Découvrez comment le diagnostic systémique, cœur de l'approche LACT, complète le DSM pour une lecture plus contextuelle et efficace des troubles psychiques.


Introduction
Dans les consultations en santé mentale, une question récurrente surgit : « Qu’est-ce que j’ai ?». Derrière cette interrogation, apparemment simple, se dissimule une problématique complexe qui convoque différents modèles d’interprétation et de diagnostic. Ce questionnement cristallise une tension entre deux manières d’aborder la souffrance psychique : d’une part, l’approche nosographique psychiatrique, linéaire et classificatoire, représentée notamment par le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), et d’autre part, l’approche systémique, circulaire, contextuelle et dynamique.
Cet article se propose d’explorer les apports, les limites, et surtout les complémentarités de ces deux paradigmes, à travers une analyse critique fondée sur la pratique clinique et les avancées de la recherche en thérapie brève systémique et stratégique.
Le diagnostic : de l’étiquette à la carte d’orientation
Le diagnostic n’est pas une fin en soi. Il constitue une clé de lecture qui oriente la compréhension du mal-être, les choix thérapeutiques, et façonne in fine la manière dont la personne se perçoit. Comme le souligne Boris Cyrulnik, le diagnostic ne se résume pas à une classification de symptômes : il organise un récit de souffrance et donne une cohérence à ce qui semble épars. Il est un outil de mise en forme du sens.
Cependant, cette force structurante peut rapidement devenir enfermante. Lorsqu’un diagnostic psychiatrique est donné de manière rigide, sans exploration des dimensions relationnelles, historiques et interactionnelles du symptôme, il risque de figer l’identité du patient dans une étiquette. L’on ne se demande plus « comment sortir de ma situation ? », mais « comment vivre avec mon trouble ? ». Le diagnostic devient un poids, un destin, plutôt qu’une clef d’ouverture.
Le modèle psychiatrique : classification, repères et limites
Depuis le XXe siècle, la psychiatrie a connu une rationalisation de ses outils diagnostiques. Le DSM, aujourd’hui en version 5, s’est imposé comme la référence internationale pour la classification des troubles mentaux. Il propose des catégories diagnostiques fondées sur des listes de critères précis, quantifiables. Cette standardisation a permis de structurer la recherche, de faciliter la communication entre cliniciens, et d’établir des critères de remboursement pour les systèmes de santé.
Mais cette mécanisation de la souffrance pose question. Elle transforme la plainte humaine en une check-list de symptômes, sans interroger le sens ni le contexte. Ainsi, un patient présentant cinq des neuf critères d’un trouble peut être diagnostiqué, tandis qu’un autre, ne remplissant que quatre critères mais également en souffrance, ne le sera pas. Cette logique dichotomique, tout ou rien, ignore la complexité de la subjectivité humaine.
En outre, l’inflation des diagnostics est notable : de 106 troubles recensés en 1952 dans le DSM-I, on est passé à plus de 300 aujourd’hui. Ce foisonnement pose une double interrogation : sommes-nous plus malades qu’avant ? Ou avons-nous simplement multiplié les catégories d’étiquetage ?
Le modèle systémique : dynamique, contexte et transformation
En opposition à cette approche classificatoire, l’approche systémique considère le symptôme comme le produit d’interactions complexes entre l’individu, son environnement, et les tentatives de résolution du problème. Plutôt que de chercher à définir « ce que le patient a », elle s’intéresse à « comment cela fonctionne ». Cette approche processuelle permet de comprendre la logique d’entretien du problème, et ouvre des voies d’intervention plus adaptées.
Elle repose sur des concepts clés comme les tentatives de solution, les boucles de renforcement, les systèmes d’interactions et la circularité. Elle fait le pari que pour sortir du problème, il ne s’agit pas d’en comprendre la cause lointaine mais de modifier les boucles interactionnelles qui le perpétuent.
Par exemple, dans le cas d’un patient souffrant de phobie sociale, le modèle DSM conduira à un diagnostic de trouble anxieux social et à une prescription d’anxiolytiques. L’approche systémique, elle, examinera les comportements d’évitement et de réassurance qui renforcent la peur, et proposera des actions paradoxales pour enrayer cette dynamique.
Le rôle du récit : entre figement et transformation
La façon dont un individu raconte sa souffrance influence directement la manière dont il la vit. Comme le rappelle Boris Cyrulnik, ce n’est pas l’événement traumatique qui détermine l’identité, mais l’interprétation que le sujet en fait. Un récit figé enferme le sujet dans une identité douloureuse ; un récit en mouvement ouvre à des possibilités de transformation.
Le diagnostic systémique agit comme un levier de relecture de ce récit. Il propose une cartographie des interactions qui permettent au sujet de retrouver une position active, responsable et acteur de sa propre histoire. Là où le DSM dit : « voici ce que vous êtes », la systémie demande : « quel est votre cheminement ? »
Le modèle hybride : vers une alliance des paradigmes
Il ne s’agit pas de rejeter le DSM ou l’approche psychiatrique. Cette dernière reste utile pour structurer les politiques de santé, pour objectiver certaines situations graves, pour proposer des repères partagés. Mais elle doit être articulée intelligemment avec l’approche systémique.
L’avenir de la santé mentale passe par un modèle intégratif. Des outils diagnostiques hybrides pourraient permettre de combiner une lecture symptomatique et une cartographie des processus interactionnels. La formation des professionnels doit également évoluer, pour inclure les compétences d’écoute contextuelle, d’analyse des tentatives de solution, et de déconstruction des récits figés.
Conclusion
Le diagnostic systémique, loin d’être une alternative au DSM, en constitue un complément nécessaire. Il permet de redonner au patient une place active dans le processus de transformation de sa souffrance. En éclairant les interactions plutôt que les symptômes, en valorisant les processus plutôt que les étiquettes, il contribue à une clinique plus humaine, plus adaptée, et plus efficace.
Cette réinvention du regard clinique invite les professionnels à ne plus se demander seulement « qu’est-ce que ce patient a ? », mais « que vit-il, avec qui, et comment ? ». Car la santé mentale, plus qu’une affaire de catégories, est une question de récits, de liens, et de dynamiques vivantes.
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