Le retour à l’emploi après un burnout représente un enjeu social, économique et de santé publique. Quand et où reprendre le travail ? Comment accompagner au mieux la personne pour que le retour dans le monde du travail se passe bien et éviter les rechutes ? Cet article propose de considérer les apports de l’approche systémique stratégique dans le traitement des burnout et dans l’accompagnement au retour à l’emploi.


Les origines du terme burnout
Claude Veil, psychiatre, médecin du travail, décrit scientifiquement les états d'épuisement au travail dès 1959. C’est ensuite Herbert Freudenberger, psychiatre et psychothérapeute, qui fera les premières recherches sur le syndrome d’épuisement professionnel. Il désigne par le terme Burn-Out Syndrome (« B.O.S. ») un état d’épuisement dans lequel se trouve le personnel soignant des Free Clinics, très investi professionnellement et émotionnellement avec des patients toxicomanes. Herbert Freudenberger le définit ainsi : « Un état de fatigue chronique, de dépression et de frustration apporté par la dévotion à une cause, un mode de vie, ou une relation, qui échoue à produire les récompenses attendues et conduit en fin de compte à diminuer l’implication et l’accomplissement du travail. » Au début des années 80, Christina Maslach, psychologue américaine spécialisée dans les domaines de l'épuisement et du stress au travail conduit un programme de recherches psychométriques pour aboutir à une définition plus opérationnelle et à une échelle de mesure valide du burnout. Susan Jackson et elle mettent au point l’outil MBI « Maslach Burnout Inventory’s » (Maslach, 1981) afin de mesurer l’état d’épuisement professionnel selon trois dimensions : l'épuisement émotionnel (psychique et physique) ; la dépersonnalisation, ou cynisme (se traduit par un retrait et une indifférence vis-à-vis du travail) ; le sentiment de perte de l'accomplissement personnel (conduit à la dévalorisation de soi).
L’Organisation Mondiale de la Santé (site WHO, 2019) a ajouté le syndrome d’épuisement professionnel à sa classification internationale des maladies en mai 2019 mais en tant que « phénomène lié au travail » et non dans la liste des « maladies ». La définition est : « un syndrome résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès. Il est caractérisé par trois dimensions : un sentiment d’épuisement, une distanciation mentale vis-à-vis de son travail, du cynisme ou des sentiments négatifs liés à son travail et une efficacité professionnelle réduite. Il est spécifiquement inscrit dans un contexte professionnel et ne peut être utilisé dans d'autres contextes. » Cette définition reprend essentiellement les trois dimensions du burnout identifiés par Maslach (1981).
La vision et les recommandations actuelles des autorités de santé françaises
Le document : « Repérage et prise en charge cliniques du syndrome d’épuisement professionnel ou burnout », adopté par le Collège de la Haute Autorité de Santé en Mars 2017 définit le syndrome d’épuisement professionnel et établit des constats et des recommandations sur son repérage, sa prise en charge et l’accompagnement des patients lors de leur retour au travail.
Définition du burnout
Le burnout, considéré comme un syndrome, ne figure pas dans le DSM-V. Selon la Haute Autorité de Santé, le syndrome d’épuisement professionnel correspond à « un point de rupture dans l’adaptation de l’individu résultant d’un déséquilibre durable entre la demande et les ressources ». La définition officielle française du burnout a été publiée dans le Journal Officiel de la République Français du 24 octobre 2012 (n°248), texte n°86 : « Syndrome d’épuisement professionnel : syndrome caractérisé par un état de fatigue extrême, tant physique que mentale, attribué à la profession exercée et aux conditions de son exercice. Note : Le syndrome d’épuisement professionnel est à distinguer de la dépression, qui affecte le sujet de manière plus générale. Équivalent étranger : burn-out, burnout. ».
Même si la définition distingue burnout de dépression, certaines études mentionnent des liens entre les deux. Ainsi, des antécédents de dépression peuvent favoriser l’apparition d’un burn-out, et un burn-out peut évoluer en dépression.
Les principaux symptômes retenus :
- Émotionnels (ex : peurs, humeur triste ou manque d’entrain, irritabilité, hypersensibilité…)
- Physiques (ex : troubles du sommeil, fatigue chronique, tensions musculaires, prise ou perte soudaine de poids, maux de tête…)
- Cognitifs (ex : diminution de la concentration, difficultés à prendre des décisions ; erreurs, oublis…)
- Comportementaux ou interpersonnels (ex : repli sur soi, isolement social, diminution de l’empathie, agressivité, comportements addictifs…)
- Motivationnels ou liés à l’attitude (ex : désengagement, baisse de motivation, effritement des valeurs associées au travail, doutes de ses propres compétences, remise en cause professionnelle, dévalorisation…).
