Troubles, tentatives de solution et interventions stratégiques

Un éclairage tiré de l’ouvrage sous la direction de G. Vitry « Le grand livre du diagnostic systémique et de l’intervention stratégique »

Symptômes et stratégies - Repenser les troubles

« Le grand livre du diagnostic systémique et de l’intervention stratégique »  explore les troubles de manière humaine et contextuelle, mettant en lumière les perceptions, interactions et comportements qui alimentent ces problèmes. À travers des exemples concrets et des études de cas, il illustre comment les approches systémiques et stratégiques peuvent transformer les dynamiques pathologiques en opportunités de changement durable.

Les tentatives de solutions

Les troubles psychologiques, qu’ils soient liés à l’anxiété, à l’alimentation ou encore aux dépendances, partagent un point commun : ils sont souvent maintenus et aggravés par des tentatives de solution redondantes. Ces comportements ou schémas, adoptés pour gérer la souffrance, renforcent paradoxalement le problème.

Pour analyser ces tentatives de solution, l'ouvrage introduit la notion de continuum évitement-contrôle, permettant de comprendre comment les personnes oscillent entre ces deux pôles face à leurs difficultés. Ces tentatives de solution sont classées par niveau (cognitif, émotionnel, somatique, autres, monde, environnement) et identifiées par le questionnement C E S A M E.

Une approche structurée pour une intervention efficace

Dans « Le Grand Livre du Diagnostic Systémique et de l’Intervention Stratégique », chaque trouble est exploré de manière approfondie pour fournir une compréhension complète et des outils pratiques adaptés à la réalité clinique. Chaque trouble est organisé et structuré selon les mêmes modalités. Après une brève mise en contexte historique retraçant l'évolution des conceptions sur les troubles, le chapitre propose une nosographie classique, situant les troubles dans leur cadre diagnostic traditionnel.

Ensuite, le diagnostic systémique est présenté, offrant une lecture centrée sur les interactions et les dynamiques relationnelles, notamment les stratégies d’évitement et de contrôle caractéristiques des patients souffrant de phobies. Les questions stratégiques permettent d’explorer le fonctionnement du problème, tandis que les stratégies d’intervention détaillent des prescriptions de tâches spécifiques, conçues pour interrompre les tentatives de solution dysfonctionnelles.

Enrichis de métaphores et d’aphorismes, les chapitres guident également le thérapeute dans les accompagnements en apportant des outils pour contourner les résistances. Enfin, une synthèse englobe les éléments essentiels : diagnostic, symptômes, stratégies, et le chiffres clés issus des programmes de recherche, comme ceux du réseau Syprene, qui renforcent la validité empirique des interventions. Une fiche récapitulative synthétise les éléments essentiels pour une lecture rapide et ciblée

Voici quelques exemples concrets pour illustrer cette approche:

Exemples d’approches pour différents troubles - Troubles phobique, l'évitement comme piège

Dans les troubles phobiques, l'évitement est une tentative de solution typique. Que ce soit face à des espaces clos, des animaux, ou des interactions sociales, la personne cherche à éviter toute situation anxiogène.

Les tentatives de solution typiques les plus fréquentes sont l’évitement des situations anxiogènes, la recherche des réponses ou des informations et le contrôle rationnel les réactions émotionnelles.

Ces stratégies, bien qu’apaisantes à court terme, amplifient l’anxiété à long terme, renforçant la peur à chaque nouvelle tentative.

Interventions stratégiques

L’approche stratégique vise à perturber les schémas d’évitement et de contrôle par des prescriptions paradoxales et des recadrages stratégiques. Par exemple, demander à un patient de tenter volontairement de ressentir davantage de peur peut réduire son anxiété en déstabilisant ses attentes.

Les techniques paradoxales comme "imaginer le pire" ou amplifier volontairement les pensées anxiogènes, aident à réduire leur impact émotionnel.

Le carnet de bord émotionnel aide à identifier les schémas répétitifs et les moments où les tentatives de solution sont activées.

Afficher plutôt que cacher : l'intervenant propose au patient d'afficher un défaut ou un secret honteux afin de confronter sa peur.

Interrompre l'évitement : en utilisant des interventions suggestives, on amène la personne à adopter des mesures de contre-évitement tout en interrompant sa tentative de supprimer volontairement ses réactions spontanées.

