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      Article de Renée Greusard - Rue89 L'OBS : http://bit.ly/1PJoJEy

      Après les attaques parisiennes de vendredi dernier, nos nuits, notre sommeil aussi ont changé. Pour raconter quoi ?

      Dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 novembre, je me suis réveillée deux fois en sursaut. Dans le premier rêve, mon compagnon était un terroriste. Je m’en rendais compte subitement et cherchais à le neutraliser. Dans mon sommeil, je lui ai saisi l’index en hurlant. Puis j’ai serré très fort. Il a hurlé.

       

      Deuxième rêve : un boîtier est accroché au plafond de notre chambre. Il clignote, il va exploser. J’ai hurlé. Ai-je un problème à régler ? 

      Pas forcément, répond Olivier Brosseau. Psychothérapeute, il fait partie du Lact, un cabinet qui a participé à des cellules de soutien après les attentats.

       

      Le problème, c’est plus souvent d’avoir des difficultés à dormir. Ça fait très peur, on a l’impression que quelque chose d’horrible se passe mais en réalité, c’est plutôt sain. Le cerveau régule comme il peut.

      On raconte souvent une anecdote, peut-être un mythe, au sujet des soldats pendant la Première Guerre mondiale. Pendant des entretiens, on leur demandait s’ils faisaient des cauchemars. Ceux qui répondaient par la négative étaient renvoyés chez eux. 

       

      L’inquiétant n’est pas dans le fait de rêver, mais dans la place que prennent les songes : 

       

      Si on commence à se dire “comme je fais ces rêves, ça veut dire que j’ai vraiment un problème”, si les rêves changent le quotidien, là, ça devient gênant.

       

      Il faut alors songer à se faire aider. L’interprétation des rêves peut être hasardeuse et Olivier Brosseau s’y refuse.

      Mais nous sommes nombreux à avoir vu nos nuit se peupler d’attentats et de terroristes. Témoignages. 

       

      1 - « Mon cheval porte une ceinture d’explosifs »

       A Paris, Sara (certains prénoms ont été changés) habite juste au-dessus d’un des lieux de fusillade. Depuis les attentats du 13 novembre, ses nuits sont agitées. Elle se souvient d’au moins quatre cauchemars.

       Dans le premier, il est question d’un cheval : « Je suis en train de faire de l’équitation dans un manège fermé, j’entends les tirs en rafale au loin, et je me rends compte que mon cheval porte une ceinture d’explosifs. » Une autre fois, elle est au Franprix en bas de chez elle, en face de La Bonne Bière et de Casa Nostra (Xe arrondissement). « Ils arrivent, j’essaie de courir mais impossible, alors je me cache dans un congélateur pour surgelés et je meurs de froid, je me réveille en frissonnant. » Elle revit aussi beaucoup la scène, « sous des angles différents ». Elle est chez son gentil boulanger, qui a tout vu, et dont la boulangerie a été criblée de balles (il n’y avait pas de client à cet instant-là, vendredi soir). Elle rêve qu’elle est son employée. Ils se cachent tous les deux comme il s’est caché tout seul. « Son horloge est toujours arrêtée à 21h33, c’est horrible. » Elle se voit aussi suivie pendant des heures.

       

      2 - « Tu disais à tes amis de se mettre à l’abri »

       Cette semaine à 6 heures, Lucie s’est réveillée en sursaut. Elle a écrit ce mail à un ex dans la foulée. « Tu m’envoyais un SMS pour me dire que tu étais en formation à Dunkerque et que tu entendais des tirs dans la gare du Thalys. Un texto collectif. Tu disais à tes amis de se mettre à l’abri. J’étais en terrasse à Paris, je sentais une voiture se garer derrière moi. L’évidence que c’est en train d’arriver. Je ne savais pas s’il fallait courir ou marcher, entrer dans le bar ou courir dans l’autre sens. C’était si réel. Je n’arrive plus à dormir depuis. ‎Je suis un bloc de stress. » 

       

      3 - « Les bruits des sirènes ne te dérangent pas ? »

       Julie, elle, a turbiné sur le son des sirènes dans son sommeil. « Elles résonnaient dans ma tête toute la soirée, je me focalisais dessus, j’avais même l’impression de ne plus arriver à distinguer les vrais bruits de la ville avec ce que mon cerveau fabriquait (je pense que c’est directement lié à l’angoisse de ces attentats et au fait d’y penser quasiment tout le temps depuis quelques jours). Le lendemain matin, j’ai réalisé avoir eu une conversation avec une personne qui faisait partie de mon rêve, dans un endroit imaginaire loin de Paris. Je lui disais quelque chose comme : “Les bruits des sirènes ne te dérangent pas ? Moi, c’est horrible, j’ai l’impression qu’ils résonnent dans ma tête.” Tout de suite après cette réminiscence, j’ai réalisé que cet évènement avait transpercé mon inconscient. »

       

      Un homme allume une bougie, en mémoire des victimes, le 14 novembre 2015 place des Terreaux à Lyon
       

       

      4 - « Je cherche le blouson rouge de mon fils partout »

       Anne raconte qu’elle a été anéantie quand elle a lu qu’un petit garçon de 5 ans, presque l’âge de son fils, se trouvait au Bataclan et qu’il y a perdu sa mère et sa grand-mère. « Ça me tord le ventre. D’où le cauchemar, je pense. J’ai le sentiment que ces attentats ont fait comprendre à mon fils que je ne pourrai pas toujours le protéger. Il a perdu une certaine forme d’insouciance. C’est insoutenable pour moi aussi. » Dans son rêve, elle était dans la rue avec son enfant de 4 ans, Théo. « Tout à coup, on tombait sur un cordon de police, et d’un coup, c’était la nuit et je me rendais compte qu’on était à côté du Bataclan. J’entendais des tirs et le temps de regarder ce qui se passait, Théo n’était plus là. Je me rends compte qu’il est de l’autre côté des policiers, du côté où ça tire, mais les policiers ne veulent pas me laisser passer pour aller le chercher. Je crie, je hurle, et tout à coup, je ne le vois plus du tout, je cherche son blouson rouge partout mais je ne le vois plus, je me suis réveillée en pleurs. »

       

      5 - « Il pleuvait des hommes et des femmes morts boulevard Haussmann »

       Nathalie a rêvé « qu’il pleuvait des hommes et des femmes morts boulevard Haussmann ». Elle a aussi rêvé qu’« un homme se baladait avec une grosse veste et des fils qui en dépassaient dans le métro pendant une heure de pointe ». « Tétanisé par la peur, tout le monde le voyait. Personne n’osait rien dire et à chaque pas qu’il faisait, la foule lui ouvrait le passage. Jusqu’au moment où le petit garçon trop mignon qui est passé au “Petit Journal”se retrouve devant lui et lui tend une fleur... Le terroriste tire sur un fil et il explose. »

       

      6 - Les papas qui se battent avec « Abaaoud » ou « un kilo de cacahouètes »

       Heureusement certains rêves sont plus drôles...

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