Prise en charge et accompagnement du retour au travail
La HAS recommande un parcours jalonné par différents temps :
Phase de diagnostic : permet de caractériser le syndrome, repérer des pathologies sous-jacentes éventuelles (ex : un trouble anxieux, un trouble dépressif ou un état de stress post-traumatique), évaluer le risque suicidaire. Un bilan médico-psychologique complet peut être réalisé dans des services hospitaliers de pathologies professionnelles.
- Action sur le contexte socioprofessionnel à l’origine du trouble : analyse du poste et des conditions de travail.
- Traitement du trouble : arrêt de travail, approches thérapeutiques (ex : thérapies brèves, méditation pleine conscience, relaxation …) et éventuellement des traitements médicamenteux (antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques).
- Accompagnement pour la préparation et le suivi lors du retour à l’emploi : reconstruction de l’identité et en particulier de l’identité professionnelle, réflexion sur le rapport au travail, renaissance du désir de travailler, conditions de retour.
Les apports de l’approche systémique stratégique dans la définition du burnout
Vision systémique du burnout
Claude de Scorraille partage le point de vue des cliniciens de la relation sur le processus d’épuisement professionnel : « Nous voyons le processus d'épuisement professionnel comme l'ensemble des effets cumulatifs des tentatives de solutionqu'un individu met en œuvre pour tenter de s'adapter au mieux à son environnement de travail. Cette dynamique adaptative est un processus circulaire qui relie la personne à sa situation de travail, aux autres et à elle-même, en proie à une rigidité, qui est le résultat d'une combinaison dynamique d'évitement, de contrôle et/ou de croyance. Dans le processus du burn-out, la personne évite d'affronter ses peurs en faisant l'expérience d'une action qui a pour effet de l'apaiser. C'est un processus de fuite en avant qui fonctionne comme une drogue. La personne finit par être addict à l'action. »
Dans l’approche systémique stratégique, le bien-être résulte de la capacité à maintenir une cohérence et une souplesse dans la relation à soi, la relation aux autres et la relation au monde en s’adaptant aux variations de son environnement. Une personne qui souffre d’un problème est prisonnière d’un système de perception – réaction régi par une logique non ordinaire (contradictoire, paradoxale ou de croyance) et dans lequel elle déploie ses tentatives de solution de façon rigide ce qui l’empêche de sortir de son problème (de Scorraille et al., 2017). Le clinicien de la relation accompagne le patient à faire émerger sa vision du monde et ses tentatives de solutions qui ont pu être fonctionnelles dans un autre contexte et qui sont devenues dysfonctionnelles dans le contexte actuel. Ceci permet, d’une part, à l’intervenant d’établir une stratégie qu’il met en œuvre en s’appuyant sur les deux autres dimensions de la thérapie systémique stratégique : la communication et la relation. D’autre part, ceci permet au patient une prise de conscience et l’accès à de nouvelles ressources pour mettre en place des solutions fonctionnelles afin de retrouver du bien-être.
Cette définition insiste sur la vision systémique, là où la définition officielle française met en avant un épuisement des ressources mentales et physiques lié à une exposition excessive à des situations de stress, lié à un environnement délétère. Ceci pourrait sous-entendre qu’il y a d’un côté un patient et de l’autre un environnement professionnel, il suffirait donc de changer de poste ou d’environnement pour retrouver une situation professionnelle satisfaisante. Or, dans ma pratique, j’ai accompagné plusieurs patients pour lesquels ce n’était pas le premier burnout alors qu’ils avaient changé de poste et de secteur. Si on aborde le burnout comme l’aboutissement d’un système relationnel dysfonctionnel, le patient risque de le remettre en place dans le poste suivant et donc de rechuter. La thérapie systémique stratégique permet de sortir de la logique linéaire : l’environnement cause le burnout (patient victimisé) ou le patient cause son burnout (patient culpabilisé) et apporte ainsi une solution au problème, à la fois curative et préventive de rechute car le patient aura développé de nouvelles ressources pour gérer son rapport au monde du travail, à lui-même et aux autres.