Étude de cas

Alexandre, souffrant d'une phobie de la conduite, évitait les autoroutes et les longs trajets. La thérapeute a identifié sa tentative de se confronter à sa peur en faisant des petits trajets, tout en ayant l'espoir de ne pas ressentir d'anxiété. Cette confrontation infructueuse l'a incité à éviter des longs trajets. L'intervention s'est concentrée sur la sécurisation du patient au fur et à mesure qu'il élargissait son périmètre d'exploration, tout en utilisant des questions recadrantes.

Les fiches récapitulatives.

Chaque trouble a une fiche récapitulative synthétisant les éléments essentiels pour une lecture rapide et ciblée. Voici la fiche récapitulative pour les troubles phobiques :

Troubles liés à la consommation d'alcool, la lutte et la plainte

Dans les troubles liés à la consommation d'alcool, les tentatives de solution peuvent prendre plusieurs formes comme la lutte contre l'envie de boire, l'interdiction de boire et la plainte quand la personne se sent rejetée.

Les interventions stratégiques peuvent être très variées, comme lever l'interdit de boire, ce qui peut sembler paradoxal, mais qui vise à briser le cercle vicieux de la restriction, ou

prescrire des lettres émotionnelles pour canaliser la colère et d'autres émotions intenses.

Recadrer la plainte est essentiel, sur le rôle de la substance dans la vie du patient..

Étude de cas, Charles et l'alcool

Charles, 57 ans, buvait plus de 2 litres de vin par jour. En thérapie, il a été autorisé à boire sans culpabilité, une prescription qui a réduit sa lutte intérieure. Associée à des recadrages sur son rôle de "Calimero", cette approche a stabilisé sa consommation et restauré ses relations personnelles et son estime de soi.

Troubles obsessionnels compulsifs (TOC), les rituels comme piège

Les TOC sont caractérisés par des rituels obsessionnels visant à apaiser une peur irrationnelle, comme éviter une catastrophe ou purifier une culpabilité imaginaire. Ces rituels, bien qu’apportant un soulagement temporaire, finissent par envahir la vie du patient, renforçant les pensées obsessionnelles.

Dans les TOC, les rituels sont des tentatives de solution pour soulager l'anxiété. Ces rituels peuvent être de nature très diverse, qu'ils soient de pensée, de comportement ou de langage.

Tentatives de solution typiques : sont les compulsions et les rituels (de pensée, de comportement ou de langage) pour soulager l'anxiété.

Interventions stratégiques :Les techniques pour débloquer les rituels sont :contre-rituel, reporter le rituel, ou ritualiser le rituel, la technique du nouveau record pour se surpasser en améliorant le rituel, ainsi que les lettres émotionnelles, le fantasme du pire et le carnet de bord pour réguler les émotions.

Étude de cas, Clarisse et le TOC religieux

Clarisse, 23 ans, souffrait d’un TOC religieux-superstitieux impliquant des prières et des lavages répétés. En thérapie, elle a reçu la tâche paradoxale de réaliser son rituel exactement 12 fois, tout en considérant que ces actes pourraient irriter Dieu au lieu de l’apaiser. Cette prescription a perturbé ses croyances obsessionnelles et, progressivement, ses rituels ont perdu leur emprise, lui permettant de retrouver une vie plus sereine.

Trouble panique et agoraphobie, l'évitement et la peur de l'aide

Le trouble panique et l'agoraphobie sont caractérisés par des attaques de panique récurrentes, la peur de subir d'autres attaques et l'évitement des situations qui pourraient les provoquer.

Tentative de solution typique est l'évitement des situations anxiogènes.

Intervention stratégique pertinente est d'éviter d'éviter, en utilisant des interventions suggestives pour distraire la personne,

Recadrer la demande d'aide pour interrompre le cercle vicieux où l'aide reçue confirme et nourrit le problème .

Étude de cas

Julie, souffrant de crises d'angoisse au travail, s'était isolée pour se défendre de la peur. L'approche stratégique a révélé comment ses tentatives de solution aggravaient son problème et l'intervention l'a amenée à utiliser la gentillesse pour briser l'évitement.

Troubles alimentaires

Les tentatives de solution sont le plus souvent la restriction alimentaire rigide pour contrôler le poids ou apaiser une culpabilité liée à l’image corporelle et les comportements compensatoires, comme le vomissement, pour éliminer les excès perçus.

Ces tentatives créent un cercle vicieux où la peur de perdre le contrôle renforce les comportements dysfonctionnels.

Intervention stratégique - Les approches systémiques encouragent des choix alimentaires basés sur le plaisir et la responsabilisation progressive du patient. L’idée est de désamorcer la rigidité cognitive autour de la nourriture en introduisant des aliments favoris dans le cadre d’un plan flexible.

