La rencontre entre l’approche systémique et l’intelligence artificielle pourrait sembler, à première vue, aussi improbable que celle d’un thérapeute de Palo Alto avec un algorithme de deep learning. Pourtant, ces deux univers partagent une fascination commune pour les patterns, les interactions et la résolution de problèmes complexes.
Introduction : quand deux mondes se rencontrent
L’approche systémique, née dans les années 1950 à Palo Alto, s’intéresse aux interactions entre les éléments d’un système plutôt qu’aux éléments isolés. Elle considère que les problèmes humains émergent et se maintiennent dans un contexte relationnel. L’intelligence artificielle, quant à elle, tente de reproduire certains aspects de l’intelligence humaine à travers des systèmes capables d’apprentissage et d’adaptation.
Mais au-delà de ces définitions académiques, une question plus impertinente se pose : et si ces deux approches, apparemment si différentes, étaient en réalité deux faces d’une même pièce ? Et si leur convergence ouvrait des perspectives thérapeutiques inédites ?

La systémie et l’IA : deux approches complémentaires de la complexité
Des fondements épistémologiques communs
La systémie et l’intelligence artificielle partagent une vision du monde qui dépasse le réductionnisme cartésien. Comme l’expliquait Joël de Rosnay dans sa conception de l’approche systémique, “il s’agit de considérer un système dans sa totalité, sa complexité et sa dynamique propre” (voir cette présentation de l’approche systémique). Cette vision holistique résonne étrangement avec les développements récents de l’IA, notamment les réseaux de neurones qui tentent de modéliser des systèmes complexes dans leur globalité.
Les deux approches s’intéressent aux patterns, aux régularités qui émergent des interactions. Comme le souligne l’École de Palo Alto, “on ne peut pas ne pas communiquer” - tout comportement est communication et s’inscrit dans un système d’interactions. De même, les algorithmes d’IA cherchent à identifier des patterns dans des masses de données apparemment chaotiques.
La circularité et la rétroaction : un langage commun
Le concept de circularité, central en systémie, trouve un écho dans les boucles de rétroaction des systèmes d’IA. Les cinq axiomes de la communication pragmatique de Paul Watzlawick, notamment celui concernant la ponctuation des séquences de communication, pourraient presque décrire le fonctionnement d’un algorithme d’apprentissage par renforcement (découvrez ces axiomes fondamentaux).
Comme le rappelle la théorie de la double contrainte, développée par Gregory Bateson et popularisée par l’École de Palo Alto, les paradoxes communicationnels créent des situations intenables pour l’individu (en savoir plus sur cette théorie fascinante). De façon similaire, les systèmes d’IA peuvent se retrouver dans des situations paradoxales lorsque leurs objectifs sont mal définis ou contradictoires.
L’IA au service de la thérapie systémique : applications concrètes
LACT-Assistance : une innovation à la frontière des deux mondes
L’une des applications les plus prometteuses de cette convergence est le développement de LACT-Assistance, un service qui intègre l’intelligence artificielle dans une approche systémique de l’accompagnement. Ce service permet d’offrir un soutien continu aux personnes en difficulté, en complément des séances avec un thérapeute humain (découvrir ce service innovant).
L’IA comme amplificateur de la relation thérapeutique
Contrairement aux craintes initiales, l’IA ne remplace pas le thérapeute mais amplifie son action. Comme le souligne l’approche du dialogue stratégique, développée par Giorgio Nardone, la qualité de la communication est essentielle dans le processus thérapeutique (explorer cette approche dialogique).
L’IA peut aider à analyser les patterns de communication, à identifier les tentatives de solution dysfonctionnelles et à suggérer des interventions stratégiques. Elle peut également faciliter le suivi entre les séances, permettant au thérapeute de disposer d’informations précieuses sur l’évolution du patient.
L’échelle PRS (Problem Resolution Scale) : mesurer l’efficacité thérapeutique
L’échelle PRS, développée par LACT pour mesurer l’efficacité des interventions thérapeutiques, constitue un excellent exemple de la façon dont les données peuvent être utilisées pour améliorer la pratique clinique (en savoir plus sur cet outil de mesure).
Cette échelle permet de quantifier les progrès réalisés par les patients et d’ajuster les interventions en conséquence.
Les défis éthiques et cliniques de cette convergence
Le risque de déshumanisation de la relation thérapeutique
Robert Neuburger aurait probablement un sourire narquois en évoquant le risque de déshumanisation de la thérapie par l’IA. Comme il l’a souvent souligné dans ses interventions sur les couples et les familles, la qualité de la relation est au cœur du processus thérapeutique (voir ses réflexions sur l’intimité en temps de crise).
L’enjeu n’est pas de remplacer le thérapeute par une machine, mais de préserver la dimension humaine de la relation tout en bénéficiant des apports de l’IA. Comme le rappelle Claude de Scorraille dans son ouvrage Quand le travail fait mal (2017), la technologie doit rester au service de l’humain et non l’inverse.