L’accompagnement systémique du patient au retour à l’emploi
Généralement, au moment du burnout, le patient a besoin d’un arrêt de travail pour se reposer et se soigner. Le clinicien de la relation peut intervenir à partir du moment où le patient a retrouvé suffisamment de force. Le principe est d’assouplir la rigidité relationnelle en cause dans l’épuisement en s’appuyant sur la méthode du Problem Solving (Nardone, 2017) : définir le problème et l’objectif à atteindre ; analyser les tentatives de solution (que font habituellement les personnes pour résoudre le problème sans y parvenir ?) ; utiliser des techniques d’investigation orientées problème (ex : comment aggraver le problème ? que faire, dire ou penser pour volontairement aggraver la situation ?) ou orientées solution (ex : scénario au-delà du problème : si le problème était résolu, qu’est ce qui serait différent ?) ; utiliser la technique de l’alpiniste pour définir des objectifs intermédiaires entre l’objectif final et l’objectif minimum ; ajuster le tir (procéder étape par étape selon la complexité du problème) et enfin clôturer en actant que l’objectif est atteint et en soulignant les nouvelles ressources mises en œuvre. L’intervention se fait en mobilisant tout le système pertinent, c’est-à-dire les personnes impliquées dans la situation problématique et qui tentent de l'apaiser sans y parvenir. Ceci m’amène à deux sujets :
- Mobiliser des personnes dans l’environnement professionnel en vue du retour du patient au même endroit.
Cela peut être le cas lorsque le patient est envoyé vers le clinicien de la relation par l’entreprise elle-même. Ceci permet de travailler sur tout le système et le rendre plus souple, ce qui apportera un bénéfice à l’ensemble du système. Le secret médical les protégeant, l’entreprise n’est pas toujours au courant de la raison de l’arrêt maladie du collaborateur, sauf si celui-ci en parle. Il peut y avoir également des situations de non-dits où l’environnement « sait » mais n'en parle pas. Nous perdons alors l’occasion de travailler sur l’ensemble du système.
- Mobiliser les proches du patient sous forme d’une thérapie de couple ou familiale si cela aide le patient à accomplir sa transformation et à retrouver une activité.
Les séances d’information sur le burnout réalisées à l’hôpital avec les patients et leurs proches permettent un début d'implication du système pertinent. Dans ma pratique, voici un exemple illustrant l’importance du système familial dans le retour à l’emploi. J’ai accompagné Noé, un patient qui avait vécu un burn-out, quitté son entreprise et qui rencontrait des difficultés à se mettre en mouvement, à retrouver un emploi depuis presque deux ans. Il se sentait bloqué. L’approche systémique stratégique m’a permis de questionner sa situation actuelle, je me suis d’abord concentrée sur ses interactions professionnelles dans le cadre de sa recherche d’emploi et j’ai réalisé que le blocage était ailleurs. C’est lorsque j’ai interrogé ses interactions avec sa famille que nous avons identifié deux éléments importants. D’une part, que sa relation de couple s’était dégradée depuis plusieurs années, ce qui le préoccupait tellement qu’il avait du mal à se concentrer sur sa recherche d’emploi. Il a donc décidé d’entamer une thérapie de couple avec sa femme (avec un autre intervenant). D’autre part, nous avons identifié que le nouvel équilibre familial et la place qu’il avait prise dans le système familial, avec une femme très occupée par son travail, lui sans emploi, et trois enfants à gérer, ne lui convenait pas et qu’il se sentait bloqué à la maison, au service de sa famille, avec une baisse d’estime de soi. Je l’ai accompagné à se repositionner dans le système familial, à prendre du temps pour lui et pour sa recherche d’emploi sans culpabiliser. Ces éléments lui ont permis de retrouver de l’énergie pour rechercher un emploi.