Étude de Cas : Giulia et l’Anorexie

Giulia, 15 ans, souffrait d’anorexie sévère et refusait de coopérer à une prise de poids. En thérapie, elle a été confrontée à un choix stratégique : une hospitalisation avec alimentation forcée ou une prise de poids progressive à travers des repas qu’elle pouvait choisir. Mobilisée par la peur de l’hôpital, elle a commencé à s’alimenter, intégrant des plats qu’elle aimait, comme des pizzas. En quelques mois, elle a retrouvé son poids idéal et une relation plus apaisée avec la nourriture.

Dépression, la plainte et le sentiment de victime

Dans la dépression, une tentative de solution courante est la plainte et le fait de se percevoir comme une victime. L'entourage peut répondre par une attitude encourageante, consolatrice et protectrice, ce qui peut maintenir le problème.

Les tentatives de solution typiques sont la plainte et le fait de jouer les victimes, le retrait social, évitant les interactions pour ne pas montrer de vulnérabilité et les ruminations sur les échecs passés, qui renforcent les sentiments de désespoir.

Interventions stratégiques - Recadrage du système de perception-réaction de la personne, souvent précédé par une intervention stratégique familiale, utilisation du langage évocateur pour ouvrir une brèche dans la perception dépressive rigide et lettres de tristesse et de douleur afin de soulager et dépasser la souffrance.

Étude de cas, John et la dépression

John, 35 ans, souffrait de dépression depuis un an, marquée par un retrait social et une perte d’énergie. Grâce à des tâches comme "vivre comme si sa dépression n’était pas là", il a progressivement retrouvé des liens sociaux et renoué avec des activités qui lui procurent du plaisir, amorçant une amélioration significative de son bien-être.

Troubles paranoïaques, la méfiance et l'isolement

Dans les troubles paranoïaques, la méfiance conduit à l'isolement, et les tentatives de solution peuvent aggraver le problème.

Les tentatives de solution typiques sont l'évitement du risque relationnel et l'isolement.

Interventions stratégiques - le dialogue stratégique pour redéfinir le problème et ouvrir une nouvelle perspective, lettres d'accusation et de colère pour gérer les émotions et l'arme de la douceur pour briser l'évitement et technique de recherche de preuves concordantes pour briser la crédibilité des croyances.

Étude de cas

Julie, en proie à des crises d'angoisse au travail, a été amenée à prendre conscience de ses tentatives d'isolement. L'intervenant a utilisé le dialogue stratégique pour lui faire co-découvrir comment ses tentatives de se défendre aggravaient son problème. La prescription de la gentillesse comme arme a permis de briser son évitement.

La puissance des prescriptions, des leviers de changement

Les prescriptions thérapeutiques sont des outils flexibles et puissants qui permettent aux patients de rompre avec des schémas de pensée ou de comportement rigides. En mettant en scène des paradoxes, en autorisant des comportements contrôlés ou en simulant des états désirés, elles ouvrent des voies inédites pour le changement.

Ces interventions, bien que subtiles, créent des expériences concrètes et transformatrices, rendant le processus thérapeutique à la fois engageant et profondément efficace. Elles rappellent que chaque patient, avec les bonnes stratégies, peut trouver des solutions en lui-même et réinventer sa relation à ses problèmes.

La prescription paradoxale

Cette technique consiste à demander au patient d’exagérer volontairement un comportement ou un symptôme qu’il cherche habituellement à éviter. L’objectif est de déstabiliser la logique interne qui maintient le problème.

Pour un patient qui a peur de rougir, le thérapeute peut prescrire de se concentrer intentionnellement sur sa peur de rougir lors d’une interaction. En cherchant délibérément à rougir, le patient découvre qu’il ne peut pas contrôler ce symptôme autant qu’il le pensait, ce qui réduit son anxiété.

Le paradoxe force le patient à confronter son symptôme d’une manière qui brise son pouvoir paralysant, transformant l’évitement en contrôle actif.

L’autorisation à la place d'interdiction

Plutôt que d’interdire un comportement problématique, cette prescription permet ou encourage le patient à le pratiquer, mais dans des conditions contrôlées. Cela réduit la lutte intérieure et transforme le comportement en un choix conscient.

Un patient qui a  des problèmes avec l'alcool peut être autorisé à boire un verre chaque soir à une heure précise, mais uniquement dans un contexte prédéfini (par exemple, en rédigeant ses pensées dans un carnet). Cela transforme une habitude compulsive en un acte réfléchi.

Cette stratégie diminue la culpabilité associée au comportement, réduit les compulsions et ouvre la voie à des changements progressifs.

