plus ses objectifs. Utiliser les outils de communication stratégique a permis à Maria de cheminer à son rythme et d’explorer le problème par elle-même.
L’approche en systémique et stratégique a débloqué une prise en charge psychocorporelle en contribuant à un changement dans un processus interactionnel qui s’était rigidifié. La situation de Maria s’est nettement améliorée et le changement est perceptible. Mais, même si elle appréhende les disputes d’une manière différente, la peur de la séparation est toujours présente et elle ne se sent pas encore suffisamment en confiance. Il paraît nécessaire de continuer à conforter les changements opérés. Aussi, les symptômes physiques évoqués en début de prise en charge ne se sont résolus qu’en partie. Ce qui peut aller dans le sens des hypothèses de départ puisque la situation conjugale n’est pas suffisamment confortable pour Maria. Cette piste reste à explorer.
La vision systémique stratégique vient donc apporter une amélioration de prise en charge des difficultés conjugales en thérapie individuelle psychocorporelle. L’eutonie semble s’articuler parfaitement avec cette vision car elle permet de prendre conscience de ce qui constitue l’espace d’autonomie de la personne, et de développer sa créativité pour résoudre ses problèmes. Comme le dit Robert Neuburger « Un couple qui va bien n’est pas un couple sans problème, c’est un couple qui sait résoudre ses problèmes. » .
Où se former à l’approche systémique et stratégique ?
- LACT propose plusieurs parcours de formations web certifiantes en direct avec 50 formateurs internationaux.
- Formation systémique généraliste
- DU en Clinique de la Relation avec l'Université Paris 8
- Mastère Clinique avec spécialisation en psychopathologie avec le CTS du Pr Nardone
- Formation Coach Systémique
- Formation Systémique en management de la relation avec l'Université de Grenoble
Pour connaître les tarifs, sélectionnez la formation qui vous intéresse
CARTOGRAPHIE DES TOUS LES PARCOURS DE FORMATION LACT
APPROCHE SYSTémique
et stratégique
Pré-
requis
général
Bac
avec ou sans
expérience
clinique
clinique
Bac +3
avec
expérience
clinique
Bac +5
avec
pratique
clinique
éducation
Bac +3
avec
expérience de
l’enseignement
ENTREPRISE
Bac
avec ou sans
expérience de
coaching
Bac
avec ou sans
expérience de
coaching

CERTIFICAT
LACT
-
NIVEAU
FONDEMENTS
DIPLÔME
D'UNIVERSITÉ
-
CLINIQUE
DE LA
RELATION ET
INTERVENTION
STRATÉGIQUE
-
avec
Université Paris 8

DIPLÔME
-
MASTÈRE
CLINIQUE ®
EN THÉRAPIE
SYSTÉMIQUE
STRATÉGIQUE
DIPLÔME
D'UNIVERSITÉ
-
APPROCHE
SYSTÉMIQUE
STRATÉGIQUE
DE
L’ÉDUCATION
-
avec
Université Paris 8

CERTIFICAT
ACCOMPAGNER
LE CHANGEMENT
-
NIVEAU
FONDEMENTS
COACHING
SYSTÉMIQUE
VIA CERTIFICAT ISC
CERTIFICAT
LACT
-
NIVEAU
FONDEMENTS
COACHING
SYTÉMIQUE

CERTIFICAT LACT - NIVEAU PRATIQUE
DIPLÔME
COACH
SYSTÉMIQUE ®

DIPLÔME SYSTÉMICIEN ® - CLINICIEN DE LA RELATION ® - NIVEAU PERFECTIONNEMENT
DIPLÔMES
MASTÈRE CLINIQUE® EN THÉRAPIE SYSTÉMIQUE STRATÉGIQUE
MASTÈRE HYPNOSE
APPROCHE SYSTémique
et stratégique

général
Bac
avec ou sans
expérience
clinique
clinique
Bac +3
avec
expérience
clinique
Bac +5
avec
pratique
clinique
CERTIFICAT
LACT
-
NIVEAU
FONDEMENTS
DIPLÔME
D'UNIVERSITÉ
CLINIQUE
DE LA
RELATION ET
INTERVENTION
STRATÉGIQUE
avec Université Paris 8

DIPLÔME
MASTÈRE
CLINIQUE ®
EN THÉRAPIE
SYSTÉMIQUE
STRATÉGIQUE
ENTREPRISE
Bac
avec ou sans
expérience de
coaching
Bac
avec ou sans
expérience de
coaching
éducation
Bac +3
avec
expérience de
l’enseignement
CERTIFICAT
LACT
-
NIVEAU
FONDEMENTS
COACHING
SYTÉMIQUE

CERTIFICAT
ACCOMPAGNER
LE CHANGEMENT
-
NIVEAU
FONDEMENTS
COACHING
SYSTÉMIQUE
VIA CERTIFICAT ISC
DIPLÔME
D'UNIVERSITÉ
-
APPROCHE
SYSTÉMIQUE
STRATÉGIQUE
DE
L’ÉDUCATION
avec Université Paris 8

CERTIFICAT LACT
NIVEAU PRATIQUE
DIPLÔME
COACH SYSTÉMIQUE ®

DIPLÔME SYSTÉMICIEN ® - CLINICIEN DE LA RELATION ® - NIVEAU PERFECTIONNEMENT

DIPLÔMES
MASTÈRE CLINIQUE® EN THÉRAPIE SYSTÉMIQUE STRATÉGIQUE
MASTÈRE HYPNOSE