L’accompagnement d’une métamorphose
« Le moment du burnout est le moment de basculement où le système adaptatif de la personne s’écroule. Elle ne peut plus faire ce qu’elle avait l’habitude de faire et c’est tant mieux, d’une certaine façon, puisque la stratégie n’était pas tenable à terme. On dit communément qu’à ce moment, le corps lâche [...] Le corps reprend ses droits sur la volonté qui l’a négligée en le contraignant à maintenir une stratégie d’adaptation particulièrement coûteuse. C’est donc le moment stratégique à partir duquel une métamorphose devient enfin possible » (de Scorraille et al., 2017). Un burnout conduit à un changement de type II car la personne ne redeviendra pas celle qu’elle était avant, ce qui est plutôt une bonne nouvelle puisque celle qu’elle était avant est allée jusqu’à l’épuisement professionnel. Néanmoins cette situation reste difficile à accepter et donc engendre des résistances fortes car elle nécessite de faire le deuil du soi d’avant. Je présente souvent à mes patients le burnout comme une crise au sens asiatique du terme : 危机 (weiji : danger – opportunité). L’aspect danger est rapidement perçu par le patient qui évoque tout ce qu’il a perdu par rapport à avant et qui se sent souvent victime ou coupable d’une situation, d’un environnement, du système. L’aspect opportunité peut être identifié au fur et à mesure de la thérapie : identifier les forces qu’elle va garder et sur lesquelles elle peut s’appuyer et les nouvelles ressources qu’elle va développer afin de trouver un nouvel équilibre adaptatif à l’environnement de travail et un nouvel apprentissage relationnel (dans sa relation de soi à soi, de soi aux autres et de soi au travail et au monde). L’objectif est de « transformer les victimes en phénix » (de Scorraille et al., 2017). Par exemple, lors de ma première séance avec Claudia, sa demande exprimée était : « Je veux redevenir celle que j’étais avant, je procrastine, je fais moins de choses et je mets plus de temps à les faire, je suis moins efficace, je ne me supporte pas ainsi ». Nous avons donc travaillé la prise de conscience de sa stratégie d’adaptation dysfonctionnelle et de cette notion de métamorphose. Cette métamorphose se manifeste à la fois sur un plan rationnel : il faut avancer, retravailler, prendre des décisions comme retourner à son poste ou le quitter et en chercher un autre, reprendre rapidement ou prendre son temps… Et aussi sur un plan émotionnel avec potentiellement des émotions multiples : la honte d’avoir failli, la colère contre soi et/ou contre l’environnement, la peur de reprendre un poste, de ne pas être capable / à la hauteur, de rechuter…
Les freins à la métamorphose
Un système aspirant à l’homéostasie, tout changement génère des forces de rappel qui génèrent les résistances au changement. Le clinicien de la relation peut utiliser le principe de syntonie (Nardone et al., 2006) qui consiste à adopter la position relationnelle et communicative la plus efficace afin d'amener le patient à réduire au minimum sa résistance au changement. Ainsi, il commencera par créer une relation de confiance avec le patient par sa communication et son empathie, par valider ce que le patient perçoit et ressent, ce qui lui permettra ensuite de faire une rupture d’empathie en amenant une vision alternative à la perception du patient.
L’intervenant peut rencontrer quatre profils de résistances chez un patient (de Scorraille et al., 2017) :
- Le potentiellement collaboratif « je veux et je peux » : motivé à changer et qui a toutes les ressources cognitives et émotionnelles. Le thérapeute peut utiliser une communication explicative, rationnelle.
- L’émotionnel empêché « je voudrais mais je ne peux pas » : motivé à changer mais émotionnellement bloqué, gouverné par une émotion dominante qui maintient le dysfonctionnement et sur laquelle le thérapeute va s’appuyer. Dans l’approche systémique stratégique, les quatre émotions primaires sont la peur, la colère, le plaisir et la douleur.
- L’opposant « je n’y crois pas, je ne veux pas » : cette opposition, implicite ou explicite, est une tentative de contrôle et s’accompagne de bénéfices secondaires (ex : être au centre de l’attention). Le thérapeute peut prescrire de la résistance car résister aux ordres c’est obéir ou utiliser le double lien thérapeutique (tu suis ou on arrête).
- Le résistant idéologique : ni opposant, ni collaborant, patient délirant ou avec un système de croyance très rigide. Le thérapeute essaie d’entrer dans sa perception pour la faire évoluer. Le thérapeute peut également faire face à l’ambivalence du patient.
La raison pour laquelle nos idées se traduisent rarement directement en actions est que nos champs de conscience sont tellement complexes et contradictoires que les idées concurrentes empêchent la plupart des pulsions d'agir (Short, 2021). Dans le cas d’un burnout, par exemple, le patient peut à la fois avoir envie de retourner à son poste et de le quitter pour en trouver un autre. Si l'ambivalence est consciente, le clinicien de la relation accompagnera le patient par son écoute et un travail sur les avantages et inconvénients. Si l’ambivalence est inconsciente, il serait contre-productif de l’exprimer au patient, le thérapeute peut utiliser la « technique de la double contrainte » (« double-bind technique ») pour l’accompagner à explorer les deux côtés de son ambivalence (Short, 2021). Ainsi en invitant le patient à explorer le « et » au lieu du « ou » (Kourilsky, 2014), il pourrait débloquer la dualité dans laquelle il se sent bloqué, alléger la pression et enrichir les possibles. Le thérapeute peut également utiliser le principe de la balançoire : plus il exerce une pression d'un côté de l'ambivalence du patient, plus le patient a besoin de défendre l'autre moitié.