Comme si

Le patient est invité à agir "comme si" son problème était déjà résolu ou qu’il possédait les ressources nécessaires pour le surmonter. Cette technique permet de contourner les résistances internes et d’initier des expériences émotionnelles correctrices.

Une personne dépressive pourrait être encouragée à passer une journée "comme si elle était motivée", en suivant un emploi du temps léger mais structuré.

En simulant un état ou un comportement souhaité, le patient expérimente des sensations nouvelles et commence à modifier sa perception de ses capacités.

Comment aggraver

Une prescription paradoxale qui consiste à demander au patient d'identifier et de mettre en œuvre volontairement les comportements qui aggravent son problème. Cela crée une aversion pour ces comportements et permet une prise de conscience de leur rôle dans le maintien du problème. C'est une tâche souvent utilisée, par exemple, dans les cas de phobies, de procrastination et de dépression.

Cette prescription demande au patient de volontairement aggraver son problème ou ses symptômes, en opposition directe à ses tentatives de solution habituelles.

Un patient souffrant de ruminations dévalorisantes est invité à consacrer un temps spécifique chaque jour à ruminer intensément.

Cette tâche encadre le problème dans des limites temporelles, réduisant son omniprésence et sa charge émotionnelle. Elle expose également le patient à l’absurdité ou à l’inefficacité de ses ruminations.

Contre-rituel

Pour les patients souffrant de TOC ou de comportements compulsifs, le thérapeute propose un rituel alternatif qui entre en conflit avec le rituel habituel.

Un patient souffrant de TOC est invité à choisir, soit de ne pas mettre en place ses TOC, soit de les répéter un certain nombre précis de fois, ni plus, ni moins.

Le contre-rituel force le patient à questionner la logique de ses compulsions et réduit leur emprise en introduisant une alternative contrôlée.

Anticipation

Cette prescription demande au patient d’anticiper ses émotions ou réactions face à une situation redoutée, puis d’observer si ses attentes correspondent à la réalité.

Un patient souffrant de peur de conduire peut être invité à imaginer ses niveaux d’anxiété avant de prendre la route, puis à les comparer avec ce qu’il ressent réellement après le trajet.

En comparant anticipation et réalité, le patient réalise que ses peurs sont souvent amplifiées par son imagination, ce qui réduit leur impact.

Les lettres émotionnelles

La personne est invitée à écrire des lettres exprimant ses émotions, comme la colère, la peur ou la tristesse. Cela permet de canaliser les émotions et de réduire leur intensité. Elles sont souvent utilisées dans le cadre de difficultés d'expression émotionnelle, ou de colère. Le patient écrit des lettres non envoyées pour exprimer des émotions refoulées, comme la colère ou le chagrin.

Un homme ayant des conflits avec sa compagne est invité à écrire une lettre exprimant tout ce qu’il ressent, sans censure.

Cette technique permet au patient de libérer des émotions et d’examiner ses sentiments dans un cadre sécurisé, facilitant une régulation émotionnelle.

Journal de l'anthropologue

Demander au patient de décrire ses sensations et les réactions de son entourage durant les situations anxiogènes, comme s'il était un observateur externe. C'est une façon de faire baisser l'intensité émotionnelle et d'aider à la prise de recul.

Bloquer des réponses

Une technique utilisée pour interrompre les ruminations et les doutes. On invite la personne à couper court aux questions en bloquant les réponses.

L'invitation à une pratique plus humaine et efficace

"Le grand livre du diagnostic systémique et de l’intervention stratégique" représente une avancée majeure dans la compréhension et la prise en charge de la souffrance psychique. En mettant l'accent sur les tentatives de solution, le continuum évitement-contrôle et les interventions stratégiques, il offre une approche non pathologisante et profondément respectueuse de la personne. Cet ouvrage est un outil précieux pour tous ceux qui souhaitent enrichir leur pratique et accompagner les personnes avec une plus grande efficacité et humanité. Il invite à une clinique de la relation, où l'écoute, la co-construction et la compréhension des dynamiques interactionnelles sont au cœur du processus thérapeutique.

Où se former à l’approche systémique et stratégique ?

• LACT propose plusieurs parcours de formations web certifiantes en direct avec 50 formateurs internationaux.
• Formation systémique généraliste
• DU en Clinique de la Relation avec l'Université Paris 8
• Mastère Clinique avec spécialisation en psychopathologie avec le CTS du Pr Nardone
• Formation Coach Systémique
• Formation Systémique en management de la relation avec l'Université de Grenoble