La question des biais algorithmiques
Les systèmes d’IA apprennent à partir des données qu’on leur fournit. Si ces données contiennent des biais, l’IA les reproduira et pourrait même les amplifier. Dans le contexte thérapeutique, cela pourrait conduire à des recommandations inappropriées ou à la perpétuation de stéréotypes. Comme le souligne l’approche systémique de l’éducation, nos perceptions sont influencées par nos croyances et nos attentes, créant parfois des prophéties auto-réalisatrices (approfondir ce concept fascinant). De même, les algorithmes d’IA peuvent développer des “croyances” basées sur les données qu’ils analysent.
La confidentialité et la protection des données
La question de la confidentialité est cruciale en thérapie. L’utilisation de l’IA implique le traitement de données sensibles, ce qui soulève des questions éthiques et légales importantes.
Vers une nouvelle approche intégrative : la systémie augmentée
Le modèle de convergence NBICA
La convergence entre systémie et IA s’inscrit dans un mouvement plus large d’intégration transdisciplinaire. Selon Roco (2020), cette convergence fait partie des cinq domaines fondamentaux intégrés (NBICA : nanoscale, biologie, information, cognition, IA) qui constituent une stratégie de résolution de problèmes complexes. Cette vision rejoint celle de l’approche systémique stratégique, qui considère que les problèmes humains nécessitent des interventions à plusieurs niveaux. Comme l’explique Grégoire Vitry dans “Thérapie brève systémique stratégique” (2024), l’efficacité thérapeutique repose sur notre capacité à intervenir de façon stratégique à différents niveaux du système.

L’intelligence collective au service de la thérapie
L’intelligence collective, concept cher à Robert Dilts, trouve une nouvelle expression dans la convergence entre systémie et IA (explorer ses applications en entreprise). Cette intelligence émerge de la collaboration entre thérapeutes, patients et systèmes d’IA, chacun apportant ses forces spécifiques. Selon une étude de Travassos et al. (2024), la convergence entre IA et interaction homme-machine a été observée dans 26 domaines-problèmes et 23 domaines-systèmes, témoignant de l’intérêt mondial pour cette approche intégrative. Cette convergence vise à améliorer la confiance, la satisfaction, l’expérience utilisateur et la performance.
La complémentarité des intelligences
Comme le souligne Heudin (2019), l’IA excelle dans certaines tâches mais reste ordonnée, tandis que l’intelligence humaine est multiforme et émotionnelle. Les deux formes d’intelligence sont complémentaires dans la résolution de problèmes complexes. Cette complémentarité est particulièrement précieuse en thérapie, où l’intuition et l’empathie du thérapeute peuvent être enrichies par la capacité de l’IA à analyser de grandes quantités de données et à identifier des patterns subtils. Comme le rappelle l’approche du coaching systémique, la transformation et la performance émergent de la synergie entre différentes formes d’intelligence (découvrir cette approche holistique).
Conclusion : vers une pratique thérapeutique augmentée
La convergence entre systémie et intelligence artificielle ouvre des perspectives fascinantes pour la pratique thérapeutique. Loin de déshumaniser la relation thérapeutique, elle peut l’enrichir en offrant de nouveaux outils d’analyse et d’intervention.
Comme l’aurait probablement dit Robert Neuburger avec son impertinence caractéristique : “L’IA ne remplacera jamais le thérapeute, mais les thérapeutes qui utilisent l’IA remplaceront ceux qui ne l’utilisent pas.”
Cette convergence n’est pas sans défis, notamment en termes d’éthique, de confidentialité et de préservation de la dimension humaine de la thérapie. Mais ces défis ne sont pas insurmontables et les bénéfices potentiels sont considérables.
Pour explorer davantage ces questions et découvrir comment l’approche systémique peut vous aider à résoudre vos problèmes, n’hésitez pas à consulter les experts de LACT, pionniers dans l’intégration de l’approche systémique et des technologies innovantes au service du bien-être humain.
Références
Heudin, J. C. (2019). Complémentarité IA et intelligence humaine. Futuribles.
Lee, J., Kim, Y., & Choi, J. (2023). Modèle pédagogique pour la convergence systématique IA-sciences. Korean Association For Learner-Centered Curriculum And Instruction.
Roco, M. C. (2020). Principes de convergence dans la nature et la société. Journal of Nanoparticle Research.
Travassos, B., Ferreira, A., & Paulino, T. (2024). Convergence IA et interaction homme-machine (HCI). International Journal of Human-Computer Interaction.
de Scorraille, C. et al. (2017). Quand le travail fait mal. Érès.
Watzlawick, P., & Nardone, G. (2000). Stratégie de la thérapie brève. Paris: Éditions du Seuil.
Vitry, G. et al. (2024). Le grand livre du diagnostic systémique et de l’intervention stratégique. Paris: Dunod.
Vitry, G. (2024).Thérapie brève systémique stratégique. DeBoeck
Vitry, G. et al. (2023). Comprendre et soigner les addictions. Paris: Dunod.
Neuburger, R., (2000). L’irrationnel dans le couple et la famille. ESF.