Un autre frein peut également venir d’un manque de confiance en soi. Charles Pépin (2018) définit l’estime de soi comme le jugement que nous portons sur notre valeur et la confiance en soi comme rapport à l’action, le courage de s’aventurer dehors ce qui nécessite une sécurité intérieure. Pour sentir que nous avons confiance en nous, il faut l’éprouver à l’occasion d’une action concrète et fêter les réussites. La confiance c’est aussi se savoir capable d’accueillir l’aléa, l’incertitude. Or, les patients qui sont en burnout ont en général vécu un arrêt de travail et donc une période d’inactivité. De plus, ils perçoivent le burnout comme un aléa majeur dans leur vie, souvent comme un échec et ressentent une baisse d’estime de soi. L’un des enjeux de l’accompagnement sera donc de travailler sur l’estime de soi et la confiance en soi, en utilisant par exemple la technique de l’alpiniste avec des petites étapes et la célébration des réussites dans un journal de bord quotidien.
Conclusions
Lorsqu’on se demande quand et où reprendre le travail après un burnout et comment accompagner au mieux la personne pour que le retour dans le monde du travail se passe bien, les réponses ne sont pas simples et les cas très différents. Les épuisements professionnels sont des situations humaines complexes qui prennent plusieurs formes. Même lorsqu’un patient se sent prêt à reprendre une activité et que les médecins estiment également que c’est le bon moment, le retour à l’emploi peut être difficile. Entre la pensée rationnelle de « je me sens mieux, j’ai repris des forces, je dors mieux, j’arrive de nouveau à lire, je dois/souhaite reprendre le travail » et l’action réelle de se mettre en mouvement, il y a un immense pas qui n’est pas toujours facile à franchir. Nous sommes face à un patient qui vit une transformation accompagnée de résistances et d’ambivalence.
Dans ma pratique, j’identifie plusieurs étapes clés à franchir dans une situation de burnout. Tout d’abord le patient doit avoir retrouvé suffisamment de forces physiques, cognitives et psychologiques pour démarrer un accompagnement thérapeutique. Ensuite, il doit décider de retourner dans la même organisation ou la quitter et chercher un autre emploi. Il a souvent des difficultés à différencier l’expérience spécifique aversive qu’il a vécue, du poste et du secteur dans lequel il travaillait, il a tendance à « jeter le bébé et l’eau du bain ». L’approche du clinicien de la relation permet au patient de voir la situation qui l’a mené au burnout sous un autre angle : celui d’une stratégie d’adaptation dysfonctionnelle dans un certain environnement et donc prendre du recul entre ce qu’il a vécu et son métier. Si le patient décide de quitter son poste et d’en chercher un autre, écrire son CV est une étape clé souvent difficile car elle replonge le patient dans son passé, elle peut rouvrir des blessures mal refermées, elle l’amène à revisiter son parcours professionnel et à savoir comment verbaliser la dernière expérience qui fut douloureuse. Une autre étape délicate est de se rendre visible, que ce soit sur LinkedIn ou que ce soit dans la démarche réseau où l’objectif est de rencontrer des professionnels pour parler de soi et de son projet. Ceci implique, d’une part, d’accepter de se montrer et donc d’avoir géré des sentiments de honte, de culpabilité, de peur, de colère ; et d’autre part de savoir comment parler de son parcours et notamment de sa dernière expérience. L’approche systémique stratégique apporte des tâches intéressantes à utiliser telles que « le roman criminel » lorsque le patient se sent victime ou « la contemplation du désastre » lorsqu’il se sent coupable ou les « lettre de colère » qui permettent de travailler notamment sur l’aspect émotionnel de l’expérience et ainsi être capable de la regarder et d’en parler avec davantage de recul.
Le modèle systémique stratégique permet d’aborder les situations de burnout dans leur complexité, dans leur diversité, dans leur aspect transformation qui génère des résistances. En effet, il est centré sur les interactions des éléments d’un système plutôt que sur ses éléments isolés, il prend en compte le contexte interactionnel, les interdépendances et les rétroactions. Le patient sort ainsi d’une logique linéaire : face à autrui, l’enjeu n’est donc plus moi ou l’autre (collègue, manager, institution, client) mais l’interaction entre moi et l’autre qui construit la relation. Le patient a besoin de prendre conscience du système relationnel qui l’a conduit à l’épuisement, de sa vision du monde, de ses tentatives de solutions redondantes et de mettre en place d’autres solutions en mobilisant ses ressources et en en développant de nouvelles. Ainsi, il pourra décider avec davantage de discernement de reprendre son ancien poste ou d’en chercher un autre et il pourra aborder son retour à l’emploi avec un système adaptatif plus fonctionnel.
Où se former à l’approche systémique et stratégique ?
LACT propose plusieurs parcours de formations web certifiantes en direct avec 50 formateurs internationaux.